Qui ?
Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, mais aussi Daminen Mahoney, CEO de Stackla et David Heinemeier Hansson, le CTO et cofondateur de Basecamp qui ont témoigné à visage découvert.
Quoi ?
Une synthèse de la partie du rapport du Congrès (synthèse globale ici) consacrée à Facebook. Les jugements de cet article sont ceux de cette commission bipartisane américaine, pas les nôtres. Après Amazon (voir ici), Google (voir là), et Apple (là-bas) c'est la troisième et avant-dernière de notre série consacrée à chacun des GAFA.
Comment ?
Créé en 2004, Facebook est le réseau social le plus important du monde. Il propose cinq produits : Facebook, une plateforme de social network, Instagram, une application sociale de photos et de vidéos, Messenger, une application de messaging cross platform pour les utilisateurs de Facebook, Whatsapp une application de messaging cross plateforme et Oculus, un système de gaming de réalité virtuelle.
Facebook compte 1,79 Mds d’utilisateurs quotidiens en juillet 2020, 2,7 Mds d’utilisateurs mensuels et un ARPU (average revenue per user) de 7,05$. En 2019, Facebook déclare 70 Mds $ de revenus, en croissance de 27 %, dont 24 Mds de ses opérations. Sa famille de produits a 2,47 Mds d' utilisateurs journaliers, génère 3,14 Mds mensuels et un arpu de 6,10$.
La FTC a ouvert une enquête antitrust en juin 2019. En juillet 2019, le Département de Justice a annoncé démarrer une enquête antitrust sur les plateformes en ligne. En septembre 2019, Laetitia James a annoncé qu’elle rejoignait, avec 8 autres juges fédéraux, une enquête multi-états sur Facebook. En octobre 2019, le procureur général James a annoncé que l’enquête accueillait 47 juges fédéraux.
"Votre seul travail est d'obtenir une minute d'attention supplémentaire, c'est immoral"
Facebook a le monopole de ce marché. Facebook a tenu sa position pendant 10 ans, démontrant son pouvoir monopolistique.
Le temps passé et le reach sont très élevés dans la plupart des pays.La croissance des utilisateurs suit la croissance d’Internet : le reach global est stable établit un rapport interne. Le monopole est préservé de la pression concurrentielle.
Facebook a renforcé sa dominance par sa politique d’acquisitions. En juillet 2020, l’autorité de la concurrence britannique (la CMA) a établi que Facebook était dominant sur le marché du social media network et du display. Son pouvoir de marché vient des effets de réseau et de la moindre interopérabilité avec les autres plateformes média.
En juillet 2019, le German Federal Cartel Office statue à son tour que Facebook domine le marché du social network, avec une part de marché locale de 90 % ; Facebook réplique qu’il agit dans un marché hautement compétitif, citant Twitter, Snapchat Pinterest et Tik Tok. « Nos utilisateurs peuvent quitter Facebook s’ils ne sont pas contents ». En réponse à l'enquête allemande, Facebook argue qu’il combat pour l’attention, citant Candy Crush ou Clash of clans, Youtube, Twitter, Pinterest, Snapchat…
Lors d’une interview du comité, un ancien employé de Facebook expliquait qu’en tant que product manager, « votre seul travail est d’obtenir une minute supplémentaire. C’est immoral. Ils ne demandent pas d’où cette minute provient. Ils peuvent monétiser une minute d’activité un certain prix. Alors la seule métrique est d’obtenir cette minute supplémentaire. »
Facebook inclut Bing dans ses concurrents pour l’attention, ou Yelp , un site de revue d’avis consommateurs. Ou encore Buzzfeed, un éditeur de news digitales. En réponse à une demande de l’autorité de la concurrence anglaise, Facebook a calculé sa part de marché ainsi : « le temps capturé par Facebook comme pourcentage du temps passé par l'utilisateur sur Internet, incluant le social, les applications de rencontre, les éditeurs et les plateformes de recherche. » Sur cette base, Facebook considère qu’il n’a pas de position monopolistique.
Mais cette position n’est pas conforme aux documents que Facebook a produits pour cette enquête. Des documents internes montrent que le monopole est l’objectif de Facebook. Dans un document interne, Facebook a utilisé des datas collectées par Onavo, un VPN, pour lui fournir des indications sur l’usage et l’engagement d’autres entités.
Une pénétration de 100 % dans 9 pays
Facebook a le monopole du marché du social networking. Sa famille de produits inclut 3 des 7 applis les plus populaires, en termes d’utilisateurs mensuels, de reach et d’utilisateurs actifs quotidiens et mensuels.
