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Ukraine : la Première Cyber Guerre Mondiale

Qui ? 
Frederic Josue, CEO de 18M.io

Quoi ? 
Sa veille sur la première semaine de la première cyber guerre mondiale. A avoir en tête : toutes les illustrations de l'article, issues de Twitter, ne sont plus disponibles en Russie.

Comment ?
Les Etats ne sont pas en guerre. L'Internet, si.
Le compte certifié du vice-Premier Ministre d’Ukraine @FedorovMykhailo, notamment chargé de la transformation digitale, révèle une nouvelle diplomatie. Samedi 26 Février, Mikhailo Fedrorov a annoncé : "Nous créons une armée des technologies de l'information". Et il redirige vers une chaine Telegram qui édite des instructions pour attaquer les sites russes. "Il y aura du travail pour tout le monde". Lundi dernier, il y avait 285 000 contributeurs. La chaine comprend un document de 14 pages décrivant les démarches à effectuer et les logiciels à charger pour masquer son identité. Les cibles vont de sites web, à des sociétés télécom, des banques et des distributeurs ATM.

Pour faire circuler l'information vue par l'Occident à l'Ouest, cet annuaire de numéros de téléphone russes, publié par les Anonymous, auxquels on peut envoyer les dernières nouvelles du front de l'info occidentale. Les Anonymous sont entrés en guerre  dès les premiers jours : les sites des Anonymous, dont @YourAnonNews suivi par 7.764.688 personnes, qui a produit plus de 190.000 tweets. Les sites, car les Anon sont un groupe collaboratif, international, à la gouvernance décentralisée qui gère ainsi la véracité des infos qu’ils diffusent : pas de site officiel, ni de vérité dictée par un organisme central.

https://twitter.com/NPulkkis/status/1500013680649515011

Différents groupes et individus prennent la parole, pour décourager les hackers en herbe, la pratique est interdite par la NSA-le Contre espionnage américain. Les attaques se concentrent contre les sites gouvernementaux russes, tels celui du Kremlin (résidence officielle et le lieu de travail du président de la fédération de Russie, associé à l’ensemble des pouvoirs, militaire, de presse et de médias). Mais aussi contre la Russian Space Agency, de la Russian oil giant Gazprom, de l’agence de presse RT, mais également de nombreux services de fournisseurs d’accès internet… Les Anon sont sur tous les terrains numériques et appellent les hackers du monde entier à attaquer la Russie. NordVPN et navigateur Tor de rigueur. Ce matin, la Russie publiait la liste d'adresse ayant attaqué des biens russes...

Mykhailo Federov traite aussi  en direct avec les Gafam pour leur demander de cesser leurs opérations en Russie. Il en appelle aux NFT en soutien des forces armées ukrainiennes (voir aussi ses échanges avec la communauté crypto ,notamment @Polkadot $DOT et son don de 5 M$). Il communique avec Elon Musk au sujet de Starlink. Pour s’adresser à la génération LOL et à son porte-monnaie, rien de mieux que l'humour, même en temps de guerre, avec , « this unique opportunity : send Putin to Jupiter » en faisant un don de 2,99 $ pour une fusée virtuelle… tous les fonds seront consacrés à la restauration de l'infrastructure détruite…

Du côté des jeux vidéos et du Web 3, la mobilisation s'organise, comme le raconte cet article de l'Atelier. Côté crypto, l'Ukraine aurait selon CNBC levé plus de 102.000 actifs en crypto pour un montant de 54 millions de dollars. Les dons Bitcoin et NFT affluent pour soutenir la guerre contre la Russie.

Google donne 25 M$ et suspend la commercialisation pub.
Côté plateforme, le vice-Premier Ministre de déclarer :  « There is no place for war criminals in Metaverse ». Mais, les autres peuvent mieux faire : « Nous appelons @Google à déplateformer les médias d'État russes dans les termes les plus forts possibles. @susanwojcicki @sundarpichai ». La réponse de Google intervient une semaine plus tard, sous forme de soutien technologique et de 15 M€ de dons  puis 25 M$ (10 de plus, voir ici). Par ailleurs, la plateforme a suspendu l'activité publicitaire en Russie (voir ici). De son côté, Samsung a suspendu ses exportations technologiques à la Russie et donné 6 M$.

Facebook et Twitter interdits en Russie
Vendredi dernier, 4 mars,  la Russie interdisait Twitter et Facebook. Du coup, certains sur Twitter incitent le public à aller sur Yelp en écrivant ce qui se passe sur le front dans les commentaires des restaurants. Autre détournement étonnant de plateforme : donner de l'argent aux Ukrainiens en louant leur appartement sur AirBand B. On persiste à penser que les institutions font mieux la répartition de l'aide...

