Qui ?
L'équipe de PetitWeb, plongée au fond de la piscine du Web Summit, avec le petit pull marine de Paddy Cosgrave, son fondateur (en photo).
Quoi ?
La playlist de notre semaine lisboète, en apnée au principal salon de la tech européen.
Comment ?
Un petit pull marine
A force de côtoyer les puissants de ce monde, Paddy Cosgrave, fondateur du « plus gros salon tech en Europe », avec 70 000 visiteurs et 170 pays représentés, a perdu un peu pied. Ses conférences sont vertueuses. Beaucoup de femmes sur scène, un grand effort pour ne pas polluer, sur le Salon et dans les discours des marques toujours plus green. Mais le diable est dans les détails. En témoigne le « pullgate », raconté par la BBC. Dans la boutique du salon, le pull irlandais porté par Paddy était proposé au modeste prix de 850 € pièce. Ah, il y avait aussi un sweatshirt pour enfant à 240 € pièce. Une paille, au pays des milliardaires. Après la controverse sur les réseaux sociaux, les articles en question apparaissent comme « sold out » et leur prix a disparu. Une anecdote pas si innocente que cela : la tech est un univers peu divers, assez uniforme dans son mode de pensée, et très privilégié, dont les dirigeants se prennent parfois pour les maîtres du monde.
Paddy Cosgrave s'est défendu en disant que cette boutique de produits dérivés était pensée comme une déclinaison d'un grand concert de rock. Ce qui nous a donné l'idée de vous accompagner dans le récit de ce grand gig en musique.
Une édition géante
Le salon est très grand, à la limite du gigantisme. La presse et les orateurs ont une entrée spéciale, mais le public fait 45 minutes de queue. L'application permet de chercher par mots clés parmi les 21 thématiques de conférences (avec une petite nouvelle cette année, la deeptech) et les 1 000 intervenants, et comprend, selon les badges, de 3 à 10 thèmes. Un stand de 2 mètres carrés coûte 20 000 €.
Qui trop embrasse mal étreint ? Les places assises pour déjeuner sont chères, et la qualité des interventions des 2 000 conférenciers (qui font parfois 6 interventions de suite, comme Fabrice Grinda), inégale. Reste que les start-up, qui font le cœur du salon, sont assez satisfaites de leurs rencontres. Ainsi, Bruno Salvatore, VP des partnership de Wemap : « Beaucoup de Russes. Quelques gros poissons, et un peu moins de Français ». Sunny Paris de noCRM va signer des clients « Alors qu'on était plutôt venus pour de la visibilité et des partenariats ». Il se demande quand même « Que font marques et des institutionnels au milieu du salon, c’est sûr que le stand de SAP envoyait, mais est-ce que c’est vraiment leur place ? Les stands de l’Arabie Saoudite et du Qatar montrent aussi toutes les limites de ces pays, beaucoup d’argent mais pas vraiment d'innovation. Ça repousse les start-up un peu au large avec une impression que le salon se « Vivatechise ».
Dans la série perplexité, on retiendra le stand de Lush et ses savons qui montrent en 3D leur composition (4 500 téléchargements quand même pour une appli qui ne change pas la face du monde).
Ou celui d'EDP, l'EDF local, le plus spectaculaire (voir ci-dessous), avec des filles qui chevauchent une licorne qui s’élève dans les airs. Nous sommes passés devant le stand, avec Nenad Cektovic COO de Lengow, qui se demande : « Est-ce que communiquer n’importe quoi, c’est communiquer ? ». Vous avez la lecture de cet article pour y répondre.
Jean-Noël Penichon, digital director de de McDo passe à Lisbonne deux jours, mais incognito « Sinon, on est une bête de foire. Ça me permet de humer les tendances. Il y a trois ans, les exposants principaux étaient des automobiles et des biens de conso Aujourd’hui, c’est les télécom et les services ».
