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La donnée, une mine d’or d’abord pour les distributeurs, les banques et les telcos

Qui ?
Pierre Santamaria, Senior Manager chez Accenture Interactive.

Quoi ?
Le compte-rendu de la présentation réalisée lors du Grand Format "Data to Consumer, comment concilier éthique et efficacité" dont Accenture Interactive était partenaire.

Comment ?

"Tout le monde parle de la data comme le nouvel or noir du marketing... et pourtant, quand on regarde les chiffres, la donnée publicitaire ne permet d'augmenter en moyenne que de 5 à 10% le CPM [Coût Pour Mille] de la vidéo et de 10 à 18% celui des bannières..." Pour les médias et les éditeurs qui entendent exploiter leurs données, le gain est donc loin d'être mirobolant...

 

En France, Accenture évalue à 50 millions d'euros le marché de la donnée publicitaire. Sachant que les intermédiaires grignotent de 40 à 70% de la valeur, les détenteurs de données peuvent espérer se partager autour de 15 millions d'euros. En cause : des annonceurs réticents à payer beaucoup plus pour des impressions publicitaires, même mieux ciblées. Et des acteurs comme Facebook qui offrent déjà beaucoup de possibilités de ciblage, à condition de rester au sein de leurs environnements.

La donnée doit encore apporter la preuve de son intérêt pour les annonceurs dans un cadre publicitaire. "A l'usage, l'achat de données ne se traduit pas par des sur-performances" reconnait Pierre Santamaria. Une situation qu'il explique par la faible qualité des données disponibles sur le marché , souvent trop vieille ou peu fiable. En outre, le durcissement de la législation, avec l'entrée en vigueur de la GDPR en mai 2018, ainsi que la directive e-privacy actuellement en discussion, pourrait freiner encore davantage les annonceurs.

"Il faut donc se poser la question autrement. La donnée en tant que telle n'a pas beaucoup de valeur, mais elle en prend lorsqu'elle est associée à une impression publicitaire. Les possesseurs de données doivent mettre en place un service qui permet aux annonceurs de toucher des gens avec ces données. Et ce service, c'est presque celui d'une agence publicitaire." En première ligne, les banques, les opérateurs télécoms et les distributeurs : des secteurs d'activité qui possèdent chacun des données de grande qualité, souvent exclusives, qui gagneraient à être croisées et exploitées.

 

Le mouvement est déjà en marche : Amazon réalise déjà 3,5 milliards de dollars de Chiffres d'Affaires aux Etats-Unis avec sa régie publicitaire, un domaine dans lequel l'e-commerçant peut obtenir "un taux de marge qui n'a rien à voir avec celui d'un distributeur classique." Outre les campagnes créées directement sur son site (lire notre article), Amazon permet à certains trading desk d'acheter des impressions hors Amazon, grâce à ses données. En Chine, Alibaba poursuit la même stratégie, avec son offre "Alimama" et ses 500 millions de profils utilisateurs.

Les distributeurs classiques ne sont pas en reste : Target a créé un adexchange regroupant 200 éditeurs, avec un service d'achat média en ligne et un trading desk de 20 personnes, qui achète de l'espace publicitaire pour le compte des marques. Quant à Walmart, il a lui aussi un adexchange depuis 2014 (Walmart Exchange WMX), ainsi qu'une régie publicitaire interne. "Avec Target et Walmart, les annonceurs ont à disposition de la donnée extrêmement intéressantes, car ils ont les informations de transaction dans le monde physique, ce qu'Amazon n'a pas encore." Pour concilier données physiques (recueillies par la carte de fidélité) et profils en ligne, les distributeurs ont recours à des prestataires de CRM Onboarding (lire aussi notre article à ce sujet).

 

En France, FnacDarty et 3W Régie (groupe Casino), mais aussi d'autres grands distributeurs français travaillent actuellement sur le sujet. Par exemple, "3W Régie agrège beaucoup d'e-commerçants et dispose d'une base de consommateurs en ligne très importante. Avec les données offline du groupe Casino - à venir très prochainement - 3W Régie va pouvoir vendre des services proches de ceux de Walmart et Target". Fnac Darty, pour sa part, s'appuie sur des partenariats : avec Deezer, pour augmenter la récurrence des contacts, mais surtout avec Gravity, la plateforme qui intègre de nombreux médias dans une logique de mutualisation des données.

Le secteur des télécoms est aussi à l'offensive sur ces sujets, notamment par des acquisitions d'entreprises AdTech. Ces dernières années, AOL et Yahoo ont ainsi été rachetés par Verizon, Oovala par l'australien Telstra, Turn par le singapourien Singtel et Tapad par le norvégien Telenor. Sans oublier en France, l'acquisition de Teads par Altice : "avec ce rachat, l'ambition d'Altice est de créer un 'jardin clos', concurrent de Google et Facebook. C'est la même logique que celle de Verizon" estime Pierre Santamaria.

 

Sans aller jusqu'à des rachats, des échanges peuvent aussi s'opérer entre des entités qui ne sont pas du même groupe. "Deux marques peuvent échanger ensemble et partager leurs données et construire des profils beaucoup plus fiables. En Europe, nous travaillons sur des cas et la constitution de business model, avec des acteurs des télécoms, de la banque ou de la distribution, en allant parfois jusqu'à opérer ces nouvelles activités. C'est un phénomène qui est seulement en train d'émerger" conclut Pierre Santamaria.

Benoit Zante

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