Qui ?
Karan Bhatia (en photo), Vice President, Government Affairs & Public Policy, de Google, et la réaction du marché à la taxe Google de 2%...
Quoi ?
La genèse de l'augmentation de 2 % des tarifs, décidée unilatéralement par le géant, pour financer la taxe Gafa. Le mail qui a mis le feu aux poudres, et la justification du géant, qui propose un changement de fiscalité au plan mondial. En attendant, la révolte d'organise (cf cette tribune du Pdg de la Camif).
Comment ?
Pour nos lecteurs, voici* le texte intégral du mail envoyé par Google à ses clients français et espagnols est en Anglais dans le texte.
Le groupe a décidé de faire payer les annonceurs à sa place. Fin février, Karan Bhatia, responsable des politiques publiques chez Google, avait tenté de faire plier les Etats. Les «taxes sur les services numériques compliquent les efforts pour parvenir à un accord équilibré qui fonctionne pour tous les pays. Nous encourageons ces gouvernements à revenir sur ce qui est essentiellement des droits de douane, ou au minimum à les suspendre tant que les négociations continuent». Le mail envoyé il y a dix jours, qui consiste à faire payer la taxe par les clients, est donc la réponse du géant devant un Etat qui ne veut pas revenir sur ses lois... . Google suit ainsi les pratiques d'Amazon et d'Apple :
Une fiscalité plus juste au 21ème siècle, c’est taxer les géants du numérique.Ils paieront une taxe en France en 2020. Une fiscalité plus juste, c’est l'impôt minimal pour éviter l’évasion fiscale ou la tarification carbone aux frontières de l’UE pour décarboner l'économie #Les4V pic.twitter.com/MKpEJU3xxk
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) May 28, 2020
En 2019, la filiale française du géant de l'e-commerce a répercuté cette taxe sur les tarifs appliqués aux vendeurs tiers de sa plateforme. A compter du 1er octobre 2019, les frais de gestion se sont ainsi alourdis de 3 %. Début septembre 2020, Apple a pris une décision similaire en annonçant un ajustement de ses tarifs appliqués aux développeurs iOS. Facebook n'envisagerait pas d'appliquer des frais additionnels aux annonceurs. Facebook a indiqué à l'AFP qu'il n'avait pas prévu à ce stade d'appliquer un surcoût aux annonceurs français et espagnols, et qu'il espérait l'aboutissement des discussions internationales de nouvelles règles fiscales (voir plus loin).
Des annonceurs plus ou moins courageux
"Nous regrettons cette décision, qui va amputer la capacité des marques à investir à un moment où l'ensemble des entreprises traverse une crise inédite», a réagi auprès de l'AFP le directeur général de l'Union Des Marques Jean-Luc Chetrit. Une réaction policée, à l'image du marché, qui ne réagit pas officiellement. Mais dans la tribune que nous publions cette semaine.Emery Jacquillat, PDG de Camif, dont il faut saluer le courage, nous confie : "J'ai été scandalisé par cette décision, qui bafoue nos lois et veut nous faire payer la taxe. Alors que le bénéfice de Google a cru de 50 % l'an dernier. Et j'ai eu envie de proposer aux annonceurs petits et grands de baisser leurs investissements de 2 % sur Google à compter d'avril. il faut maintenant que Bruxelles se saisisse du sujet, cette décision est clairement de l'abus de position dominante" De fait, c'est aussi la réaction d'autres grandes sociétés que nous avons interrogées : sur les dix personnes que nous avons interrogées, plus de la moitié a décidé de baisser de 2 % ses investissements, sans même connaitre la tribune du patron de la Camif.
Du nouveau le 9 juillet ?
En adoptant une taxe Gafa en 2019, la France s'était positionnée comme un pays pionnier en matière d'imposition des «Gafa» dont les impôts sont souvent sans rapport avec le montant de leurs bénéfices et qui ont été les grands gagnants en 2020 de la pandémie de Covid-19.Cette taxe «Gafa» a rapporté environ 400 millions d'euros en 2019 en France et a été de nouveau prélevée en 2020, malgré les menaces de représailles de l'administration Trump, qui avait fait échouer aux négociations dans le cadre de l'OCDE pour réformer la fiscalité internationale de ces entreprises. Mais sous Biden, l'OCDE table désormais sur un accord sur la taxation des multinationales lors du G20 Finance du 9 et 10 juillet.Depuis plusieurs années, les gouvernements du monde entier se réunissent à l’OCDE pour réformer le régime international d'imposition des sociétés.
Google paie 80 % de ses impôts aux US
Dans un post du 25 février, Karan Bhatia, Vice President, Government Affairs & Public Policy, argumente : "Ces dernières années, en l’absence d’un consensus multilatéral, les taux d’imposition appliqués aux entreprises étrangères ont augmenté. Cela s’est notamment manifesté par ce que l’on a appelé des « taxes sur les services numériques », visant un petit nombre d’entreprises en fonction de leurs chiffres d’affaires et de leur modèle commercial. Cette approche sélective, source de tensions entre les États-Unis et certains partenaires commerciaux, pourrait déclencher des différends sur le plan international et fragiliser davantage les économies vulnérables.