Pour Bruno Delcombel de Chandago, exposant sur le stand FrenchTech pendant une journée : « La bonne surprise est qu’à Cologne, on ne voit que la tech, ici on voit tout le monde, et des gens de qualité ». La qualité de la sélection des start-up n’est pas forcément au rendez-vous partout, comme en témoigne Nenad Cetkovicz, sur le choix des start-up fintech, un domaine qu’il connait bien. Passons maintenant au contenu des conférences, en commençant par la politique, car le Web Summit est une conférence idéologique.
Politique et tech : l’impossible 'date'
Margrethe Verstager est une habituée du Web Summit. Depuis septembre 2019, elle combine un mandat de Commissaire européen à la concurrence et supervise la politique digitale de l’Europe, comme executive vice-présidente. « Nous avons peut-être de nouvelles technologies, mais nos valeurs (la dignité, l’intégrité, l’humanisme, l’égalité) sont anciennes ». L’Europe se pose des questions sur le projet Libra « Non seulement sur le lien entre Facebook et le nouveau moyen de paiement, et la position dominante de Facebook, mais aussi sur le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la stabilité financière ».
Deux jours auparavant, Kevin Wale, le patron du Wallet de Libra, avait fait un exercice d’humilité sur scène, insistant sur la modestie de la participation de Facebook dans l’aventure de ce projet Blockchain (Facebook est l'une des 21 sociétés toujours présentes à bord, et à terme, sera 1/100 participants, avec 1/100 des votes). Avec ce projet, Facebook retrouve sa mission de pirate et touche une corde sensible , quand Kevin déclare : « Ça coûte très cher d'être pauvre ». 1,7 milliards de personnes n'ont pas de compte bancaire. Et les banques prélèvent 50 milliards sur les 700 milliards de transfert de fonds entre les pauvres de la planète. Libra veut changer cela. Qui peut être contre ? Cette aventure à long terme, qu'elle aboutisse ou non, redore opportunément le blason d'un acteur qui autorise toujours, aujourd'hui, les publicités politiques mensongères sur sa plateforme.
A ce sujet, Margrethe Verstager précise : « La démocratie doit être pratiquée à ciel ouvert. Les publicités politiques doivent pouvoir être vérifiées par le public. Mais si ces publicités ne figurent que dans votre feed d’information, c’est seulement entre vous et Facebook, qui vous recible en fonction de qui vous êtes. Ce n’est plus de la démocratie, mais de la manipulation ». Voila pour Facebook. Et Google ? La plateforme n’est pas vraiment présente au Web Summit. Mais Margrethe ne l’oublie pas, « Google is searching you ». Leur technologie ne permet pas seulement de prédire ce que vous voulez, mais aussi d’induire de vous des choix que vous n’auriez pas fait autrement. Manipulation, quand tu nous tiens. Concernant le démembrement des plateformes, elle n’est apparemment pas à l’ordre du jour. Qui dit ouf ?
Edward Snowden chauffeur de salle pour Huaiwei
Edward Snowden a fait l’ouverture du Web Summit (en vidéo ici). Il apparaît sur l’écran géant, interrogé par un journaliste, minuscule en contre-bas, façon Big Brother. « Que l’on parle de Facebook ou de la NSA, nous avons légalisé l’abus des individus au travers de leurs données personnelles. Et créer un système qui rend la population vulnérable, au bénéfice d’une caste de privilégiés ». Autre déclaration qui a fait du bruit : pour Snowden, le RGPD est un « tigre en papier »*.
On reste un peu sur notre faim. Pas de question sur la possible saisie US des droits d’auteur de son livre, dont la lecture est indispensable à toute personne travaillant dans le marketing digital, donc vous. Accueilli par la Russie mais banni par l’Europe, cet homme qui a risqué sa vie pour nous avertir, a été coupé au bout de 20 minutes. Pour laisser la place au talk de Huawei, dont on se demande combien de millions lui a coûté ce dispositif spectaculaire. Le public dans la salle avait été assigné à résidence (officiellement pour des questions de retransmission live) : il ne pouvait quitter l’Arena qu’au bout de l’intervention du sponsor. Etre payé pour chauffer l’Altice Arena et laisser la parole à un fabriquant de téléphone chinois. Un paradoxe que Citizen 4 a dû savourer…
*Le RGPD, un tigre en papier ? C’est aussi l’avis de la start-up Encaged, dans son Manifesto. Le système judiciaire ne peut pas grand-chose, crée la confusion et les mauvaises interprétations.Les réglementations mettent la charrue avant les bœufs en forçant les entreprises à défendre la vie privée alors que les outils sont pratiquement inexistants (il y en avait quand même pas mal dans la partie start up su Salon). La start-up croit que les lois mathématiques sont beaucoup plus robustes pour défendre la vie privée.
