Qui ?
L'équipe de PetitWeb
Quoi ?
Une méga-synthèse des prédictions 2020, en 7 mots.
Comment ?
1. Radical
Avec l’agence JWT, Lego a lancé une campagne, en septembre, demandant à la nouvelle génération de relever le défi de "reconstruire le monde". Mark Curtis, co-fondateur et directeur de clientèle de Fjord dans la 13° édition Fjord Trends d'Accenture, prévient : "Sur les dix prochaines années, les entreprises qui émergeront seront dotées de modèles d’affaires pensant à long terme leurs évolutions et leur impact sur le monde". Greta Thunberg (en photo) est passée par là. Vincenzo Riili, directeur marketing de Google Italie renchérit : "en 2020, le point de vue des marques sur des questions comme la diversité et l'inclusion, le dérèglement climatique et le développement durable va prendre de plus en plus d'importance" (tendances marketing digital 2020 de Google). Pour Driss Bennani, fondateur de W5 media (agence de production de contenus) : "Les marques et les entreprises seront de plus en plus comptables de l’empreinte, bonne ou mauvaise, qu’elles laissent sur leur parcours. Je parle d’écologie, mais pas seulement. Les marques et les entreprises doivent aujourd’hui assumer un rôle social" (prédictions 2020 de Rolling Notes).
Ce nouveau paradigme change tout, jusqu'à la conception même des produits. Selon le rapport de l'agence Fjord (groupe Accenture), depuis des années, le design centré sur l’individu a séparé les gens de leur écosystème. Aujourd’hui, les designers ne doivent plus considérer l’individu comme le centre de tout. Et concevoir des produits et services avec en tête leurs valeurs personnelles, mais aussi collectives.
Des exemples ? En novembre dernier, Samsung Brazil s’est associé à Fortnite. Les joueurs acquièrent des skins (tenues pour les personnages), qui valent parfois 50 $. Et ceux qui ne peuvent pas se les offrir sont souvent ridiculisés par d’autres joueurs. Samsung a créé Aura Glow, que les joueurs peuvent offrir à d’autres en gage de camaraderie et d’inclusivité.
De son côté, Doc Martens a augmenté ses profits de 70 % depuis qu’ils ont lancé une ligne en matériau synthétique.
Encore plus radical : Patagonia, Lush, Ben & Jerry’s, et Seventh Generation se sont joints à la grève sur le climat et ont fermé boutique le 20 septembre dernier, en solidarité avec les activistes du climat.
A la même période, en septembre dernier, le Prince Harry lançait Travalyst, avec Booking, Visa, CTip, Trip Advisor et Skyscanner. Le but : «introduire de nouvelles manières de voyager qui protègent les gens et les destinations».
En septembre 2019, Procter & Gamble lançait Activate, un documentaire en six épisodes, en partenariat avec National Geographic, pour "donner de l'inspiration aux activistes dans le monde". Rappelons qu'il y a cinq ans, un Energy drink finançait un documentaire sur la techno. Autres temps, autres mœurs...
2. Transparence
Marion Bernard, Head of Ads Marketing Google France explique que la jeune génération force les entreprises à une transparence totale. Une transparence digne des protestants hollandais, qui ne mettaient pas de rideaux à leurs fenêtres pour que chacun puisse voir la pureté de leur conduite : "60 % des membres de la génération Z (nés entre 1995 et 2005) affirment qu'ils veulent changer le monde. Cette nouvelle génération dispose de tous les outils nécessaires pour obtenir des informations sur les marques avec lesquelles elle interagit. En France, une personne sur six utilise Yuka. Pour se différencier de leurs concurrents en 2020, les marques doivent donc être transparentes et indiquer clairement dans quels domaines elles comptent investir pour continuer à faire bouger les choses dans la société".
Pour Molly Logan, co-fondatrice du Think Tank Gen-Z Irregular Labs, citée par JWT, "Les entreprises qui réussiront auprès de cette génération sont celles qui alignent leur activité avec leurs préoccupations, de l'authenticité à l'inclusivité, ou de l'environnement". En avril 2019, Pantene (P&G) lançait SHE (Search Human Equalizer) le premier assistant vocal sans genre, par Virtue. L’outil filtre les résultats pour obtenir des résultats moins biaisés, et distingue les femmes derrière les grandes inventions du monde. La campagne "power to transform" et un partenariat de 1M$ avec The Wing, pour le financement de projets dirigés par des femmes au travers d’un pitch d’investissement.
