Qui ?
L'équipe de PetitWeb, plongée dans le jeu de lumière de l'événement le plus agréable à vivre de la tech : Slush, à Helsinki, Finlande.
Quoi ?
Centré sur les deeptech et les greentech, Slush donne un avant-goût de ce qui va nous arriver. Bienvenue en 2030.
Comment ?
Originaire d’Estonie, en 2003, Skype a permis de croire qu’une start-up pouvait se lancer de n’importe quel pays. Et a mis le feu à la scène digitale des pays d’Europe du Nord. Neuf ans plus tard, en 2012, une association étudiante organisait Slush, passé de 300 à 25 000 visiteurs en 2019. Les visiteurs paient leur pass 800 €. Du côté des start-up, l'événement coûte plus cher que le Web Summit de Lisbonne. Ainsi, la start-up Clevy, a payé 5 000 € pour Lisbonne, et 8 000 € pour son stand Business France. "A Lisbonne j'ai rencontré beaucoup d'investisseurs, mais ici, un principal d'un fond américain est venu me rendre visite" confie Bastien Botella, son COO. Car en Finlande, l'expérience est beaucoup plus agréable qu'à Lisbonne : les jeux de lumière incroyables et l'espace unique transforme ces deux jours en expérience inspirante, plutôt qu'en grande foire aux bestiaux... L'événement est à but non lucratif, et ça se sent. Les discours sont libres, parfois tranchés. Sebastian Siemiatkowski, qui dirige Klarna, un concurrent de Paypal, peut chanter du Snoop Dog sur scène. C'est ça, Slush.
Les orateurs, pour la première fois cette année, donnent une heure de leur temps aux start-up early stage. Les dirigeants de Slush, Andreas Saari et Alexander Pihlainen (en photo), ont insisté sur leur vision, autour du développement durable. "Dans ce domaine les Européens peuvent conduire le mouvement". En échos à leur discours, l'un des dirigeants de la Commission européenne a demandé à un investisseur américain pourquoi les investissements à impact diminuaient d'année en année aux USA. Et l'Américain de répondre que c'était sans doute dû à de mauvais investissements dans la clean tech, il y a 10 ans... Ce genre de moment gênant aussi, c'est tout Slush.
Dans le domaine du développement durable, l'avantage de l'Europe, c'est qu'il y a un consensus autour du réchauffement climatique (qui n'a pas cours outre Atlantique). L'Europe prend en compte l'impact dans ses investissements, à 57 % pour les VC et à 66 % pour les start-up. Le critère de la finance n'est plus le seul. Ainsi, Hampus Jakobsson a posé cette question : pourquoi ne pas donner un prix aux arbres coupés, on paie les arbres pour rester debout... L'événement ouvre ainsi davantage de questions qu'elle n'y répond. Voici celles que avons retenues.
Pourquoi ne pas rendre l'e-mail ludique ? Et pourquoi pas tout le reste ?
Le jeu, c'est l'industrie de la musique et celle du film réunies. L'industrie dominante de l'entertainment. Switch a une audience mondiale supérieure à celle de NBC. Le marché a mis le temps, mais il a pris conscience de l'ampleur du phénomène. Mais pas complètement : les autres activités (le shopping, les banques, la mode,...) n'ont pas encore compris que c'est à une génération de joueurs qu'elles s'adressent. Et doivent revoir leur UX pour leur plaire. Illustration dans le domaine de l'e-mail, avec Rahul Vohra, le créateur de Superhuman, un client mail à 30 $ par mois, accessible sur invitation uniquement (décrit ici). Une belle interface, rapide, la possibilité d’annuler l’envoi d’un email, de planifier un envoi, de trier facilement ses emails… De quoi faire payer l'utilisateur « Pour moi, l’expérience Gmail allait de pire en pire. L’e-mail, ça ressemble trop au monde du travail. On a voulu qu’il donne la même sensation que les jeux ». Rahul a toujours été obsédé par la question ‘comment on désigne un jeu’. Son livre préféré ? Game design. Le game design est à la fois un art et une science, recourt à la psychologie et aux mathématiques.
Pourquoi ça n’a pas été fait avant ? « Parce que l’univers du software ne s’occupe que de ce que les gens veulent, ce dont ils ont besoin. Mais personne n’a besoin de jouer. Le jeu est centré sur le feeling ». Rahul distingue le game design de la gamification. « La gamification se concentre sur les niveaux à atteindre, les trophées. Dans notre domaine, ça ne marche pas, on doit être dans la motivation humaine. On fait les choses parce qu’on les trouve intéressantes. Pas parce qu’on est récompensé pour ». S'en suit une masterclass sur le jeu. Le jeu a quatre piliers, le but, le contrôle émotif, le jouet et le flow.