La confession de Michel Barnier
Dans son bal de célébrités, Paddy Cosgrave a reçu sur scène l’homme au cœur de son dilemme entrepreneurial. Irlandais d’origine, le créateur du Web Summit a gardé ses bureaux à Dublin, et son principal événement se passe à Lisbonne, Portugal, Europe. « Notre obsession a été de protéger la paix en Irlande, et de protéger la situation des Européens présents au UK » a plaidé Michel Barnier, dans une intervention au ton très personnel. « Soyons francs, personne ne m’a jamais expliqué la valeur du Brexit. Personne. Même pas Nigel Farrage. »
Le Brexit aura été une « école de patience ». Mais le commissaire (et ancien champion) a toujours vu au-delà de la séparation et tient à garder de bonnes relations avec la Grande-Bretagne. Ainsi, pour la data « Si vous avez acheté quelque chose au UK, vous avez probablement échangé vos données personnelles. La Grande-Bretagne nous a donné l’assurance que les règles qu’elle suivrait en ce domaine seraient aussi strictes que les règles européennes ».
T. Blair : mettre la techno au cœur du politique
De son côté, Tony Blair, Executive Chairman of the Institute for Global Change, a plaidé pour mettre la tech au coeur du politique : « Aujourd’hui, les gouvernements européens concentrent le débat à gauche, sur le business, à droite, sur les (im)migrants, quand la question technologique devrait être au cœur des débats. Tout le reste n’est que distraction. Et sur cette question, l’Amérique et l’Europe devraient coopérer. Mais je ne le vois pas venir. Nos relations sont transactionnelles, elles devraient être fondées sur les valeurs qui lient le monde occidental ». La technologie est la solution pour vaincre le populisme. En matière de sécurité sociale, de transport, de loi et de maintien de l’ordre, nous pouvons repenser le système de santé et de retraite. Les gouvernements pourraient avoir une interaction différente avec les citoyens au travers de l’usage de la technologie. Et l’identité électronique et biométrique peut nous aider à résoudre les défis de l’immigration ». Reste que, comme le rappelle Ro Khanna, member of the House, les parlementaires américains ont une ignorance crasse de la technologie, mise à nue pendant la session de questions à Sundar Pichai... Ce n'est donc pas gagné.
Concernant l'émergence de nouveaux acteurs purement nationaux, Saul Klein, VC et fondateur de Local globe souligne l'opportunité pour les pays de construire leurs géants sur des problématiques nationales : « Les nouveaux géants du numérique seront nationaux, ils seront greffés sur les systèmes de transport, de santé d’énergie ou de finance. Le budget d’un Londonien pour aller au travail est de 3 000 $, c’est dix fois le budget consacré à Netflix. La connexion entre les villes européennes est aussi un axe très puissant ». Mais l’intervenant n’est pas d’accord avec l’ancien Premier Ministre anglais quant à l’alliance avec l’US. « Il faut profiter de la mésentente entre les Etats Unis et la Chine pour vendre à ces deux pays de la haute technologie. L’Europe est très bien placée ! ».
