Qui ?
Renaud Ménérat (en photo), Vincent Pillet et Justin Derbyshire, respectivement Président, Directeur conseil et Consultant de l'agence mobile userADgents.
Quoi ?
Une présentation de deux heures sur le thème des objets connectés, lors d'un petit déjeuner organisé par la Mobile Marketing Association. Voici les principaux enseignements pour les agences, annonceurs et entrepreneurs qui voudraient se lancer dans ce domaine.
Comment ?
1/ Imaginer un objet trop complexe
Les objets connectés qui séduisent le grand public sont les plus simples : la balance Withings, le thermostat Nest ou le bracelet Fuelband de Nike se caractérisent par leur simplicité et la qualité de leur expérience utilisateur. "La nouveauté, c'est que l'on a plus forcément besoin de produire un écran : le smartphone est là pour ça" explique Vincent Pillet. Résultat : l'appareil en lui-même se contente d'afficher les infos essentielles via des voyants lumineux et les tâches complexes sont déportées sur les mobiles. Le bracelet Up de Jawbone se connecte ainsi au mobile par la prise Jack, un geste bien plus naturel qu'une connexion Bluetooth ou même Wifi. Sur le mobile, l'utilisateur retrouve l'univers familier des applications. "Un bon objet connecté doit se faire oublier" résumait Rafi Haladjian sur Petit Web.
2/ Négliger l'écosystème
Certains acteurs - comme Nike - peuvent se permettre de créer leur propre écosystème sur lequel d'autres services viennent se greffer, mais ils sont rares. Or un objet connecté n'a de valeur qu'au sein d'un écosystème : l'utilisateur en tire une réelle valeur que s'il parvient à coordonner les actions de ses objets. "L'intérêt de mesurer la température, c'est l'action qui en découle, sur la chaudière". IFTTT ou Sen.se proposent de favoriser les interactions entre systèmes, dans un cercle vertueux d'intelligence. Avec IFTTT, la tension mesurée par Withings peut être automatiquement intégrée à l'application Up de Jawbone et corrélée avec les données d'activité physique. Autre exemple : la station météo Netatmo complète les données qu'il capte sur le terrain avec des données externes, comme le taux de pollution. L’interopérabilité et l'interconnexion de l'objet doivent être pensées dès sa conception, de même que son évolutivité, avec la possibilité de télécharger des mises à jour régulières.
3/ Ne pas repenser son organisation avant de penser l'objet
Tous les objets connectés sont en retard. Présenté en janvier 2013 au CES de Las Vegas, le Flower Power de Parrot n'est toujours pas disponible... L'Evian SmartDrop a été lancé en com il y a un an et demi mais reste au stade de prototype : "nous n'avions pas pensé qu'il fallait revoir l'organisation pour pouvoir sortir ce produit à grande échelle" explique-t-on en interne pour expliquer ce retard. Aujourd'hui, au sein d'Evian, l'organisation est en place avec Alexis Thobellem en charge de ces sujets depuis septembre 2013. Même les pure players des objets connectés connaissent des retards à l'allumage : en 2011, Jawbone a du rappeler tous ses bracelet Up de première génération face aux défauts criants de conception. Et la fiabilité de la seconde version lancée en novembre 2012 s'avère presque aussi décevante.
4/ Ne pas anticiper les changements réglementaires
Les objets connectés posent de nouvelles questions de responsabilité et de respect de la vie privée. Si demain la Google Car sans chauffeur provoque un accident, qui est responsable ? Si la mesure de la tension est défectueuse, mais provoque la prise d'un médicament, qui est responsable ? Autant de question auxquels les pouvoirs publics vont être amenés à répondre rapidement... Sur la vie privée, le concept de "Privacy by Design", qui vise à intégrer les contraintes de respect de la vie privée dès la conception industrielle du produit devrait arriver rapidement au niveau européen. "Le succès de l'internet des objets dépend avant tout de la relation de confiance avec le consommateur. Il faut lui garantir que l'objet ne communique pas à son insu et lui donner le droit à là déconnexion. Les lois vont devoir évoluer vite, car les objets connectés sont déjà en circulation."
5/ Transformer son objet en passoire à données personnelles
La problématique de la sécurité et de la confidentialité des données est encore trop souvent prise à la légère par les fabricants, comme le montre une étude de VDC Research. Un seul exemple : en août dernier, un hacker chinois à réussi à prendre le contrôle d'un baby phone au Texas... Cet exemple pose questions quand il s'agit de données "sensibles" ou d'appareils pouvant déclencher des actions. "Les données physiologiques - telles que collectées par le bracelet de Nike par exemple - sont considérées comme des données médicales en Europe. Nike devrait donc avoir un agrément de la CNIL, ce n'est pas le cas..." Pour les utilisateurs, se pose surtout la question de la propriété des données, notamment si le stockage se fait hors d'Europe. Pour l'instant, les acteurs du secteur ne se sont pas encore totalement préoccupé de la question du stockage, mais cela devrait rapidement changer à mesure que la masse des données collectées va croître : les données vont devoir être conservées sur plusieurs années et être accessibles à la demande.
6/ Oublier d'optimiser l'autonomie de la batterie et la transmission des informations
Au-delà des problèmes de santé publique posées par les ondes Wifi ou Bluetooth, la connexion de Jawbone à la prise Jack permet aussi de limiter la consommation d'énergie, l'un des principaux défis techniques de l'internet des objets. "S'il faut brancher les chaussures connectées d'Adidas toutes les 30 minutes, comment je fais pour jouer un match de 90 minutes ?" résume Justin Derbyshire. Le domaine médical est le plus avancé sur ce sujet : Novartis travaille à des capteurs alimentés par les sucs digestifs. La question de la batterie est fortement liée à celle de la transmission des informations : la majorité des objets actuels utilisent des connexions indirectes, via les smartphones - comme la smartwatch de Samsung, dépendante du smartphone - mais la connexion directe au réseau devrait se développer - comme les Google Glasses, entièrement autonomes, mais qui supposent de porter un émetteur Wifi au niveau du cerveau. Les Français Sigfox et Mobiquithings (lire notre article) se présentent comme des alternatives au Wifi ou aux réseaux des opérateurs traditionnels, pour connecter les objets.
7/ Prendre prétexte de tous ces obstacles pour ne rien faire
Les objets connectés marquent une révolution profonde, qui bouleverse des industries et ouvre de nouveaux marchés... Les entreprises, qu'elles viennent du monde de l'industrie ou de celui des services devraient toutes se poser la question des objets connectés, au risque de voir de nouveaux entrant leur grapiller des parts de marché ou de passer à coté de belles opportunités. Cela suppose une vision à long terme et un mode d'innovation en test-and-learn. Quelques exemples en vrac : ajouter des services à ses couches pourrait permettre à Huggies de prendre l'avantage sur Pampers, Parrot , créer son propre marché avec ses capteurs pour plantes, Weight Watcherss, se greffer à l'écosystème Nike+, Terraillon, reprendre l'avantage face aux balances Withings avec son "web coach" et Evian prendre le contrôle du frigo...
[slideshare id=26461874&doc=useradgents-petit-djeuneriot-17sept-130923102722-phpapp01]