- Le but : « Le business et le jeu a besoin d’voir un but atteignable et gratifiant. En donnant des buts clairs et concrets, on embarque les utilisateurs. Au moment de notre lancement, nous passions beaucoup de temps à embarquer nos premiers utilisateurs. Il est essentiel de comprendre ce qui se passe dans les 30 premières minutes passées avec le produit, pour améliorer l’UX »
- L'émotion que l'on peut contrôler.
Les émotions sont la source même de notre mémoire. La roue de Plutchik fait figurer les 8 émotions fondamentales dans une roue. « Il est intéressant de mélanger ces émotions. Si on mélange la joie et la confiance, on a l’amour. »
C’est la raison numéro un du succès des jeux aujourd’hui : que les utilisateurs aient le contrôle de leurs personnages. « Or, les concepteurs de logiciels ne se soucient aucunement de la continuité de l’expérience de leurs utilisateurs, quand ils changent de versions. »
- Les fonctions ludiques. Superhuman propose des raccourcis pour le temps. Ainsi, pour le 10 octobre, un raccourci est proposé sur superhuman. Mais les utilisateurs vont encore plus loin avec ces fonctions. L’utilisateur de Superhuman utilise beaucoup les dossiers. « Les gens les plus productifs le font ».
-Le flow
Le flow est cet état d’esprit, qui nous ancre dans le présent, sans crainte du futur ou du passé. Ça change notre notion subjective du temps. "Nos utilisateurs doivent savoir l’action qu’ils doivent mener par la suite. Mais il faut aussi qu’ils aient quelques petits défis. Sinon ils s’ennuient. Ainsi, on peut les inciter à faire certaines actions sans toucher la souris." Enfin, pour le fondateur de Superhuman, la vérité est plus forte que l’imaginaire. « Elle résonne davantage. C’est ce qui fait la force d’un film comme Titanic. Il nous dit que l’amour est plus fort que la vie ou la mort ».
Reste une vérité que l'auteur de Superhuman n'a pas abordée : en juillet dernier, il était épinglé pour tracter la provenance des mail des correspondants, sans leur autorisation. Une fonction qu'il a vite retirée, GDPR oblige...
Pourquoi l'Université, quand on doit se former toute sa vie?
Future of Work in 2030 on stage at #Slush19, with @karrisaarinen @Adelbadge @SarahRCannon.
- Fewer meetings, more focused work
- More diverse talent pools
- Continuous training as a norm
- More apprentices, fewer university graduates
- Highly distributed teams pic.twitter.com/I4nQLOLCcd— Index Ventures (@IndexVentures) November 21, 2019
« Les Universités ne préparent pas pour les emplois du futur. L’université m’a donné accès à communauté, des amis, des relations. Elle aide à penser plus largement le monde. Mais déjà, on voit que le succès aux examens ne prédit pas le succès dans le monde du travail. Et puis, l’Université dit surtout la richesse des parents. Dans un souci de diversité, et pour refléter leurs consommateurs, les entreprises commencent à recruter dans d’autres eaux". Autre prévision de Sophie Adelman de Whitehat : "En 2030 les gens iront moins à l’université. Ils se formeront sur Internet, de manière continue. Et ce type de formation sera devenu aussi prestigieux que les diplômes des grandes universités ». Ce type d’évolution est raccord avec la mentalité des jeunes générations, qui changent de travail tous les deux ou trois ans. « Ils ne voient plus le travail et la formation de manière séparée. Cette génération est fluide dans les moeurs, mais aussi dans leurs carrières. Ils peuvent être marketer un jour, ingénieur le lendemain. Les entreprises qui proposeront à cette génération cette fluidité de carrière et de formation les retiendront ». Côté bureaux et méthodes de travail, ça va aussi secouer, comme l'explique Kaari Saarinen de Linear : « Il y aura moins de réunions, moins de bureaux et plus d’espaces créatifs. Dans ces bureaux, de plus petite taille, je travaillerai avec des gens qui me ressemblent ». Car aujourd’hui, le travail lui-même est en crise : « Les entreprises doivent réfléchir à ce qu’est leur « operating system » et comment l’améliorer. Les CEO, les designers, les ingénieurs, les marketers passent beaucoup de temps pour la coordination et l’alignement des objectifs entre les gens de la société et c’est frustrant. Ils ont de bonnes idées sur ce qu’ils doivent faire mais ne le peuvent pas pour manque de temps. Ils parlent de ce qu’ils veulent faire, plutôt qu’ils ne le font ». Faire moins de réunions, c’est difficile à imposer dans l’entreprise, du coup Kaari a construit un software pour changer les process. Chaque projet démarre avec un template, qui rappelle les objectifs. Ainsi, chez Amazon, chaque réunion donne lieu à un mémo ; rédigé en amont, qui est lu en seilence au début de la réunion « Car si vous changez d’objectif tous les jours, vous n’irez nulle part ».