Le machine learning en majesté
Amazon est la plateforme la plus présente sur le salon (voir photo ci-dessous de l'espace AWS, l'un des espaces d'Amazon sur le salon). Pour le CTO d’Amazon, Werner Vogels, « Amazon n’est pas un distributeur, mais une société tech. Nous résolvons les problèmes des consommateurs en utilisant la tech ». Des milliers d’employés travaillent en machine learning (ML) depuis 20 ans. Le machine learning aide à savoir quels produits vous allez acheter. Et dans quel entrepôt nous allons placer ces produits. L’achat de détergents ou de sacs d’aspirateurs est facile à prévoir. Et même des produits saisonniers comme des chaussettes chaudes. Mais les produits uniques, c’est plus compliqué. Pour les télévisions, par exemple, la variation du prix joue. Quelle sera la demande pour des produits que vous n’avez jamais vendus ? « Si le dernier épisode de Game of Thrones sort avant Halloween, vous aurez un intérêt particulier pour des déguisements inspirés de la série. Ces tendances ont été analysées au travers du ML. Et maintenant nous pouvons déployer le deep learning à l’échelle. Nous avons observé une amélioration très forte de la pertinence. Nous avons investi des milliards d’investissement dans notre réseau d’approvisionnement d’entrepôts pour nous assurer de livrer les biens en temps voulu ».
Rohid Prasad, vice-president head scientist Alexa AIa complété cette démo en donnant des chiffres sur Alexa : « Devant la multiplication des applis, le 'cognitive load' repose sur l'utilisateur. La voix résout cela, avec 85 000 devices compatibles 100 000 skills développées par 500 marques. Alexa a réduit d'un facteur 3 la quantité de code qu'un développeur doit faire ».
Au-delà du machine learning, le cerveau 2.0
Thomas Reardon et son équipe de neuro-scientifiques Ctrl Labs, de NY, ont été rachetés entre 500 M et 1 Mds par Facebook, en septembre dernier. Leur activité ? Construire le cerveau 2.0 , en décodant son activité électrique, qui commande le mouvement du corps, pour commander les objets à distance. Ce qui autorise à réaliser de nouvelles actions dans la réalité virtuelle, sans utiliser ses mains (voir vidéo ci-dessous). Comme faire marcher les huit pattes d’un poulpe ou écrire avec un clavier virtuel, sans taper dessus. C’est la seule véritable prochaine révolution technologique que nous ayons vue sur scène-même les démos n'ont pas vraiment fonctionné. Pour un observateur rencontré dans les travées, « Facebook va racheter beaucoup de sociétés en 2020, avec la fenêtre de tir de la transition politique aux US. Et pourquoi pas racheter Shopify, pour suivre WeChat ? »
Great demo from @CTRLlabsCo of gesture tracking #WebSummit #WebSummit19ECH #CTLRLabs #gesturetracking ...toward the end of keyboards and beyond ...;) pic.twitter.com/1ogeXIqQGL
— NicoD #Prospective (@nincoroby) 6 novembre 2019
Sans code, sans interface, sans seringue...
Sans interface, sans code, le nouveau web se dématérialise. Bubble propose ainsi de réaliser des sites sans savoir coder.
Sans code, mais aussi sans aiguille, comme le dispositif de soin pour les diabétiques Nutrix, lauréat du Pitch des start-up (auquel 900 / 2 100 ont participé).
Le BtoB, nouvelle frontière des start up
Dans ce domaine, la palme de l’efficacité au Web Summit revient à Otter.ai, retranscrivant live les conférences, grâce à son AI… On a remarqué Jaggu, une plateforme britannique d'analytics pour les études de marché, a publié un rapport sur le futur de la F1, qui synthétise les principales tendances du Salon, déjà abondamment illustrées par d"autres salons : réalité virtuelle, intelligence artificielle, reconnaissance faciale....
Autre innovation notable, NPlan, autre start-up britannique, se propose de résoudre l’épineuse question du retard des chantiers, grâce aux datas du passé. « Avec la data collectée, on sait ce qui prendra du temps et prédire la longueur réelle d’un chantier immobilier. » Mieux gérer grâce à l’intelligence de la data du marché c’est aussi le projet de Stratio, qui se propose de tirer parti de toute la data de la société en temps réel.
Chez les annonceurs, les grands chantiers
Côté annonceurs, c’est l’heure des grands chantiers. Barbara Martin Coppola, Chief Digital Officer d'Ikea, qui est passé d’un marketing centré sur le consommateur à un marketing centré sur les gens. Elle se prépare à ce que, en 2030, tous ses produits soient recyclés ou rénovés. Et lance le « meuble as a service », un service de location de meuble pour la génération de l'âge de l'accès, théorisée par Jeremy Rifkin..
