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Les 4 grandes tendances de la mode connectée

Qui ?
Maria Hatzistefanis (en photo), cofondatrice et CEO de Rodial, l'une des très nombreuses intervenantes du Fashion Summit de Dublin.

Quoi ?
Un aperçu du Fashion Summit, la nouveauté 2015 du Web Summit de Dublin.

Comment ?

1/ La mode, entre les mains des communautés

Pour Runar Reistrup, PDG de Depop, un Instagram doté du bouton "buy", "tout le monde peut devenir une marque, les obstacles au paiement et à la technologie ont disparu". Le pouvoir de la publicité traditionnelle faiblit, et celui de l'engagement authentique progresse de jour en jour. Le Community Manager est devenu le responsable de la boutique en ligne. "On a voulu automatiser le processus de curation, en fonction de qui suit qui. Mais c'est la curation humaine qui marche le mieux. L'élément humain est très important dans le e-commerce".

https://youtu.be/Y042hfwu_Fw

Il discutait sur scène avec Christoph Lange, VP brand solution de Zalando, premier distributeur européen et Amber Atherton de My Flash Trash (des bijoux un peu trash qui donnent du pouvoir aux filles) : "La copine d'un des membres de One Direction a acheté des bijoux chez nous. Cela a généré un énorme trafic. Du coup, on s'est demandé  comment stimuler les fans de notre marque. Nous avons recruté un community manager pour s'occuper de nos fans de 14 à 24 ans." Le site expérimente tous azimuts : La marque a développé des secret levels sur des secret products. Mais ce sont aussi les choses le plus simples qui marchent. "Amazon paiement a été implémenté et cela a été un immense succès".

Le nouveau designer de Balmain, Olivier Rousteing, 28 ans, est aussi un obsédé des réseaux sociaux, notamment d'Instagram, où il a une armée de hashtags. Du coup, il ne faut pas s'étonner que sa collaboration avec H&M sature le social média et les rues, . Will Harris, passé de Channelflip sur Youtube à CDO de Condé Nast il y a un an, est contraint à la modestie : "Le lancement de cette collection capsule ne s'est pas fait dans Vogue, mais sur Instagram".

"On fait du storytelling, le monde n'est plus Top-Down : on a l'autorité, mais on doit apprendre à écouter notre public et distribuer notre présence partout." Cela va aussi avec la manière de produire de la vidéo. "Chez Condé Nast, on a toujours fait de beaux films, mais ce n'est pas engageant. Il faut mettre un filtre culturel sur les vidéos. Les gens veulent avoir une relation directe avec celui qui est derrière la caméra. Dans la mode, tout devait être parfait. Mais aujourd'hui, c'est l'expérimentation qui prime."

2/ 2015, l'année de la vidéo et du système distribué des médias 

Philippe von Borries, PDG de refinery 29 a expliqué qu'en un an, la vidéo est passée de 5% de ses revenus à 45%. Ou plutôt les vidéos au pluriel, car la production de contenus audiovisuels est spécialisée selon les supports. Refinery29 filme les défilés avec 2 caméras, dont une verticale pour Snapchat et jongle entre clips très courts (Facebook, Snapchat) et long format. "Faire de la pub sur Snapchat, c'est accepter de ne pas avoir de contrôle ni de donnée. C'est un retour en arrière. Mais c'est aussi ce que la presse faisait "et cette pauvreté en données concerne aujourd'hui beaucoup de plateformes." Côté publicité classique, "c'est une univers dévasté, mais les leaders ramassent les morceaux. Le print est un luxe, celui de sentir le  papier dans vos mains. Les télés et les magazines ont du mal à faire la transition parce qu'il y a encore beaucoup d'argent à gagner dans leur activité d'origine."

Les stars de la vidéo ne sont pas les marques mais les blogueuses. Estee Lalonde de Essie Button, compte 1 million d'abonnés sur Youtube : "quand j'ai déménagé du Canada en Grande Bretagne, j'ai commencé la vidéo comme un hobby. Je suis arrivée en retard sur Youtube et ne comprenais pas la communauté derrière. En cinq ans, mon public m'a vu évoluer".

Simon Chambers, qui dirige l'agence de mannequins Storm (employeur de Kate Moss), confirme les mutations du secteur. Le déclic s'est produit il y a 5 ans : "Kate faisait un événement pour  Topshop. Un bus s'est arrêté et les gens se sont mis à filmer. Je me suis rendu compte que la mode allait être répandue par le public, pas par l'industrie." Les fans des mannequins font bien l'affaire des marques de luxe, empêtrées sur les réseaux sociaux  : "Peu de mannequins étaient connus du public, mais aujourd'hui les marques regardent les mannequins qui ont le plus de followers. Car le marques de luxe sont embarrassées pour investir sur les réseaux sociaux. La plupart préfèrent se reposer sur le réseau social des égéries qu'elles choisissent pour les incarner." Burberry a aussi transformé les défilés en événements grand public. "Ce sont les seuls à démarrer leurs défilés à l'heure, puisqu'ils le diffusent en live".

