Qui ?
L'équipe de PetitWeb
Quoi ?
En cette semaine Cannes Lions, un plaidoyer pour défendre le recours aux agences, quand les annonceurs sont en train de tout internaliser.
Comment ?
En 2014 déjà, Keith Weed d'Unilever (en photo) prédisait aux Cannes Lions que le rôle d'agences allait muter, en celui de chef d'orchestre des différentes start-up utilisées par les grandes marques.
78 % des annonceurs interrogés par l’ANA (syndicat des annonceurs US), ont développé l’"in-housing ", l’internalisation de leur marketing digital. Mats Carduner, le patron de 55, prononce l'avénement des agences de brand tech, pour accompagner cette internalisation (initiée en France par Club Med, Air France et Pernod Ricard). Il y a deux ans, nous nous interrogions : les agences doivent -elles craindre pour leur avenir ? (un papier partagé plus de 1 000 fois).
Aujourd'hui, dans sa célèbre ligne du contre pied, PetitWeb prédit un certain regain du vieux modèle des agences (qui a vu ses revenus décroître de 25 % ces dernières années, et fait tout pour le cacher, rappelle Guillaume Pannaud, le dirigeant de TBWA, en claquant la porte de l'AACC). Car cette pratique d’intégration des compétences en communication pourrait être fatale à une certaine catégorie de marques. Celles qui auront promu le marketing, le chiffre et l’efficacité, aux dépens de la création d’un lien émotionnel avec leur consommateur.
L’analyse de la donnée, et l’automatisation des campagnes requièrent des compétences internes . L’investissement massif dans des outils d’intelligence artificielle et dans les compétences humaines y sont essentielles. Les annonceurs, grâce au machine learning, créent des centres de décision avancés au cœur de leurs départements marketing, comme nous l'a expliqué récemment Pernod Ricard. S’il existe une technologie agrégatrice, c’est bien l’intelligence artificielle. Elle permet de collecter de la donnée en tout point du consumer journey et de faire remonter cette donnée dans des DMP.
Mais attention. Dans un monde post A.I, où tout produit est à un clic, il n’existe plus d’asymétrie d’information. La standardisation guette un grand nombre de marques. La commodité est là, qui menace des produits au marketing mix lissé par des années d’optimisation et de désintérêt pour le consommateur. ‘Price the Consumer’, disent les tech companies, ‘Don’t Price the Product’.
"Commerce" peut devenir un gros mot
La crise écologique mondiale représente le dernier avertissement à l’égard d’acteurs économiques déconnectés des écosystèmes. La globalisation, le consumérisme, l'économie de l’attention, l’exclusion, sont devenues insupportables pour le consommateur. La ‘generation one click’ la ‘génération climat’, nos enfants, sont sans compromis. Après "Avion", "Banque"… Le vocal ‘commerce’ pourrait devenir un gros mot. Economie de l'attention. Attention à l’économie.
Avec ses serviettes, ses ampoules, ses piles, ses câbles de la ligne Basics… et demain, ses produits ménagers, Amazon fait effraction dans les produits du quotidien. Un acteur comme Unilever a donc bien raison d’intégrer sa communication et sa compréhension du monde ; malgré ses 500 millions de dollars d’économies, les années de ses produits pourraient être comptées ! Demain nous achèterons, côté premium, des produits ménagers Patagonia Provisions centrés sur les besoins des consommateurs et protecteurs de l’environnement, et , côté marque distributeur, des Amazon Basics, pour une bouchée de pain, livrés en deux heures.
Dans sa tribune, Mats Carduner reconnait que l'internalisation résulte aussi d'une crise de confiance entre annonceurs et agences-mais rien ne prouve que les annonceurs seront plus transparents envers eux-mêmes que le marché. La technologie, avec les développements de l’automation assistée, de la blockchain, voire de l’Internet des Objets, apportera de la traçabilité et forcera la transparence. Les agences seront transparentes ou elles mourront.
Internaliser, se couper du monde et notamment de son consommateur, est une option risquée. Etre dans son temps, encore aujourd'hui, et malgré Google trends, est l'atout exclusif des agences, démonstration en trois points.
Les agences évoluent à l'extérieur (La Palice)
1. Les agences sont des agents extérieurs, indépendants de leurs clients. Il y a des choses qu’elles font, d’autres qu’elles refusent de faire. Elles doivent convaincre, sans cesse, lors d’appel d’offres, et prouver qu’elles sont les plus justes dans leur capacité à toucher le consommateur.
2. Elles ne subissent pas la dictature de la corporate governance, qui a souvent transformé l’entreprenariat schumpetérien en board, somme d’individus masculins qui monitorent l’activité par quarters et abhorrent le risque.
3. Elles sont des dizaines, des centaines de clients. Dans un monde où la concurrence est inlassablement extra sectorielle, Google ou Amazon investissant dans la santé, c'est un atout. Air France, qui a internalisé une partie de sa communication, a-t-elle anticipé une fin probable du trafic national et investi dans une offre multimodale de transport ?
Cité dans le rapport Warc 2019 sur l’in-housing, Fernando Machado, Global CMO de Burger King reconnait : “From my experience, [creatives] need to be thinking about more than one thing at the same time as they get really bored, and I like the fact that the creative folks at our partners live and breathe in a different environment, in a different culture than the culture that I have in the office. I would be afraid of bringing these guys in and turning them into us.”
Etre de son temps, mais aussi, retenir les talents : travailler en agence, c’est avoir un quotidien semé d’embûches, un tracé non linéaire, un monde d’opportunités et de disruption qui sans cesse force à penser différemment. Havas a créé le Cortex, qui mélange au sein d’un même planning stratégique, des compétences media, créa, data, technologiques, études… Agile et désiloté.
Ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs
La course à la compréhension du consommateur et à l’automation des campagnes, avec son corollaire d’optimisation, sont un enjeu, à la fois capital et de capital. Publicis mène la danse, à coups d’investissements importants et de politique d’innovation à marche forcée, notamment grâce au carton Vivatech. Avec Prodigious, elle a installé des studios de "in-house" (cf. notre papier) Havas a fait le choix de développement interne et teste de nouveaux modèles avec sa filiale Agence79 : pour Club Med, Agence 79 propose Home, une offre d’inHousing, où l’agence intègre ses propres équipes chez l’annonceur. Un partenariat qui motive l’échange et ne coupe pas l’annonceur des tendances tant marché que technologiques. Ainsi, Home délivre du conseil, des audits, de la formation et du placement de profils en régie chez l’annonceur.
Dans ce domaine hautement capitalisé de la donnée, des insights et de la technologie, les partenariats annonceurs agences doivent êtres préservés. Il ne suffit pas de recruter les meilleurs data scientists, ingénieurs et consultants. Il ne suffit pas de développer sa plateforme de gestion de donnée, son full stack inHouse. Les outils de l’intelligence artificielle resteront au service de l’aide à la décision. Là encore, la concurrence des avis et points de vue, sera essentielle.
L’enjeu du futur des relations annonceurs/agences ? Créer un écosystème durable et fructueux, mais surtout, hybride. Intégrer des équipes d’agence au sein des annonceurs, voire intégrer des annonceurs dans les comités de direction de leurs agences.