De son côté, David Eun chief innovation officer de Samsung Next a dépeint un futur dont on se demande si on a vraiment envie. L’usage de l’assistance vocale va tripler dans les 3 prochaines années. Et le public dépense trois fois davantage dans l'expérience que dans les objets. 48 % des Millenials vont à un concert pour avoir quelque chose à partager sur les réseaux sociaux.
« Le retail et le fitness se sont réinventés autour de l’expérience. C'est autour de l'univers de la maison ». Grâce, notamment à Samsung, les habitants de la maison auront accès à des expériences qui ont d'ordinaire lieu à l'extérieur, comme d'être au milieu du stade pour regarder un match ou regarder le soleil se coucher à Miami. Les nouvelles formes d'interaction avec les écrans du foyer transformeront tout, de la gym à la santé, à la nourriture, en passant par l'interaction avec la famille ou les collègues comme s'ils étaient dans la même pièce. Il prévient : « Le frigo devient DJ, pour food dish jockey ». Il faut s'attendre à télécharger sa playlist food de la semaine (9 milliards de dollars seront consacrés à la livraison de nourriture en 2025). C'est la raison pour laquelle Samsung a racheté Whisk.
Tommy Hilfiger avait un grand stand sur le salon. Nenad Cetkovic s'était interrogé sur cette présence. Eh bien, le stand vendait aux autres sociétés de la mode son avance technologique, détaillée sur scène par Daniel Grieder, son Pdg. Aujourdhui, le design des vêtements est 50 % digital, sans utiliser de patron de vêtement en tissu. il sera 100 % digital dans deux ans. « Il fallait deux ou trois prototypes avant de mettre en production. Aujourd’hui, on envoie un proto digital directement à l’usine, et sans avion. On est les premiers à le faire ».
La Stitch academy forme une centaine de designers à ces techniques. Chez Hilfiger l’innovation vient de l’interne : « L’idée de notre digital show room m’est venue en regardant la météo à la télé. Je me suis demandé pourquoi ne pas présenter de la sorte nos marques et collections ». Tous les modèles, matériau et dessins sont stockés dans une bibliothèque digitale. « Du coup, le travail qui nécessitait des centaines d’heures et des centaines de gens peut être réalisé par une personne, un tiers de temps ». Le digital show room et le process digital du groupe est vendu à ses concurrents. « Nous voulons que tout le marché s’en saisisse ».
Les agences ? Better, faster, cheaper
Sir Martin Sorrel a quitté WPP, il y a un an, suite à des accusations de comportement inapproprié. A cette époque, le premier réseau d'agences dans le monde avait 40 % d’activité dans le digital. A 74 ans, prince du rebond, Martin Sorrell est invité dans toutes les grandes conférences pour présenter son nouveau modèle d'agence, qui n'a rien voir avec le précédent. Le dirigeant de S4C pousse un modèle d’agence 100 % digital, fondé sur la data 1st party, le data driving content et le programmatic. Un nouveau modèle qui veut disrupter l’ancien monde des agences. En un an, sa société cotée a racheté Mediamonk et Firewood, et emploie 2 000 personnes dans 26 pays, et a une capitalisation boursière de 1,1 milliards. Son mot d’ordre « better, faster, cheaper ». Il évoque sa rencontre avec un patron d’agence traditionnel « arrogant et suffisant, qui ne voit pas la différence entre le digital et l’analogique ». Martin, lui, la voit, cette différence, et construit son groupe autour du digital, exclusivement. Lors des six derniers mois, le marché de la pub et du marketing et de la pub a progressé de 6,3%. Mais la publicité traditionnelle a décru de 3,3 %et le digital, progressé de 20 %. On comprendra que S4C, soit 100 % digitale et centrée sur les 14 sociétés qui dominent le marché, les GAFAM, et BATX, qu’il baptise les « seven sisters » en références aux compagnies électriques qui ont été démantelées. « Car les Etats ne supporteront pas des sociétés qui pèseraient financièrement autant qu’eux, et la limite, 2 trillion, n’est pas loin : « Ces sociétés font déjà 1 trillion ». Parmi ces 14 sociétés, Adobe, Oracle, IBM et SAP, Snap et Twitter. S4C est focalisée sur la « conversion scale » avec un focus sur le coût, crucial dans un monde sas inflation. Ses clients ? les GAFA, mais aussi Procter ou Nestlé. Martin Sorrell a insisté sur l’importance de bannir de sa liste de clients les « uncontrolled listed companies » dont les dirigeants ne tiennent pas plus de 5 ans. Une manière de pouvoir travailler avec des objectifs à long terme. La liste des clients de Martin ne l’empêche pas de considérer ces plateformes, qui s’en défendent farouchement, d’être des médias.
