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Notre feuilleton du confinement : l’enquête du Congrès sur les GAFA

Qui ?
L'équipe de PetitWeb, gonflée aux stéroides
Quoi ? 
La traduction et la synthèse des 400 pages de l'enquête anticoncurrentielle du Congrès américain (version intégrale ici) présidée par Jerrold Nadler (en photo) délivrée en cinq feuilletons : le premier sur la synthèse du marché, ci-dessous, et les autre autres, dédiés à Google, Apple, Facebook et Amazon.

Comment ? 
Le 3 juin 2019,  the House of Judiciary Comitee annonçait une enquête bi-partisane sur la concurrence dans les marchés digitaux, conduite par le Subcommitee of Antitrust Commercial and Administrative Law, pour documenter les problèmes de concurrence sur les marchés digitaux, examiner si les entreprises dominantes se conduisent de manière anticoncurrentielle. Et déterminer si la loi actuelle suffit à résoudre ces problèmes. Spoiler : la réponse est oui, puis non. La nouvelle administration démocrate devrait donc  se saisir du chantier. En chiffre ça donne : 1287997 documents , examinés pendant neuf mois, 38 témoins, 1 800 pages de retranscription des échanges, 38 propositions d’experts antitrust des interviews de 240 acteurs de ces marchés, d’anciens employés de ces plateformes, des consultations et l’analyse des documents fournis. Le tout dans une optique bipartisane.

Les 3 problèmes posés par les GAFA :

1 Chacun  est un gatekeeper des chaines de distribution. Ils peuvent désigner les gagnants et les perdants de tous les secteurs économiques. Ils abusent de leur pouvoir en prélevant des commissions exorbitantes  et en extrayant la donnée des acteurs qui dépendent d’eux.

2 Ils utilisent leur position de gatekeeper pour maintenir leur position sur le marché. Ils surveillent leurs concurrents potentiels et les rachètent ou les copient.

3 Ils abusent de leur rôle d’intermédiaire pour augmenter leur dominance, en favorisant leurs offres, en fixant une politique de prix prédatrice, ou en excluant des acteurs qui les menacent. Comme les monopoles du pétrole et du rail. Ils établissent une régulation privée, qui ne rend de compte à personne.Résultat : moins d'innovation, moins de choix pour les consommateurs et une économie plus faible.

"Nous pouvons avoir la démocratie. Ou la richesse concentrée dans quelques mains. Mais nous ne pouvons avoir les deux."

En 2019, le juge de la Cour suprême Louis Brandeis disait : « Nous devons faire nos choix. Nous pouvons avoir la démocratie, ou la richesse concentrée dans quelques mains. Mais nous ne pouvons avoir les deux. Le congrès doit moderniser la loi pour nous assurer que l’économie que l’économie reste vivace et ouvert dans l’ère digitale et s’assurer que les agences antitrust fassent respecter la loi de manière très ferme. Nous avons découvert pendant cette enquête que les agences antitrust ont échoué, à des moments clés, à arrêter les monopoles qui écrasent leurs concurrents et à protéger le peuple américains des abus des monopoles."

En septembre 20, les GAFA valent plus de 5 trn$, le tiers du S&P100. Les marché des réseaux sociaux, du search et de la publicité en ligne sont dominés par seulement une ou deux de ces sociétés. Dans 10 ans, 30 % du PNB mondial pourrait provenir de ces quatre acteurs et quelques autres, comme Alibaba (étude Mc Kinsey).

La création d'emploi dans le high tech est passée de 20 % à 10 % en dix ans

Le nombre de nouvelles sociétés tech dans la part des start up dans cette industrie est passée de 60 % en 1982 à 38 % en 2011 .En 2 000, la création d’emploi dans le secteur high tech était de 20 %. En dix ans, il est passé à 10%. En 2011 la destruction d’emploi dans le secteur est plus élevée que la création.