Facebook seul a le troisième reach des applis sur mobile, avec 200 M d’utilisateurs aux USA et un reach de 74 % des utilisateurs de smartphone aux USA en 2019. Messenger a le 4° reach avec 183,6 M d’utilisateurs , soit 54,1 % des utilisateurs de smartphone. Instagram a le 6° reach (119,2 M utilisateurs, 35,3% des utilisateurs de smartphone). Snapchat, 7° en reach avait 106,5 M d’utilisateurs, 31,4 % des utilisateurs de smartphone.
Facebook a une pénétration de 100% dans 9 des 20 pays les plus peuplés du monde. Les utilisateurs passent davantage de temps sur les entités de Facebook que sur ses concurrents. 48, 6 mn sur Facebook pour 21 mn sur Snapchat ou Twitter.
Dans un document pour un opérateur téléphonique, le groupe déclare représenter 95 % du social media aux USA en termes de minutes d’usage mensuel. Selon un document d’investisseur, il aurait 100 % de pénétration sur les 25-34 ans aux USA. Et plus de 85 % dans d’autres pays.
Le congressman Joe Neguse a interrogé Zuck : « La plupart des observateurs décrivaient Facebook comme un monopole dès 2012. Et depuis, Facebook a tout fait pour le protéger". Mais Facebook n’a pas admis cela.
Facebook compare son newsfeed au fil de contenu sur Youtube. La réglementation antitrust déclare les marchés pertinents comme des marchés où les services sont interchangeables pour le consommateur, pour poursuivre le même but. Youtube est consommé pour regarder des vidéos. Il ne propose pas des produits comme pages, marketplace ou le partage au sein d’un réseau de personnes.
L’Autorité de la concurrence britannique est arrivée aux mêmes conclusions. Youtube est un site de partage de vidéo plutôt qu’un outil de communication. Les visiteurs y viennent consommer du divertissement et des tutos.
Le mémo Cunningham
Le mémo Cunningham de 2018 est basé sur des datas Onavo de 2017 à 18. Ce mémo a guidé la stratégie d’acquisition de Mark Zuckerberg. Le mémo distingue les app à social graph, Facebook Instagram Whatsapp et Snapchat, et les app sociales pour la musique et la vidéo comme Youtube et Spotify. La plupart des pays ne peuvent pas soutenir deux applications de messagerie . Il y a des transferts de temps passé entre Messenger et whatsapp. Selon ce mémo, "Le sujet le plus préoccupant est de voir Instagram arriver au tipping point et Facebook, perdre de la valeur à cause de l’effet de réseau inversé. Quand vous utilisez moins une application, elle devient moins attirante pour les autres utilisateurs, et à certains moments, ces effets peuvent être massifs."
Sur 10 applis utilisées au quotidien, les utilisateurs utilisent 5 applications sociales différentes, mais seulement 1,5 application de messaging et une application sociale. Du coup, la barrière à l'entrée est presque infranchissable : les fans de Google + avaient du mal à convaincre leurs amis, à cause de la densité d’amis sur Facebook.
Pour la data-portabilité, Facebook propose « download your information ». Mais dans les faits, cela ne fait que transporter ses photos de Facebook à Google Photos.
"Ils ne peuvent que télécharger leurs données en PDF et en Zip . Facebook dit qu’il soutient la portabilité des données, mais la rend encore très compliquée" explique un obeservateur au sous comité. D'ailleurs, a portabilité ne permet pas d’exporter le social graph, la valeur la plus précieuse pour Facebook.
Quitter Facebook peut aussi dégrader l’expérience d’autres applis de Facebook. Les utilisateurs de Spotify qui ont signé avec Facebook ne peuvent s’en déconnecter. Pour quitter, ils doivent ouvrir un nouveau compte Spotify-et perdent l’accès à leur playlist , le social graph de leurs amis sur Spotify et leurs autres datas. Les gens qui s'en vont quittent aussi Facebook events marketplace et les groupes.
Depuis 2010, l'Open graph permet de cibler par Facebook au travers d’Internet. Des entreprises ont beaucoup bénéficié de Facebook Log in. Open graph a joué le rôle de "stéroïde pour start up". Facebook a été le principal pourvoyeur de trafic pour Spotify , conduisant 7 M de personnes à installer Spotify dans le mois qui a suivi le lancement d’open graph. Pinterest a aussi progressé jusqu’à 10 M d’utilisateurs de cette manière.8,3 M de sites utilisent Facebook Connect en mars 2012. Facebook a aussi été en mesure d’interdire l’accès à cette donnée.
Si l'acquisition d'Instagram est illégale, pourquoi ne pas faire la partition maintenant ?