Les médias sur la route du mini mini
Pour Yaron Galai, le fondateur et CEO d’Outbrain : « On disait que les gens ne paieraient jamais pour la musique. Et pourtant. Vous créez un produit utile et les gens paient. Ce qui va décliner c’est la publicité qui interrompt. La pub du futur est native à l’expérience de l’utilisateur, avec une expérience de qualité, homogène avec le contenu consommé ». Quant à la qualité du contenu d’Outbrain, qui a suscité des critiques « La faute revient aux éditeur, qui choisissent le contenu qui apparaissent sur leurs pages. Ils pensent que l’expérience de leurs utilisateurs compte. Mais les décisions qu’ils prennent sur la monétisation est déconnectée de cela. Alors qu’elle ne l’est pas. Quand ils visent la monétisation à court terme, ils affectent l’expérience de leurs lecteurs ». Quant aux bloqueurs de pub, ça équivaut à bloquer le contenu. Il n’y a aucun moyen de créer du contenu de qualité sans pub. « Les éditeurs ne vont pas continuer à perdre leurs revenus. Dans quelques années, ils bloqueront les contenus sur les browser qui bloqueront la pub et iront à 100 % derrière des paywall. Ce qui n’est pas une bonne chose. C’est comme si vous alliez dans une librairie et que vous ne payiez pas les livres que vous prenez ». En 2030, les medias continueront de raconter de grandes histoires. Mais nous ferons payer l’utilisateur pour ces histoires. Le tout est de savoir comment.
En attendant, de nouvelles formes de monétisation, ultra courtes, voient le jour.
De nouveaux médias apparaissent, centrés sur les nouveaux usages, notamment des messageries, comme l'explique Alex Chung, le fondateur de Giphy (3 lions et 17 Webbys pour ses formats ultracourts). « En temps passé, les messageries dominent le social. mais la publicité n'y figure pas ». Sur les messageries, le public fait part de ses émotions en envoyant des Gif (10 milliards de Gif envoyés chaque jour). Giphy a donc racheté les droits de tous ces Gifs et les distribue sur iMessage, Messenger ou Tinder. Giphy s'adresse à 700 millions de personnes chaque jour. La société a ensuite ajouté les emojis, les textes animés, la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les filtres et les stickers, « 25 % des stories ont des stickers ».
Dans ce Web Summit mixant idéologie et business, la controverse est recouverte par le business. On retiendra l'apostrophe de Rankin, le grand photographe britannique : « Ah, c'est vous, les gars de la tech, qui détruisez la démocratie ! ». Au dernier quadrimestre, les recettes publicitaires de Facebook ont progressé de 30 % aux USA. Et l'on voit, en cette période pré électorale cette publicité. Quand les chiens aboient, la caravane passe. Il y a quelque chose de pourri au royaume du petit pull marine...
Vous êtes toujours là ? Vous avez tout lu ? Vous méritez bien que l'on vous donne l'adresse préférée de Julien Mosse à Lisbonne... Cadeau ! Mais aussi, cadeau bonus, nos 5 minutes avec Brittany Kaiser, actrice et dénonciatrice de Cambridge Analytica, ici.