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Les agences média sont-elles trop proches de Google ? La réponse de la tech

Qui ?
Nicolas Jaimes, de Minted, Nicolas Schueller d'Adomik, Mykim Chikli, de Weborama, Thomas Jamet, d'IPG.
Quoi ?
La dernière partie de notre feuilleton sur cette simple question : Google est-il trop proche de Google, avec notamment les chiffres qui le prouvent, révélés par Minted et Adomik. Voir ici la réponse d'une agence.Et celle d'un annonceurComment ?
ll y a 8 ans, au lancement de Jardins ouverts jardins clos (demandez vos invitations ici), Petitweb interrogeait un grand annonceurs sur ses choix technologique et sur la façon dont ils influaient sur ses choix média. L'annonceur pensait que non. La salle était, elle, certaine que ces choix avaient impact sur le planning media. Aujourd'hui, après notre enquête et celle de Minted,  aucun annonceur ne peut dire qu'il ne "savait pas". 82,3% des investissements programmatiques alloués à l’Open Web par le Big 7 (Dentsu Aegis, Havas Media, IPG, Jellyfish, Omnicom Media Groupe, Publicis Media, WPP-GroupM) ont transité par DV360, le DSP de Google, en avril 2022, selon les données d' Adomik, révélées par Minted dans une enquête très fouillée dont nous reprenons ci dessous les principales révélations.
Adomik, qui a analysé la donnée en provenance de plus de 800 sites français et d’une quinzaine de SSP partenaires, estime ainsi que 82,3% des investissements programmatiques alloués par le Big 7 à l’Open Web ont transité par DV360, le DSP de Google, en avril 2022. Les challengers, The Trade Desk ou Xandr, doivent se contenter de  6,3 et 4,4% de part de marché sur la période.

En détail,  chez Jellyfish , Google représentait… 99% de ses investissements programmatiques sur l’Open Web en avril 2022. WPP et Havas Media ont un ratio de 90%, alors qu’Omnicom est à 88%. Dentsu est à 78%, Publicis Media à 69%. La seule exception, c’est IPG dont “à peine” 43% des investissements programmatiques alloués à l’Open Web transitent par DV360.Le groupe utilise en effet pas mal le DSP d’Amazon (29% de part de voix) .
L'exception IPG

Les  Big 7 représente près de 35% des investissements programmatiques de l’Open Web. Et  Adomik ne prend en effet pas en compte les investissements alloués aux walled gardens (il n’a pas accès à ces données). L’accès à la plateforme, qui capte aujourd’hui la grande majorité des investissements vidéos programmatiques, se fait exclusivement via DV 360. Et n'est pas comptabilisé.

Le“self preferencing” est une pratique désormais interdite par le Digital Market Act). Google préfère parler d’interopérabilité (meilleure communication entre les technologies et, surtout, meilleur cookie matching).

“70 à 90% des investissements du Big7 qui passent par DV360 vont à Google Ad Manager”, estime Jean-François Bernard, cofondateur d’Adomik. C’est la force du modèle “walled garden” et cela vaut d’ailleurs pour les autres technologies puisque 60 à 80% des investissements qui transitent par le DSP de Xandr vont à sa plateforme de vente.

Seul le DSP qui n’est pas présent de l’autre côté de la chaîne de valeur, l'Américain The Trade Desk, permet une répartition plus équilibrée. La part de marché de GAM oscille entre 30 et 50% chez la plupart des acteurs du Big7 qui utilisent The Trade Desk. Ce qui permet aux principaux challengers du marché, Smart, Magnite ou Index Exchange, de tirer leur épingle du jeu, avec entre 10 et 20% de part de voix, selon les agences médias. Deux cas un peu atypiques : Omnicom, qui n’achète quasiment par sur GAM depuis The Trade Desk (à peine 2,4%), et Havas Media, qui achète lui énormément sur GAM, depuis The Trade Desk.

Mais si TTD est très bien implanté aux Etats-Unis, en France, DV360 laisse très peu de place à la concurrence. Cité par Minted, un expert pointe les agences média :  “Cette Google dépendance est affligeante. On est loin du discours officiel des agences médias qui se disent agnostiques et soucieuses de ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier.”

5 agences média ont passé la certification pour la 1° fois en 2021
Les annonceurs (l’immense majorité de ceux qui ont internalisé ont pris un siège chez DV360) ne sont pas insensibles au discours de Google, qui leur promet des miracles avec Google Marketing Platform, la seule capable de réconcilier données ad-centric et site-centric (grâce à Analytics et Campaign Manager). Mais aussi parce que les agences médias, dont le travail est de moins en moins valorisé rationalisent leurs outils : il faut des moyens pour faire des tests et mieux équilibrer ses campagnes (voir notre article).
Le  Google Partners Repertory, recense 6/7 du top 7 agence dans ses agences certifiées (voir notre article)  Havas Media, Publicis Media, iProspect pour Dentsu, Re-Mind PHD pour Omnicom et Keyade pour GroupM) ont été certifiées pour la première fois en 2022.