Selon certains pays pratiquant cette imposition ciblée, il s’agit d’un premier pas vers une réforme fiscale internationale plus vaste, mais nous pensons plutôt que la mise en place de taxes sur les services numériques est un frein sur la voie d’un accord stable. En réalité, ces pays revendiquent des revenus qui, autrement, reviendraient aux États-Unis. Nous leur demandons donc de baisser ces impôts qui sont en fait des droits de douane, ou de les suspendre le temps des négociations.
Pour Google, la prochaine réunion des ministres des Finances du G20 offre une excellente occasion de donner un nouvel élan à cette réforme. Le gouvernement de Joe Biden, aura ainsi l’occasion de souligner son attachement au processus multilatéral dirigé par l’OCDE ainsi qu’à une réforme juste, coordonnée et exhaustive du régime d'imposition des sociétés. C’est aussi une opportunité pour les gouvernements de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, mais aussi d’autres économies majeures, de s’engager à mettre fin aux nombreuses pratiques fiscales discriminatoires mises en place ces dernières années, et de collaborer avec les États-Unis pour parvenir à un accord durable.
La question fondamentale porte moins sur la charge fiscale des sociétés que sur les pays où sont payés les impôts. En ce qui concerne Google, pour la dernière décennie, notre taux effectif d'imposition s’élevait au-delà de 20 % de nos bénéfices, conformément au taux légal d'imposition moyen. Bien que notre entreprise soit l’un des plus grands contribuables au monde, environ 80 % de notre impôt sur les sociétés est versé aux États-Unis, où Google a été créé et où sont développés la plupart de nos produits. La concentration de nos obligations fiscales sur notre marché intérieur est à l'image de nombreuses autres sociétés multinationales dans divers secteurs et pays. Par exemple, des sociétés allemandes, françaises et britanniques présentes aux États-Unis paient aussi la majorité de leur impôt sur les bénéfices des sociétés dans leurs pays d'origine.
Ces pratiques fiscales sont issues du droit international et notamment de conventions fiscales internationales, qui attribuent généralement la majeure partie des bénéfices aux pays où les produits et services sont conçus et une part moins importante aux pays où ils sont consommés.
Le retour du protectionnisme ?
Nous sommes depuis longtemps en faveur d’une réforme du droit fiscal international. Celle-ci permettrait de concevoir un système où une partie des droits d’imposition seraient attribués aux pays consommateurs de services et de produits, même si nous savons que des concessions réciproques seront nécessaires pour arriver à un accord équitable. En effet, les exportations américaines, qui incluent un certain nombre de technologies, seraient imposées à l’étranger, tandis que les sociétés étrangères exportant vers les États-Unis devraient s’acquitter d’impôts plus élevés auprès du trésor public américain.
Au cours des prochains mois, les États-Unis et l’Europe vont devoir honorer les engagements qu’ils ont pris. Faute de solutions pour calmer les tensions en matière de fiscalité, nous risquons de voir apparaître des mesures protectionnistes, du «chacun pour soi» fragilisant la coopération internationale. En revanche, ces pays pourraient donner un nouvel élan à l’économie en prenant des initiatives telles que la réduction, voire la suspension, des taxes unilatérales sur les services numériques actuellement en place. Nous encourageons les pays concernés à travailler ensemble sur ces questions essentielles afin de poser les bases d’une coopération internationale plus stable."
OK Google, on comprend tes arguments. Mais la crise économique actuelle, qui affecte tout le monde sauf toi et quelques autres, n'est-elle pas à prendre en compte ? N'avais tu pas les moyens d'attendre l'issue des négociations internationales, et, en attendant, de payer cette taxe sans la répercuter ? Et surtout, cette décision ne va-t-elle pas écorner ton image de marque auprès du public français et espagnol, et la qualité de tes relations avec tes clients ?
* As of 1 May 2021, we will begin adding a surcharge to your next invoice or statement for ads served in specific countries:
- Ads served in France: a 2% Regulatory Operating Cost added to your invoice or statement
- Ads served in Spain:a 2% Regulatory Operating Cost added to your invoice or statement.
The Regulatory Operating Costs (ROC) are being added to cover part of the costs associated with complying with digital services tax legislation in France and Spain.
You can view a more complete description of the surcharges, but here are the most important changes that may apply:
Ads purchased through Google Ads
- These surcharges will be shown on your invoice or statement as a separate line item per country. They will also be displayed in the "Transactions" section of your Google Ads account. You’ll be charged for advertisements served in the countries mentioned above.
- Any taxes, such as sales tax, VAT, GST, or QST, that apply in your country may also apply to the new surcharges.
- If you pay through monthly invoicing or automatic payments, these surcharges will be added in addition to your account budget. For example, if you have a budget of €100 and accrue €2 in France ROC for ads served in France, you’ll be billed €102 (plus any taxes, such as sales tax, VAT, GST, or QST, that apply in your country).
Learn more about adjusting your account budget - If you pay through manual payments, these surcharges may be charged after your payment has been fully spent. You may be left with an open balance that will be automatically deducted from your next prepayment. For example, if you accumulate €2 of Regulatory Operating Costs for ads served in France, and you make a new payment for €100, you would have €98 credit towards displaying ads (€100 - €2), and your available balance would show €98.