Pour Paul Arnold, de  Switch Ventures : "Les VC sont moins susceptibles de financer des concurrents des gafa." Cela s’étend à des sociétés qui veulent protéger la vie privée des utilisateurs. Google et Facebook voudront condamner cette société le plus vite possible.

Roger Mc Namee ajoute que cet accès des gafa aux data, ces effets de réseau et ce financement excessif sont une barrière à de nombreuses activités, pas seulement les start up.17 sociétés de technologies sur 22   citent la concurrence des plateformes comme un risque pour leur business (source : Bloomberg)

L’activité de M&A aboutit aussi à moins d’investissement dans les start up, à l’aube du rachat d’une start up par un gafa. Les deals baissent de 20 % pendant trois ans, après une acquisition.

La position dominante de ces acteurs est due à plusieurs facteurs, dont une politique très importante d’acquisitions : des centaines de rachat ont été effectués  dans les dix dernières années, soit pour neutraliser la concurrence, soit pour les tuer dans l’œuf (« killer acquisitions »).

Les autorités antitrust ont très faiblement investigué ces demandes de rachat. Ainsi, pour Facebook, la FTC n’a fait qu’une seule investigation intensive, à l'occasion du rachat d’Instagram en 2012. Aujourd'hui, Facebook est davantage en concurrence avec Instagram, Whatsapp et Messenger qu’avec l’extérieur.

La position dominante des GAFA a diminué le choix proposé au consommateur, érodé l’innovation et l’entreprenariat, affaibli la presse et menacé la vie privée des Américains.
Selon un sondage du 24 septembre 2020, 85 % des Américains sont inquiets sur la quantité d’informations personnelles détenues par les plateformes, et 81 % s’inquiètent que ces data fournissent des profils publicitaires

-58 % pensent qu’ils ont une information objective et non biaisée quand ils font une recherche en ligne pour acheter ou s’informer.

-79 % disent que les rachats des big tech affaiblissent la concurrence et le choix des consommateurs.

- 60 % soutiennent la régulation par le gouvernement de ces plateformes.

Zuck admet lui même qu'Instagram était une menace pour Facebook

-Le cas Facebook :
Des documents internes montrent que les acquisitions de Facebook avaient pour but de maintenir et de renforcer sa dominance.Mark Zuckerberg a admis lui-même qu’Instagram était une menace pour sa société. Un mémo de Thomas Cunningham, senior data scientist, datant d’octobre 2018, a conduit Facebook à racheter Instagram. Un ancien employé témoigne :  "La question était de savoir comment conduire Facebook et Instagram à ne pas se concurrencer. Il y avait une lutte très brutale entre les deux à l’époque. Kevin Systrom était encore présent à la tête d’Instagram et voulait que sa société progresse de manière la plus naturelle possible. Mais Zuck lui demandait de ne pas rentrer en concurrence avec Facebook. C’était de la collusion entre deux sociétés d’un même groupe. Je ne comprends pas pourquoi cela a été permis."Facebook a aussi eu des pratiques anticoncurrentielles. La société a utilisé sa mine de data pour identifier des menaces naissantes et les acquérir, les copier ou les tuer. Ses règles de plateformes ont été aménagées pour tuer ses concurrents dans l’œuf.Sans concurrent, la qualité de la plateforme a faibli au fil du temps : moins de protection de la vie privée et une augmentation dramatique des fausses informations.

 

Google, un écosystème de monopoles interconnectés 

-Le cas de Google : Google a le monopole du search. La société est protégée par deux barrières à l’entrée : sa data sur les recherches et les clics effectués sur sa plateforme et sa position d’opérateur de recherche par défaut sur la plupart des terminaux et des navigateurs, dans le monde entier. De très nombreuses sociétés dépendent de Google pour leur trafic, sans avoir de choix alternatif.