Depuis sa création en 2004, Facebook a acquis 63 sociétés. Des sociétés logicielles pour la plupart comme Instagram , Whatsapp , Face atlas, Livewire et Onavo. Mais aussi de la VR et des sociétés de hardware comme Oculus. Récemment, Facebook a acquis des réseaux de niche, une plateforme blockchain et une société prééminente de production de GIF.
Instagram a été créé en février 2010 par Mike Systrom et Mike Krieger. Burbn était initialement une application à la air b and b. Instagram a été lancé en octobre 2010 comme appli de partage de photo sur iPhone. L' application sur Google play est lancée en 2012.
En 2012, Zuck écrit à David Ebersman , le CFO de Facebook, :"combien Facebook serait prêt à payer pour acquérir une société comme Instagram, qui construit des réseaux concurrents. Ces sociétés sont naissantes, mais leurs réseaux sont établis. Les marques existent et si elles se développent , elles pourraient nous faire beaucoup de tort."
Ebersman demande alors si le but de l’acquisition serait de 1 neutraliser un concurrent 2 acquérir ses talents 3 intégrer les produits d’Instagram à Facebook pour améliorer ses services.
Le Pdg répond que c'est une combinaison de 1 et de 3 : "Ce que nous achetons en réalité c’est du temps. Même si un nouveau concurrent rachetait Instagram Path et Foursquare, cela nous donnerait une année pour intégrer leur dynamique. Et pendant ce temps, si nous intégrons leur mécanique, ces nouveaux produits n’auront pas beaucoup de traction, car nous aurions déjà ces mécaniques déployées à l’échelle".
Le 9 avril 2012, Facebook rachète Instagram pour 1Md$. Acquisition avalisée et réalisée en août de la même année. La FTC n’a pas donné suite à son enquête. Il a neutralisé ainsi un concurrent sérieux.
Instagram prévoyait d’avoir 20 millions d’utilisateurs en janvier 2012 avec une croissance mensuelle de 22%.
Après avoir mis son application sur Google Play, en avril 2012, Instagram a eu 10 M de nouveaux utilisateurs en dix jours, sur 50 millions en avril et 100 millions au moment où l’acquisition de Facebook a été conclue, en août 2012.Et la société n’avait pas de mal à soutenir cette croissance.
Avant l’acquisition d’Instagram, des mails internes estimaient : « Ils mangent notre déjeuner. N’est-ce pas pour cela que nous avons construit un clone ? « (Facebook Camera)
Systrom voulait qu’Instagram se développe autant que possible. Mais Zuck disait qu’il ne voulait pas de concurrents pour Facebook. C’était de la collusion au sein d’un monopole.
Pendant le process d’acquisition, Systrom a déclaré qu’il n’était pas facile de séparer l’offre du fait que Facebook préparait un produit concurrent du sien.
Dans une conversation avec Matt Cohler, investisseur dans Instagram et ancien conseiller de Facebook, Systrom demande si Facebook détruirait Instagram s’il ne le rachetait pas. Réponse ? « Probablement, oui. »
Zuck estime : « Avec le recul, Instagram aurait probablement atteint son reach d’aujourd’hui. Mais son succès n’était pas garanti. Cette acquisition a été un succès, pas seulement à cause du talent des fondateurs, mais parce que nous avons investi dans l’infrastructure, travaillé à sa sécurité. Ça a été une success-story américaine ».
Pour le sous-comité, le soutien de FB à Instagram est surévalué. Avant d’acquérir Instagram, Zuck a établi que FB investirait « un peu plus d’ingénieurs dans la société, mais la laisserait évoluer de manière relativement indépendante. ». Instagram progressait beaucoup au moment ou elle a été rachetée. En décembre 2011, avec 13 employés seulement, Instagram avait 14 millions d’utilisateurs.
À une audition du sous-comité, Jerrold Nadler , son président, a déclaré : « Si l’acquisition d’Instagram était illégale au temps où elle a eu lieu, pourquoi la société ne serait-elle pas séparée maintenant pour devenir une entité séparée ? »
De fait, un ancien employé démontre que Facebook et Instagram peuvent toujours être séparés : "Facebook a pour argument que les deux sociétés utilisent le même système. Mais vous pouvez copier-coller le code, faire une copie du système et le donner à la nouvelle société. Vous pouvez les assembler, ou les séparer ,Facebook peut toujours extraire la data dont Instagram n’a pas besoin. Ils ont passé l’an dernier à merger les deux sociétés. Ils peuvent faire machine arrière pour revenir à la situation de 2019. Ce n’est pas comme si c’était des immeubles !"