En bon disciple de Patagonia, la marque de beauté Deceim elle, a fermé ses magasins physiques et en ligne pour le black friday pour lutter contre l’hyper-consumérisme. A la place, elle offrait 23 % de réduction sur tout le mois de novembre, optant pour un slogan plutôt à contre-courant : "Please shop slowly". Les marques assument un rôle social.
De son côté, le public veut se sentir respecté et compris. Et pas déçu frustré ou négligé. Thomas Husson, analyste chez Forrester, met en garde les marques contre les dark patterns. Ces designs qui vous manipulent (recensés sur ce compte Twitter), comme cette mention d'Avis "Your car is unprotected" au moment où vous optez pour une assurance sur le site d'Avis. Ou ce "vous pouvez gagner plus" affiché aux chauffeurs d'Uber, quand ils souhaitent aller se reposer...
3. Protection
Selon une enquête de l’American Psychological Association (APA) en avril 2019, 32 % des Américains sont plus inquiets que l’année précédente. Les Millenials sont la génération la plus angoissée jamais recensée par l’APA. Les consommateurs cherchent des produits et services qui leur offrent le confort et la protection du monde qui les entoure.
John Battelle, co-fondateur de Wired et créateur de The Industry standard, insiste sur l'importance de la protection des datas : "La capacité à tracer l'origine, le possesseur, les autorisations et utilisations des data sont des critères fondamentaux pour avancer dans l'économie digitale. En 2020, on va réaliser qu'il y a une montagne de travail à faire pour régler cela". En effet : 150 amendes RGPD ont été distribuées , pour 130M€, dont 50 M€ pour le seul Google...
"Les consommateurs accordent leur confiance aux entreprises donnant le contrôle sur la collecte d'informations, transparentes dans leur utilisation, et ayant une politique forte de privacy ", selon l'étude Salesforce.
2020, ou l’année de reprise de pouvoir du public sur les données personnelles. "Les gens sont plus conscients de leurs droits et exigent une meilleure protection de leurs données" prévient Benoit Grunemwald, expert ESET dans les tendances sur la cybersécurité.
Cambridge Analytica a laissé des traces : en novembre 2019, Scott Spencer, VP product de Google a annoncé renoncer à un certain type de ciblage, basé sur des critères politiques. "Etant donné les inquiétudes sur le ciblage de la pub politique, et l'importance de la confiance dans le processus démocratique, nous voulons renforcer la confiance concernant les publicités politiques que le public voit sur notre plateforme. Même si cela nous fait perdre des revenus".
Google, Facebook et Twitter se mobilisent contre les fake news, chacun à leur manière. Apple a fait de la privacy le cœur de sa stratégie publicitaire (voir vidéo ci-dessus). Mais au moment où sortait sa campagne, le public apprenait que le portable de Jeff Bezos (et ses messages coquins à sa maîtresse) avait été piraté par un prince Saoudien. Le patron d'Amazon vend des services de sécurité au Pentagone. Et son portable à l'époque était... un iPhone X. Moralité : les marques doivent travailler tous les jours sur la sécurité. Mais ne jamais en faire un argument publicitaire. CQFD.
4. Niche
Cedric Gobilliard intervenait à la journée Forrester sur les tendances. Il dirige la division Life style d'Accor, qui regroupe depuis deux ans des marques comme Jo and Joe, Bikini ou Mama Shelter. "Dans le Life style, c'est la puissance de la communauté qui compte".
Des communautés de niche émergent. "Cela demande une nouvelle mentalité" explique Mark Schaefer, l’auteur de Marketing rebellion. "Les marques ont l’opportunité de tisser des liens plus authentiques dans ces nouveaux espaces. Mais pour cela, il faut être invité, et ne pas traiter les gens comme des prospects, mais comme des amis».
Des communautés de niche, mais aussi des services de niche. Lancé en novembre 2019, Breakup Tours (cf image ci-dessus) s’adresse, comme son nom l’indique, aux personnes qui sortent d’une rupture. Le service prévoit des itinéraires basés sur ces circonstances personnelles et propose des expériences pour soigner son chagrin d’amour et nettoyer son âme (sic), un cercle de voyageurs pour encourager des amitiés et un kit de première urgence avec par exemple des exercices d’écriture thérapeutique.
En juin 2019, Ikea Space10 et le cabinet d'architecte Effekt introduisent une nouvelle manière de vivre ensemble, avec leur Urban Village Project, qui redéfinit la manière dont la maison du futur sera conçue, financée et partagée. Le concept ? Un espace connu pour la vie « cross generation » avec des services partagés, comme des diners communaux des « day care » partagés, du jardinage urbain, du transport partagé et de la gym. La communauté est responsable de son utilisation de l’eau et de la production de légumes locaux. Le modèle financier est aussi innovant : les résidents peuvent acheter des parts de leur logement tous les mois ou revendre leurs parts à la coopérative. La propriété est à terme complètement détenue par les membres de la communautés, établissant une coopérative immobilière démocratique.
