Qui ?
Fayrouze Masmi-Dazi, fondatrice du cabinet Dazi Avocats.
Quoi ?
La chronique de la semaine 8, pour suivre pas à pas ce que la justice américaine veut bien révéler de ce procès historique du web mondial (6 et 7e semaines par là, 5° semaine ici, 4° semaine ici, 3° semaine ici, 2° semaine ici ,1° semaine là). L'avocate fera l'ouverture de la matinée Jardins ouverts jardins clos le 15 novembre, en racontant ce procès historique. Demandez-nous une place !
Comment ?
Cette semaine, c’était au tour de Google de prendre la parole et défendre son modèle, son activité et ses accords commerciaux. Lundi, le CEO de Google Sundar Pichai a été auditionné et a insisté sur le caractère très concurrentiel du marché de la recherche, la capacité extraordinaire d’innovation de Google, ses investissements en R&D. Aucune surprise ni aucune révélation dans ce discours parfaitement maîtrisé et huilé, quant aux qualités de la firme de Mountain View et les raisons de son succès. Un sujet lancinant a été évoqué subrepticement par Sundar Pichai, s’agissant des bénéfices que les pratiques en cause seraient susceptibles de générer sur d’autres marchés. Pichai a ainsi laissé entendre qu’un accord tel que celui conclu entre Apple et Google (à 18 milliards de dollars en 2021, donc) serait possiblement bénéfique et en tout cas pro-concurrentiel. Discours repris par Elizabeth Reid, VP Search chez Google, lors de son audition jeudi dernier. Le département de la Justice américain dénonce au contraire des incitations négatives – un pacte de non-agression anticoncurrentiel.
L’alerte « Code Jaune » en 2019
Lors de l’audition, Benedict Gomes - ex directeur du Search – s'est exprimé sur différents échanges d’emails, datant de 2019, dans lesquels Google se serait alarmé de la chute des revenus du Search vs les revenus publicitaires, en lien avec une « trop » grande focalisation des équipes sur la monétisation publicitaire et ce, au détriment du produit. Il a dû répondre de ses préoccupations voire de ses états d’âme.
Pour nous autres européens, son audition a été riche en enseignements sur l’importance pour Google du marché Européen. A la suite de la décision de la Commission européenne concernant Google Android (la Commission avait alors infligé une amende de 4,3 Mds€), Google a du mettre en place un mécanisme de choix de moteur de recherche pour les utilisateurs. Cette situation illustre l'une des rares fois où Google a ressenti une certaine inquiétude quant au maintien de sa position. Cela aurait conduit Google à redoubler d’efforts notamment financiers sur le marché européen.
Le duel des experts économiques
Ce qui aura marqué la première semaine consacrée à la défense de Google tient plutôt à l’audition (toujours en cours) de l’un des experts économiques de Google, Mark Israel du cabinet RBB Economics, l’un des poids lourds du secteur. L’expert est revenu en détail sur la définition du marché pertinent sur lequel agirait Google, défendant l’idée que ce dernier serait à l’évidence en concurrence avec Amazon et d’autres moteurs de recherche. Il a été questionné plus avant par le Juge Mehta qui n’avait jusque là que peu approfondi les interactions avec des témoins à la barre. Pour la petite histoire, ce n’est pas la première fois que le Juge Mehta et Mark Israel se croisent au cours d’un procès, et qui plus est sur un sujet relatif à la définition des marchés. Dans une autre affaire, le juge Mehta avait consacré une bonne partie de la motivation de sa décision à débattre pour souscrire à la position exprimée par Mark Israel.
Le département de la Justice américain s’est donc employé à décrédibiliser l’analyse dans le cadre de son audition croisée. Et a mis en exergue une autre affaire dans laquelle un autre juge avait, lui, ouvertement et explicitement considéré dans sa décision que la position exprimée par l’expert était manifestement orientée et intéressée par la solution du litige.
La semaine 9 recommence avec l’expert Mark Israel à la barre des témoins.
Un autre procès contre Google s’ouvre aujourd’hui aux Etats-Unis, celui d’Epic Games contre les règles trop restrictives du Play Store.