Qui ?
Yan Claeyssen, président de la Délégation Customer Marketing de l'AACC et président de Publicis ETO.
Quoi ?
Une tribune sur le futur des agences, alors que le monde de la publicité se réunit à Cannes pour les Lions.
Comment ?
Les articles concernant la mort imminente des agences publicitaires se multiplient depuis quelques temps. Et lorsqu’il s’agit de désigner les causes de ce déclin, on accuse les GAFA, les cabinets de consulting ou encore les éditeurs informatiques.
Plusieurs expériences récentes m’ont au contraire permis de confirmer une intuition déjà ancienne : les Gafa, les Accenture ou encore les Adobe ne sont pas, ou très peu, en cause dans les difficultés rencontrées par certains groupes publicitaires, au contraire ! De plus, en leur faisant jouer le rôle de bouc émissaire, les responsables d’agences se privent d’identifier les causes réelles de leurs difficultés.
Lors de l’événement E-Commerce 1 to 1 fin mars, plus de 1500 CMO, responsables marketing, digital et/ou e-commerce sont venus faire leurs courses à la recherche des dernières technologies susceptibles d’adresser leurs problématiques. Une centaine d’éditeurs informatiques, de petits et moyens prestataires et bien sûr les GAFA étaient présents. Conférences, ateliers, stands et autres soirées animées permettaient à tous de networker et d’échanger sur les bonnes pratiques. La semaine dernière à Vivatech, de nombreux annonceurs sont également venus pour rencontrer des start-up, les tester et monter des POC avec elles.
Le problème de certaines agences aujourd’hui ? Les annonceurs ont l’impression qu’ils peuvent parfaitement se passer de leurs services… sinon pour pondre quelques créa ! Ils ont internalisé des profils expérimentés (même s’ils ont à peine 30 ans…), qui maitrisent les nouveaux outils (ils mettent les mains dans le cambouis !), sont curieux, organisent leur propre veille, échangent beaucoup entre eux, parfois même entre concurrents, et possèdent enfin et surtout une culture mixant marketing, technologie, curiosité, audace, créativité et humilité. Ces nouveaux marketers qui se rendent aux événements ont l’expertise pour gérer des campagnes en exploitant directement les plateformes.
Plutôt que de rechercher les coupables à l’extérieur, les agences devraient intégrer cette nouvelle culture, maîtriser les plateformes et les technologies, ne pas craindre de mettre les mains dans le code, savoir piloter des équipes mixant plusieurs dizaines d’expertises de plus en plus diversifiées : data planneurs, créatifs, UX, data scientists, experts de IA, intégrateurs informatiques, experts en programmatique, etc.
Pour (re)séduire les annonceurs, l’intégration de cette nouvelle culture est nécessaire mais non suffisante. Les annonceurs peuvent toujours imaginer pouvoir se débrouiller tout seul. Le véritable levier pour les agences, c’est de mixer cette nouvelle culture à la créativité !
En effet, la créativité est un atout qu’elles seules peuvent revendiquer. Pas seulement la créativité conceptuelle ou graphique auxquelles les agences sont trop souvent réduites. Mais la créativité qui ouvre les possibles, celle qui relie des concepts, des signes, des technologies, des data ou même des objets que personne n’a encore pensé à interconnecter, celle qui permet d’innover et d’inventer de nouveaux services, qui fait voir le monde avec un regard neuf, étonnant et enthousiasmant. Enfin et surtout, celle qui donne sens et singularité à l’expérience de marque.
En cultivant la créativité sur le terrain de la nouvelle culture et de ces nouveaux outils, les agences trouveront leur Graal. L’industrialisation du marketing, l’automatisation de la communication et l’émergence de l’IA permettent d’optimiser, d’amplifier et surtout d’AUGMENTER le marketing. Mais tout cela est sans effet sur les consommateurs si la créativité et le sens n’animent pas les messages créés et diffusés. La créativité génère de l’engagement et du partage sur les réseaux sociaux. Sans elle, le techno-marketing est une belle mécanique fonctionnelle grise, sans émotion ni efficacité.
Lorsque les annonceurs se rendront compte qu’au-delà des outils et des process, la créativité génère la puissance et la singularité de la marque, ils comprendront (et les bons annonceurs le savent déjà…) que les agences sont plus que jamais nécessaires : elles sont les véritables architectes du sens de l’expérience de marque !
Yan Clayessen