3 - La nouvelle influence : "Ne réfléchissez pas 'outside the box', mais comme s'il n'y avait pas de boite"

Estee Lalonde est jugée en permanence par la foule qui la suit. "Du coup, quand j'ai un doute, par rapport à un post, je ne le fais pas. C'est intuitif." Les youtubers pratiquent parfois  l'honnêteté physique : "Je m'épile la moustache et les gens apprécient". Si Youtube est de la télé réalité, Instagram, en revanche, renvoie une image idéalisée. Maria Hatzistefanis de Rodial édite deux marques de beauté, une de luxe ( des noms ahurissants, comme le gel sculptant "au sang de dragon"), et une plus accessible Nip + Fab, qui a recruté Kily Jenner du clan Kardashian et ses 40 millions de followers sur Instagram.

"C'est une icône beauté. Mais pour que ça marche, il faut que la personnalité soit authentiquement séduite par les produits." Des marques de luxe, comme Rollex ont du mal à s'adapter à Snapchat et Instagram. Burberry l'a fait. "Il faut aller sur les plateformes de votre audience, car elle ne viendra plus sur la votre". Rodial commence à investir sur les chaînes Youtube : "Parfois on investit beaucoup d'argent dans la production, mais si on fait cela avec juste une caméra et on a un meilleur engagement avec une production low cost. Les gens veulent être connectés à la personne derrière la marque". La marque fait des tutoriels, pour "empower" ses clientes. "Je me fiche d'avoir des millions de vues. Une femme m'a dit que je lui avais redonné confiance, ça vaut bien 100 000 vues".

Rodial a donc deux marques, une luxe et une grand public. "On a fait deux brand book pour définir le ton, comment communiquer. Une fois que c'est fait, les principes sont les mêmes, c'est juste une question de ton". Et puis, la fondatrice de la société a développé sans le vouloir une troisième marque, autour de sa vie, avec la chaîne Mrs Rodial. Elle explique par exemple comment utiliser Instagram. "J'ai commencé à poster des choses personnelles à propos de l'amour etc. Aujourd'hui, on me demande quel rouge à lèvres je porte, quelles lunettes de soleil..."

Moralité : "Ne soyez pas timide, racontez votre histoire et les gens vont se connecter à vous. Le social media n'est pas un job pour stagiaire. On doit conduire sa stratégie sociale comme un fondateur. Ne réfléchissez pas outside the box, mais comme s'il n'y avait pas de boite."

4 - La personnalisation balbutiante

Heidi Zak, cofondateur de Third love affirme que sa marque est l'une des rares avec Burberry et Nike, à avoir intégré la personnalisation dans l'ADN. "Les marques doivent aller vers l'individu et savoir ce qu'ils veut". Third Love a ainsi innové dans le domaine du soutien gorge avec une application pour que les femmes se mesurent elles-mêmes. "On utilise cela pour dessiner les sous vêtements, faire les vraies tailles et produire plus vite. Cela nous permet de proposer des demi-tailles. Et le consommateur apprécie. 40 % de nos clientes achètent des demi tailles". Offline et online ne sont plus séparés. L'omnicanal permet de connecter ce qui se passe sur le site et dans le magasin. La donnée est utilisée en temps réel, avec des rapports journaliers avec les fabricants. Mais attention : "les clients doivent comprendre ce qu'on fait de leurs données, il faut que ce soit très clair".

https://www.youtube.com/watch?v=ekhjGQojn-o

Olivier Zimmer, Google fashion data scientist, différencie les "microtrends" des "macrotrends". "Les micro trends, c'est par exemple cette année le buzz autour de la robe bleue et noire. Le macro trend, c'est comprendre la vérité humaine." La donnée joue un rôle dans la création, dans la vente et dans le marketing. "Dans le process de création, par exemple, l'an dernier, les marques étaient très surprises du succès des emojis sur les chemises. La donnée leur permet de mieux saisir l'air du temps, le fameux street style". La donnée donne de meilleures informations aux stylistes, pour les inspirer. Pour le marketing, c'est dans le moteur de recommandation que ça se joue. Pour l'achat, il s'agit de savoir si le consommateur vient après la recommandation d'un ami, ou de Facebook, la relation sera différente."

Qui sont les meilleurs ? En tout cas pas les Français : Olivier Zimmer  cite Stitchfix, le styliste des femmes en ligne (lire notre article sur le sujet), pour le moteur de recommandation et Farfetch ("les boutiques les plus influentes de Tokyo à Paris") pour la chaîne logistique. "Avant les marques proclamaient qui elles étaient, aujourd'hui, elles doivent le redéfinir en écoutant leurs consommateurs. Timberland a découvert que ses clients étaient "urbains et adeptes de sport de plein air." La marque a réorienté toute sa communication autour de cela. Pourtant, "le pêcher du data analyst est l'arrogance, il faut comprendre les questions auxquelles on ne peut pas répondre. Au milieu de ces données, la marque doit avoir des convictions fortes, qui émanent d'un individu".

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