Entretenir le lien avec sa communauté, c'est aussi dire ce que l'on pense, sans filtre. Dans sa présentation lors de la journée Forrester dédiée aux tendances, Cedric Gobilliard, SVP Lifestyle Accor raconte les difficultés qu’il a eu à faire admettre le "fuck Trump" affiché par le dirigeant d’hôtel Bikini en Allemagne. "C’est remonté jusqu’au ComEx. Mais je leur ai expliqué que nous avions acheté ces marques aussi pour leur insolence et le lien direct qu’elles ont avec leurs communautés. Et cette affiche n’a pas eu d’incidence sur le cours de notre titre en Bourse".
Attention toutefois au retour de bâton. L’initiative du Prince Harry évoqué ci-dessus intervient un mois après que les tabloïds aient dénoncé l’utilisation intensive de jets privés par le couple. Nike, qui s'était illustrée sur le terrain politique, a été pointée par l’athlète Mary Cain, qui a été «body shamed» quand elle collaborait au Nike Oregon project.
5. Saturation
L'an passé, John Battelle, annonçait la chute de Trump et de Zuckerberg. Un an plus tard, il fait amende honorable : "Trump n'a pas quitté la maison blanche, et Zuck n'a pas perdu le contrôle de Facebook". Pas démoralisé pour autant, John Battelle envisage en 2020 un coup dur pour Amazon ou Apple (ou les deux). Ces deux sociétés sont pourtant "bien moins vulnérables que Google ou Facebook en matière de data privacy ou de liberté d'expression dans les grosses entreprises tech". Mais pour John, le risque vient du fait "qu'elles symbolisent l'emblème du capitalisme".
Pas d’inquiétude en revanche pour Google et Facebook : Emarketer, le duopole Google et Facebook continuera à dominer le marché de la pub digitale pour l'année 2020. Les revenus publicitaires de Facebook étaient de 67,25 milliards de dollars dans le monde en 2019 (+ 70 % en deux ans). Et sont estimés à 81,25 milliards pour 2020, avec une croissance en diminution à 21,1%.
Reste un petit problème, pour ces mastodontes : la saturation. Comme le souligne le rapport State of Fashion de McKinsey, le reach collectif du social media est impressionnant. Facebook annonçait 2,5 milliards d’utilisateurs actifs tous les mois en septembre 2019. Instagram et WeChat ont chacun plus d’1 milliard d’utilisateurs. Pourtant, le temps moyen d’utilisation de Facebook a baissé de 41' en 2017 à 37 minutes en 2019. Le coût de la publicité digitale a augmenté de 12 % en deux ans. Et les dépenses ont augmenté de 42 %. Mais les visites vers les sites des annonceurs en social media n’ont augmenté que de 11 %. Ce qui n’a pas empêché la progression des investissements publicitaires. Facebook pèse cette année le même poids que les investissements mondiaux dans le secteur de la presse.
Le défi ? La surcharge publicitaire pourrait compromettre l’engagement. P&G a découvert que le public passait moins de 2 secondes sur ses publicités mobiles. Et que ces publicités apparaissaient trop souvent. Marc Pritchard fait son mea culpa dans le WSJ "Nous essayons de réduire le nombre de fois où nous nous adressons à la même personne".
Pour les marques e général, il va s'agit de communiquer mieux, et moins.
Attention à la digitale fatigue. Le studio design AfroditiKrassa a imagine un décor pour le restaurant le Lucky Cat de Gordon Ramsey (voir image ci-dessus) "volontairement obscur" pour décourager les gens de partager des images sur Instagram. "Combien de fois ça vous arrive de visiter un endroit parce qu’il a l’air super sur Instagram ? Et il vous déçoit dans la vie réelle".
Les marques repensent leur stratégie social media pour atteindre une audience importante sur des plateformes comme Instagram il faut avoir des followers de façon organique ou les obtenir au travers d’influenceurs. Mais ces deux stratégies chancellent. La marque de cosmétique britannique Lush s’est rendue compte que son contenu organique n’atteignait que 6 % de ses followers et s’est lassée de combattre les algorithmes de ces plateformes. Elle a fermé ses comptes en social media et s’est recentré sur ses canaux propres.
