Qui ?
Marc-Antoine Durand, COO de Yubo.
Quoi ?
Le point sur la stratégie de développement de cette communauté qui rassemble aujourd'hui 25 millions de membres dans le monde.
Comment ?
Vous nous refaites l'histoire de Yubo ?
Yubo a été créé en 2015 par deux ingénieurs de centrale et un Telecom, quand ils étaient encore étudiants. Je les ai rejoint un an plus tard. Ils avaient déjà créé Yellow, une app pour se faire des amis sur Snapchat. A l'époque, les gens partageaient leur nom d'utilisateur Snapchat sur tous les autres réseaux. Et c'était difficile de trouver le nom de ces personnes. C'est parti de ce besoin sur Snapchat. Ils se sont demandés si les gens faisaient cela pour devenir célèbres ou se faire des amis. C'était la deuxième hypothèse. Les gens voulaient faire de nouvelles rencontres et les ajouter sur Snapchat. Puis l'application s'est transformée pour devenir Yubo, avec une messagerie et des espaces de discussion en petits groupes pour se faire de nouveaux d'amis.
Quelle est la spécificité de Yubo ?
On est sur un nouvel usage. Les réseaux sociaux tels qu'on les connait ne vont pas perdurer. Car on constate que sur ces réseaux plus on a d'amis en ligne et moins on a de vie sociale. Les gens veulent pouvoir se faire de nouveaux groupes d'amis en ligne, et c'est un usage qui va se développer. Yubo est dans cette mouvance. Nous ne sommes pas dans une logique de performance au nombre de likes ou de followers. Il s'agit de se faire des amis, avec des personnes qui ont les mêmes intérêts. Sur Yubo, il y a par exemple une très importante communauté LGBT. Mais aussi des gens qui aiment le maquillage, les mangas ou la musique. Yubo leur permet d'interagir de la manière la plus simple, en live. Dix personnes peuvent ainsi se parler en vidéo et discuter comme dans la vraie vie. Nos utilisateurs ont en moyenne entre 16 et 18 ans, 80 % ont entre 15 et 20 ans. Nous allons d'ailleurs faire des sondages sur cette génération Z pour mieux la comprendre.
Quel a été le rythme et les outils de développement de la communauté ?
Elle a atteint 10M d'utilisateurs en 2017, à 25 millions aujourd'hui. Notre société est française mais sa communauté a surtout grandi dans les pays anglo saxons, aux USA (qui est notre plus grosse communauté) en Australie et dans les pays nordiques. En Scandinavie, il y a moins d'heures de cours, les gens parlent Anglais et la population est très clairsemée. Le plus gros a été fait par croissance organique. Mais ça fait un an qu'on fait du marketing, avec des campagnes d'acquisition en Grande-Bretagne, en Australie et en Amérique du Nord.
Quelle est votre vision du marketing ?
Pour nous, le marketing, c'est avant tout de comprendre qui sont les utilisateurs et quels sont leurs besoins. On teste une idée en une semaine, avec peu de ressources et on comprend pourquoi ça marche, ou, plus important, pourquoi ça ne fonctionne pas. Par exemple, quand on travaille avec des influenceurs, d'habitude, les marques comptent sur le réseau de l'influenceur pour diffuser le message. Mais nous avons testé une autre approche : au lieu de diffuser son message sur son réseau propre, on le pousse comme publicité sur Youtube ou d'autres réseaux sociaux. Les algorithmes de Youtube et Facebook vont naturellement aller vers l'utilisateur qui sera le plus intéressé par le produit.
Quels sont vos échecs en marketing, et comment les comprenez-vous ?
Souvent, les marketers se voilent la face en déterminant les métrics qui vont décider si l'action est un succès ou un échec. Chez nous, on considère qu'une fonction qui est utilisée par moins de 10 % de l'audience n'est pas très intéressante. Nous utilisons le framework acquisition activation rétention recommandation (taux de viralité) revenus de Dave Mcclure.
Nous analysons les phases du tunnel de conversion, avec une rétention de l'utilisateur à 7 jours, 14 jours et trois mois. Notre rétention idéale est de 20 % sur 3 mois.
Et cela modèle la façon dont nous utilisons le contenu des influenceurs. Nous diffusons des vidéos plein écran, les seules qui soient visibles en mobile. Et en écrit des textes et des musiques différentes. On peut mettre un budget de 100 € et observer déjà des résultats.
Pourquoi n'y a-t-il pas de publicité sur Yubo ?
Nous ne faisons pas de publicité sur l'appli, parce que nous pensons que cela détériore l'image de marque et que ça freine l'usage. On ne maîtrise pas les contenus diffusés par la pub et cela crée une image de marque qui ne dépend pas de nous. Nous préférons avoir une modèle freemium : nos utilisateurs peuvent acheter des fonctionnalités en plus qui leur permettent d'améliorer leur expérience. Par exemple, ils peuvent aussi booster leur live. Le spectateur et le streamer peuvent mettre 2 € pour mettre en avant un contenu. Les autres plateformes proposent des dons (tipping). Chez nous, la récompense d'un bon programme est de participer à sa visibilité.
Vos chantiers 2020 ?
Cette année, nous allons travailler sur les interactions dans le live, avec le partage d'écran, pour le e-Sport ou le karaoke. On pourra partager ainsi ses jeux en ligne sur Yubo. Nous allons consolider notre position sur les pays où nous sommes déjà et conquérir le Brésil et le Japon.