Google a maintenu son monopole par des tactiques anti-concurrentielles. Ainsi, une campagne très active pour affaiblir les acteurs du search vertical, vécus comme une menace. Des documents prouvent que Google a favorisé ses outil de recherche verticaux, pourtant de qualité inférieure. Il a promu ses autres services au travers du réseau Google, sans énoncer très clairement qu’il s’agissait de publicité pour ses autres produits, en floutant la différence entre résultats payants et résultats organiques. Google siphonne le trafic, alors que les acteurs extérieurs doivent payer la plateforme de plus en plus cher pour exister sur cette porte d’entrée.
De nombreux acteurs interrogés comparent Google à un gatekeeper qui rackette ses utilisateurs pour l’accès à sa chaine de distribution, alors même que ses pages de résultats donnent des réponses de moins en moins adaptées aux requêtes des utilisateurs.

Google a aussi passé des contrats anti-concurrentiels pour étendre son monopole de l’ordinateur au mobile. Il a imposé aux fabricants de téléphone de préinstaller Android et de mettre ses applications sur l’appareil. Alors que l’activité de search devient vocale, des entretiens affirment que la société se comporte de la même manière dans ce nouveau champ.

Au travers de Chrome, Google détient le navigateur le plus populaire dans le monde, utilisé pour protéger et promouvoir ses autres lignes de produit. Google Maps capture 80 % du marché de la géoloc ; cette position a été consolidée par un rachat anticoncurrentiel . Au travers de Google Cloud, le groupe a une autre plateforme fondamentale, renforcée par de nombreuses acquisitions, et se positionne dans l’Internet des objets, la nouvelle vague des technologies de surveillance.

Android Lockbox, un projet pour surveiller les concurrents de Google

Des documents internes montrent que Google exploite l’asymétrie d’information et suit la data en temps réel sur tous les marchés, ce qui constitue un outil de market intelligence presque parfait. Dans certaines occasions, Google a mis sur pied des programmes pour mieux surveiller ses concurrents actuels ou à venir, comme le projet Android Lockbox.Google fonctionne comme un écosystème de monopoles interconnectés.

Amazon détient 50 % du E Commerce aux USA

-Le cas Amazon : La sous commission a interrogé des vendeurs tierce partie, des industriels, des éditeurs, d’anciens employés d’Amazon et consulté des documents internes. On estime fréquemment la part de marché d’Amazon sur le E commerce US à 40 %. Mais 50 % est une estimation plus crédible.

La puissance d’Amazon est à son comble, quand elle deale avec les vendeurs de sa place de marché. La plateforme a un monopole sur les 2,3 millions de vendeurs qui n’ont pas d’autre alternative pour vendre en ligne. Une enquête récente de Jungle scout estime que 37 % d’entre eux, soit 850 000 vendeurs ont Amazon comme seule source de revenus.
En public, les vendeurs tiers sont "partenaires" d'Amazon.
En interne, ils sont traités comme des concurrents 

Amazon a acquis sa position dominante en acquérant des concurrents, comme Diapers ou Zappos. Il a aussi acquis des sociétés travaillant dans domaines adjacents ajoutant des datas consommateurs à son stock de données pour ensuite raser la laine sur le dos de ses concurrents. Cette dominance permet à Amazon de favoriser ses propres offres et désavantager ses concurrents. En public, Amazon considère les vendeurs tiers comme des partenaires. Mais des docs internes les qualifient de concurrents internes. Le rôle dual de l’opérateur de market place qui accueille des vendeurs tiers et de vendeur dans cette même place de marché crée un conflit d’intérêt fondamental. Ce conflit incite Amazon  à exploiter l’accès à la data des vendeurs, entre autre conduite anticoncurrentielle.

Le marché vocal émergeant favorise la préférence interne. Amazon a étendu Alexa sur ses technos et des technos concurrentes et en vendant les smart speakers avec de fortes réductions de prix. L’émergence d’Amazon sur ce marché lui donne accès à des datas critiques pour promouvoir le e commerce et prime video. AWS fournit l’infrastructure de cloud aux business concurrents d’Amazon. Cela crée aussi un conflit d’intérêt potentiel.