Alors que 86 % des sociétés utilisent le marketing de l’influence, le taux d’engagement des posts sponsorisés sur Instagram est passé de 4 % en 2016 à 2,4 % en 2019. C’est encore pire pour Facebook et Twitter avec respectivement 0,37 % et 0,05 %. Il est de plus en plus difficile d'inspirer et de faire réagir le public sur les réseaux sociaux. Un public épuisé par les sollicitations des marques, sur-sollicité.
Plus question de se contenter de sponsoriser des post. Bienvenue dans l'ère du story telling. Cité par le rapport McKinsey, Arnold Ma, qui dirige l'agence créative chinoise Qumin, suggère aux marques de remonter le "funnel" de l'influence. "Elles doivent s'allier avec des individus ou d'autres marques qui partagent leur style de vie et raconter une histoire authentique". Ralph Lauren a travaillé avec Highsnobiety sur un advertorial pour ses 50 ans, racontant l'influence de la marque sur les designers et le marché.
6. Mini
Quibi (plateforme mobile) se lance en avril 2020 avec des contenus de 8 minutes. Sa promesse ? La qualité de HBO et la praticité de Spotify explique Meg Whitman, "Nous ne sommes pas Facebook, Snapchat ou Instagram. Nous avons un positionnement premium". Du côté des marques aussi, on raccourcit les formats. Le contenu vidéo représentait 75 % des données en 2019, et en 2020 il est estimé à 84 %. "Le type de contenu qui marche : brut, intelligent, créatif et bref. L'une des approches possibles consiste à réimaginer le storytelling dans les annonces. Cela se traduit par l'utilisation de formats plus courts et du machine learning (apprentissage automatique). L'objectif est de diffuser des variantes personnalisées qui incitent à l'engagement et constituent un parcours de découverte" explique Martha Ivester, Head of Ads Marketing Google Europe du Nord. Ces campagnes génèrent +74 % de mémorisation par rapport à une pub traditionnelle de 30 secondes sur Youtube.
Lego, ou Nike se sont mis à l'école du court personnalisé. Des spots courts, de 6 ou 7 secondes comme sur TikTok ou Snapchat, avec plusieurs messages différents, à afficher selon la cible.
Le rapport McKinsey enfonce le clou : "Créer du contenu convaincant est critique sur une plateforme comme TikTok. La page d’atterrissage est un stream de videos courtes sourcées mondialement et compilées par l’intelligence artificielle. Cette approche remet en cause la nécessité de bâtir une audience. Mais elle réclame aussi du contenu de très grande qualité". Que les marques n’ont pas forcément vocation à produire par elles mêmes. Uniqlo a demandé aux Tiktokers de faire des vidéos où ils portent ses vêtements. Les meilleures vidéos étaient ensuite diffusées sur les écrans géants des boutiques (voir image ci-dessus).
Malheureusement pour les agences, cette revalorisation du contenu en temps réel va avec une internalisation de ces compétences. Selon les prédictions Rolling Notes 2020, le storytelling cède la place au story making : "De plus en plus d’annonceurs qui cherchent une autonomie en Community Management et en Créa. Des fonctions qu’ils intègrent désormais dans les départements Marketing et Com. Et donnant ainsi, le coup de grâce à cette source de revenu chez les agences".
"L’année 2020 devrait être celle de la transition. Cette dernière entamée en 2019 avec des annonceurs qui sont en train d’évoluer dans le sens de la désintermédiation, initiée par Google et Facebook depuis quelques années".
7. Client
Luc Dammann, VP et DG Adobe Europe de l'Ouest et Sud explique dans les tendances 2020 Forrester "Nous sommes dans une économie de souscription, d’expérience où il faut reconquérir son client tout le temps. 39 % des gens peuvent acheter une marque inconnue si l’expérience client est meilleure. Mais si vous leur proposez quelque chose de pas adaptée, ils couperont la relation. Contrefaire un produit est facile mais contrefaire une expérience, plus difficile".
Thomas Husson renchérit : "En France, l'expérience client et l'expérience collaborateurs n'est pas encore suffisamment perçue comme une discipline clé. Coca a créé un Chief Experience Officer. Toutes les marques devraient mettre le client au centre".
Après les DMP, bienvenue dans l'ère des CMP, introduisant les données du CRM dans la publicité programmatique. Au Canada TD Bank, qui a connu quelques tribulations de réputation, a revu son sondage de satisfaction client et doublé son taux de réponse. Chaque personne qui a un avis négatif passe un coup de fil systématique. C'est l'une des marques qui a le plus progressé. Pour France Heringer Jallot, chez Orange, "la chose la plus difficile est d'introduire la culture client partout". Et c'est le grand défi de 2020.