Pas surprenant, à en croire un patron d’agence. “C’est aujourd’hui impossible de travailler avec un groupe comme Carrefour ou Renault sans être certifié,   la certification sur tous les formats vous donne accès à toutes les beta et alpha de Google.” Le géant de la publicité ne réserve ses cas d’usages les plus avancés qu’à ses Google Partners, comme il l’a fait pour l'affichage  en programmatique que Jellyfish a été le premier Français à tester (voir aussi notre papier sur ce sujet)…

Pierre Harand dirige 55 , une entité qui fait du conseil data, revend les outils technologiques, mais ne fait pas d'achat média. : "L'article de Robert Webster est vrai dans les généralités, mais pas toujours dans le détail.   Le problème, c'est qu'historiquement, les agence média font la mesure de leur propre travail et le reporting. Elles ont les données, parce qu'elles disposent des outils de mesure. Il y a donc un problème de juge et partie.  Or, de la même manière qu'il faut séparer le planning et l'achat, il faut séparer l'achat de la tech et de la mesure. Dans le programmatique, les agences opérent dans une grande opacité, avec une chaine d'intermédiaires beaucoup trop longue et opaque, qu'il conviendrait de réduire.  Un même client se retrouve parfois à acheter en concurrence avec lui-même !
Les agences, juge et partie- comme Google

L'autre problème concerne Google, qui vend de la publicité, mais propose aussi la suite technologique pour assurer le suivi des campagnes. Et aujourd'hui, le leader du marché du suivi de campagne, c'est Campaign manager 360, de Google. La nouveauté, et c'est  à mettre au crédit de Google, c'est que, depuis trois ou quatre ans, Google vend ses outils d'ad tech aux annonceurs. Historiquement, ces outils n'étaient vendus qu'aux agences. Et ces dernières, en vendant les outils de Google, prélèvent une marge importante (certains parlent de 3 % du prix d'achat, pour 1 % prélevé par Google, NDLR). Des acteurs comme Sizmek ou Amazon ne passent que par les agences média, eux.
Sur l'"auto préférence", générée par les outils tech : le stack Google Management platform : le stack de Google permet un meilleur tracking sur l'inventaire de Google, et on n'aura pas Facebook. De la même manière, Youtube ne peut pas être tracé sur les outils externes. C'est le principe des walled garden."

Minted pointe le vrai sujet : le manque de transparence. Un manque de transparence qui pourrait également porter préjudice aux annonceurs équipés du “tout Google”, contraints de faire confiance à un partenaire qui accède à toutes leurs données, qu’elles soient issues de leur site Web (via Analytics), de leur CRM (via Ads Data Hub) ou de leurs campagnes publicitaires (via Campaign Manager et DV360).

Pour cette  solution technologique concurrente de Google sur un segment de marché: "La répartition des billing par console d'achat devrait être une donnée publique, exigée par les annonceurs de leurs agences média. Depuis sept ans, les plateformes ont resserré leur emprise technologique sur les agences média. Un acteur comme Teads a équipé les agences média de console, mais les agences utilisent moins les outils externes aux plateformes. En moyenne, une agence dispose de 7 à 9 DSP. Il y a quatre ans, il y en avait 14 ou 15. Il faudrait que les agences média soient transparentes sur le sujet. Converge publie la part du revenu digital dans les agences. Mais il faut passer un cran au dessus, pour établir combien passe par DV. Pour un acteur comme Jellyfish, c'est plus de 90 %. Alors que quand il s'appelait Tradelab, il opérait via Xandr.  Et Orange un acteur public, passe par cette agence pour le programmatique !"

Enfin, "l'arrivée de Google sur le marché du cloud  avec GCP permet d'ajouter une couche de proximité entre agences supports et Google, dans des deals globaux.  Et oui, on na pas le même plan média quand on passe par DV360 ou par the trade desk. Chacun se créé des silos".
Enfin, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les négociations des plateformes sur les droits voisins (pour rémunérer le travail d'info des média) a opéré un nouveau glissement de terrain : quand les médias négocient avec Google ces droits, Google leur impose de nouvelles conditions ! "Et c'est incroyable de voir comme la presse a été immolle et n'a saisi personne sur le problème de Google analytics. Le marché n'a pas voulu voir cela comme une occasion de gagner un peu dans la souveraineté de la mesure...Et a attendu sagement le  nouvelle version GDPR compatible."

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