Apple utilise l'Appstore pour favoriser ses offres et exclure ses concurrents

-Le cas Apple a tout pouvoir sur le mobile operating system. Il contrôle IOS, qui est installé sur les téléphones apple et contrôle la distribution sur IOS sur 100 millions d’iPhone et iPad aux USA. Lancé en 2008, l’appstore a révolutionné la distribution de software sur mobile, réduisant la barrière à l’entrée pour les développeurs d’app et augmentant le choix pour les consommateurs. Mais Apple a utilisé cela pour renforcer les barrières à la concurrence, exclure des rivaux et favoriser ses propres offres. Apple exploite aussi les développers en s’appropriant de l’information concurrentielle sensible et en facturant les développeurs des sommes indues. Il a maintenu sa domination grâce aux effets de réseau, aux arrières à l’entrée et des coûts élevés de transfert de l'un à l'autre. Apple était une entreprise de hardware. Elle a pivoté dans la vente d’applis et services et la collecte de commission de son appstore.

 

Le viol de la loi, un simple coût dans le bilan ? 

Les investisseurs ne voient pas les nouveaux entrants dans le domaine des GAFA comme des investissements rentables. Ils ne financent pas des sociétés qui entrent en concurrence avec les GAFA. Les plateformes en l’absence de concurrence, ne préservent pas la vie privée des utilisateurs comme elles le feraient dans un marché concurrentiel. Les personnes interrogées qui dépendent des plateformes sont inquiets de dépendre de la politique des GAFA. Les plateformes de leur côté ont enfreint de manière répétitive la loi et les décisions de justice les concernant. Cela soulève la question de savoir si elles ne se considèrent pas comme au dessus de la loi. Ou s’ils considèrent la violation de la loi comme un coût business. Le juge Timothy Kelley du district de Columbia a dénoncé  : «the unscrupoulous way in which the US alleges Facebook violated both the law and the administrative order is stunning.”

Enfin, la puissance de marché de ces acteurs s’est accompagnée d' une hausse de leur influence sur le process légistaltif et politique. Au travers du lobbying et en finançant think tanks et acteurs académiques, elles dessinent la manière dont elles sont régulées.

Les recommandations du comité :

1 restaurer la concurrence dans l’économie digitale

Des séparations structurelles et des interdictions d’opérer dans des domaines djacents à leur business

Interdiction de favoriser ses propres produits ou services, obligation d’une égalité de traitement

Interopérabilité et portabilité de data, pour rendre ces services compatibles avec différents réseaux

Interdiction de principe de mergers et acquisitions par ces plateformes

Safe harbor pour les éditeurs pour sauvegarder une presse libre et diverse

Interdiction de pratiques contractuelles abusives et protection des individus et business qui dépendent de ces plateformes

 

2 Renforcer la législation antitrust

Réaffirmer les principes antimonopole des lois antitrust et leur centricité pour garantir la démocratie

Renforcement de la section 7 du Clayton Act pour progérer les concurrents en devenir et renforcement de la loi sur les M&A verticaux

Renforcement de la section du 2 du Sherman Act, introduction de l’interdiction de l’abus de position dominante et clarification des interdiction de « monopoly leveraging », politique de prix prédatrice, refus de fournir des biens essentiels, refus de commerce, vente liée et design produit anticoncurrentiel et favorisant ses propres offres

3 Renforcer l’application de la loi

Rétablir un contrôle robuste du congrès sur les lois antitrust et leur application

Renforcer les agences antitrustavec des peines civiles pour méthodes déloyales de concurrence, ce qui suppose que la FTC collecte de manière régulière de la donnée sur la concentration, favorisant la transparence et la responsabilité devant le public des agences antitrust, demandes régulières sur les acquisitions paséées, codifier des interdictions plus strictes et augmentant le budget de la FTC et des division antitrust.

Eliminer les obstacles pour faire respecter la loi, comme les clauses d’arbitration forcées les limites aux class action

 

   

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