 

Les médias visés par les obus
Les grands médias ont tous développé des outils de factchecking, ils certifient des vidéos, des photos, des textes, des comptes. @checknews de Libé relève la fausse vidéo déchirante d’un père ukrainien et sa fille, alors qu’il l’abandonne pour partir au combat. @observers de France24 certifie les vidéos de l’explosion de la Tour de Télévision de Kyiv. Twitter certifie les sites gouvernementaux émetteurs de messages. D’autres ont un rôle actif dans la guerre : Reflets.info alerte la police ukrainienne après avoir détecté 55.007 équipements joignables par internet, dont 1.251 caméras, ou d’autres IoT aux identifiants d'usines restés inchangés. Sur place, les journalistes étrangers  sont visés par de nouvelles lois les mettant en danger et certaines bombes semblent les cibler spécifiquement (voir ci- dessous).  Leur couverture presse est une information de première main essentielle qui demande souvent à être corroborée par une prise de recul. Dans cette guerre, pas de journalisme embedded (par opposition aux wildcats), embarqué avec les forces armées, puisque personne dans le monde réel n'est au côté des Ukrainiens contre la fédération russe.

 

 

OSINT pour Open Source Intelligence (voir ce papier), ou ROSO Renseignement d’origine sources ouvertes, combine, depuis 2011, des recherches en ligne basées sur des sources d’informations publiques : les publications sur les réseaux sociaux, Google Street view, les images produites par les médias, celles issues des applications partageants leur données, etc... Sur l’Osint, le collectif @bellingcat est ainsi très actif : il a à son actif l’enquête sur l’avion de la Malaysia Airlines, ou sur l'empoisonnement de l'ex-espion russe, Sergueï Skripal etc… Ci-dessous, ce simple vendeur dans un magasin  de meubles américains, Alexander Mc Keever, se transforme en géo-localisateur des mouvements de troupe.

Toujours dans le domaine de l’information, la marque Balenciaga après avoir déclaré faire un don PAM (Programme alimentaire mondial des Nations Unies) pour soutenir l’aide humanitaire aux réfugiés ukrainiens, a ouvert ses plateformes pour rapporter et relayer les informations autour de la situation en Ukraine, a ainsi indiqué Demna Gvasalia, le directeur artistique géorgien de la maison de luxe appartenant au groupe Kering. Hermès a fermé ses boutiques en Russie. De son côté, Bernard Arnault a été pris la main dans le sac : sa vente privée aux clients russes, le dimanche suivant le premier jour du conflit a été très reprise sur les réseaux sociaux. Le public en appelle au boycott de Mc Do et Coca. La même semaine, samedi dernier, Coca et Danone annonçaient qu'ils se retiraient de Russie (voir ici).

@larakiara, l'éditrice de Business Insider, sensibilise le monde des agences en communication pour qu’elles créent et envoient des messages publicitaires sur les sites russes  pour contrer la désinformation russe et biélorusse. Cette nouvelle "publi-information", diffusée dans les bandeaux publicitaires, a été vue 1 M fois et cliquée par 21 000 Russes à ce jour (voir ci-dessous). La Russie parle d'opération militaire ? Les Russes rétorquent en éditant un tweet avec le livre "Opération militaire et paix"...L'humour en temps de guerre (bis).

La cyber-guerre de l’information fonctionne évidemment des deux côtés. Ainsi, la Russie serait déjà engagée dans la cyber-guerre avec l'Ukraine. La semaine dernière, un logiciel destructeur de data wiping « d'effacement des données » a frappé les agences gouvernementales et les institutions financières ukrainiennes, selon Reuters. Plusieurs sites Web gouvernementaux ukrainiens ont ainsi fermé, à la suite d’attaques par déni de service ou «DDoS» menées par des hackers Russes.

Par ailleurs, la propagande russe vise aussi les enfants, comme le montre ce dessin animé (voir ci-dessous)

Voici donc la première cyber guerre mondiale. La journaliste Carole Cadwalladr, à l'origine du scandale Cambridge Anaytica, nous rappelle qu'elle a une origine qui remonte à 2014. Avec une technique militaire lancée en Ukraine à cette date, la Russie a attaqué les élections américaines de 2016 via les plateformes technologiques, principalement Facebook. Et cette info-guerre ne fut pas seulement le fait de la Russie. Des entreprises telles Cambridge Analytica, des agents politiques tels Paul Manafort, dit le « doreur d’image », Directeur de campagne de D.Trump ou encore Dominic Cummings, l'architecte du Brexit. Ils ont tous appris à exploiter cette plate-forme totalement ouverte, nous dit-elle - n'importe qui pouvait le faire. Et totalement fermée - personne ne pouvait voir comment.

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