Pourquoi la deeptech fait-elle son apparition à Slush ?
L'une des trois scènes de Slush atéait dédiée à la Deeptech. Mayanna Saenko explique qu'à l'origine "La tech était de la deeptech. Puis le marché s'est concentré sur le e-commerce. Mais aujourd'hui, on revient à de la recherche fondamentale pour attaquer de nouveaux problèmes. Et puis, le secteur, au vu des investissements massifs quel réclame, n'est pas trop encombré, dans le domaine de l'avion électrique ou des satellites, il y a trop de concurrents à nous. Et puis, les domaines de deeptech et d'intelligence artificielle sont des domaines de souveraineté nationale", explique Sofia, d'Atomisé. En même temps, le domaine de la deeptech évolue vite : le "Future food" relevait de deeptech il y a 4 ans, mais là on parle de protéines alternatives comme d'une catégorie. A ce sujet, les assiettes de l'événement étaient organiques, et le lait d'avoine. "On ne sert pas de lait d'animal violé ici". Le producteurs de lait de vache on du souci à se faire pour les années à venir...
Comme par exemple la prévention des maladies mentales par la génétique. Ou la nouvelle génération de fusion nucléaire... Le projet de Steve à 50 milliards de dollars.
Pourquoi faire de la pub, à l'ère des communautés ?
Une marque, c'est ce qu’un ami dit à un ami. Sur un stand Boostifyed (où les gens paient avec leurs recommandations produits) pay du Salon, cette mention ‘Pourquoi faire de la pub quand de vrais gens peuvent recommander vos produits’. Comment rendre possible cette histoire à raconter ? Et bien « Il faut commencer avec sa propre équipe » explique Tina Sharkey de Brandless, une marque de produits simples et respectueux de l'environnement, lancée en 2017. La marque est basée sur le développement durable. « Cette préoccupation va du produit vendu à la façon de l’expédier. On réutilise la boite du fabriquant et on incite notre client à la réutiliser à son tour ». Le pouvoir de la communauté est évidemment démultiplié quand la marque partage ses valeurs. Quand Airbnb héberge gratuitement les personnes qui sont affectées par le travel ban de Donald Trump, elle met en pratique ses valeurs. Quand Patagonia demande à ses clients d’appeler leur députés pour l’alerter sur le changement climatique, c’est aussi le cas.
Tina Sharkey sharing the 6 factors for building authentic communities at #Slush19 pic.twitter.com/CO92Wioewc
— James Joaquin 🖖🏽 (@jamesjoaquin) November 21, 2019
Deuxième règle : il faut nourrir sa tribu. Le lendemain du lancement de Brandless, Gwena, qui dirige une communauté de vegans à LA, écrit à la marque son enthousiasme. « Nous l’avons rencontrée, ainsi que nos autres fans, et nous leur donnons la primeur sur nos actions ».
Tina cite Thingtesting, une communauté d'avis consommateurs d'amis proches, lancée par l’ancienne CMO de Slush.
The Skimm, le TTSO américain, qui cible les femmes de 22 à 34 ans en leur envoyant chaque matin les informations qu'elles doivent connaitre a ainsi lancé les skimmbassadors. Chaque marque doit penser à son effet effet réseau. Un exemple ? « L’un de nos clients avait posté une photo d’Orange qui sert de réceptable au Nutella, pour une idée de camping. Et bien, des milliers de personnes ont taggué leurs amis, et notre marque en même temps, en se programmant la recette pour leur prochain barbecue ».
Votre communauté vous emmène là où elle veut. Ainsi, le site de rencontre pensé par des femmes Bumble a donné naissance à Queen bees, qui a 26 millions de membres, organisant des fêtes et des rassemblements.
Une fois la communauté créée, on peut créer avec elle des produits nouveaux. « Concevoir des couches écologiques, ça prend 18 mois. En attendant, on a demandé à notre communauté quel design elle voulait imprimer dessus ».