Whatsapp s'oppose au modèle publicitaire : "une insulte à l'intelligence"
Fondée en février 2009 par Jan Koum et Brian Acton, pour fournir aux utilisateurs des mises à jour de leurs contacts, Whatsapp est une messagerie et un service vocal, qui ne requièrent pas de connexion cellulaire et sont transmis par Internet. Avec Messenger, un utilisateur de FB ne peut communiquer qu’avec un autre utilisateur de Facebook . Whatsapp permet de communiquer avec tous ses contacts téléphoniques.
Jusqu’en 2016, Whatsapp proposait un abonnement payant, après la première année offerte. C’était la seule à avoir ce business model. Ses fondateurs étaient opposés à un modèle reposant sur la publicité. «Quand la publicité entre en jeu, l’utilisateur devient le produit. La publicité n’est pas seulement la disruption de l’esthétique, une insulte à l’intelligence et l’interruption de votre pensée. Dans chaque société qui vend de la publicité, une grande proportion de leurs ingénieurs font du data mining, écrivent un code meilleur, pour collecter vos informations personnelles, upgrader les serveurs qui collectent la data la traiter et la revendre.»
En juin 2012, WhatsApp précise : "Nous ne collectons pas les noms, les e-mails, la localisation ou les contenus des messages envoyés. "Le 19 février 2014, Facebook propose d’acquérir Whatsapp pour 16 Mds$, 4 en cash et 12 en actions Facebook.
Après la transaction, son co-fondateur écrit que Whatsapp serait autonome et opérerait séparément. Le FTC a investigué à partir du 13 mars 2014. Le directeur de la FTC a précisé que Whatsapp devrait continuer à honorer ces règles en matière de vie privée. Autrement, ce serait une pratique trompeuse, qui tomberait sous la section 5 du FTC.
La conquête du territoire
À l’époque de son rachat, Whatsapp a 450 millions d’utilisateurs et gagne 1 M de nouveaux utilisateurs par jour, sans marketing. Avant cette acquisition, Zuckerberg avait demandé une liste des applis de plus de 100 millions d’utilisateurs quotidiens et mensuels. Le rapport montrait que Whatsapp était en 2° place pour les utilisateurs quotidiens et à la 4° pour les utilisateurs mensuels.
En septembre 2014, la Commission européenne a fait la revue de cette acquisition (voir ici). À cette époque, Facebook a calculé que la part de marché de Facebook et Whatsapp représentait 36 % du marché européen.
70 % des utilisateurs utilisent 2 messageries et 43 % utilisent plus de 3. Zuck considère que la messagerie ne fait pas partie du marché du social networking car elle ne comporte pas de fonctionnalités sociales. Et affirme «qu’il n’a pas de plan pour changer la stratégie de Whatsapp ».
Le 3 octobre 2014, la Commission approuve la transaction : "Messenger et Whatsapp ne sont pas concurrents.Les consommateurs continueront d’avoir un large choix". La commission note que les messageries se caractérisent par des effets de réseau, mais conclut que Facebook continuera à avoir suffisamment de concurrence après ce rachat. Elle admet qu’il y a des champs croisés entre les social network et les applications de messagerie. Chacun de ces services adopte les fonctionnalités des autres. Mais les social network fournissent davantage de fonctions sociales (commentaires ou like) alors que les messageries sont centrées sur la communication en temps réel. Le groupe a vu en WhatsApp un moyen d’augmenter son reach dans les pays ou il n’était pas encore présent. Mr Javier Olivan, directeur des acquisitions, note que "le reach de Whatsapp auprès des utilisateurs de smart phone est plus important que le nôtre. Dans certains pays, ils atteignent 100 % de la population." En ajoutant les services gratuits de Facebook à Whatsapp, l’acquisition permettrait d’augmenter le reach de Facebook auprès des utilisateurs de Whatsapp. Zuck est d’accord avec cette analyse.
David Wehner VP corporate finance et business à l’époque dit à Ebersman « Nous allons dépenser 5 à 10 % de notre capitalisation boursière dans les prochaines années pour renforcer nos positions. Je déteste le mot, mais il s’agit de conquête de territoire (« land grab ».)
Deux ans plus tard, en 2016, la Commission européenne inflige une amende de 110 M€ à Facebook pour information incorrecte et trompeuse sur la jonction entre les comptes Whatsapp et les comptes Facebook. En effet, en août 2016, Whatsapp relie l’identifiant Facebook avec le téléphone sur Whatsapp. Et Facebook avait déjà cette intention au moment de l’acquisition. Deux ans plus tard, les fondateurs de WhatsApp quittent la société, en désaccord sur la politique de privacy du groupe (NDLR).
Quand Facebook dérobe des données à Apple...
Avant l’acquisition d’Instagram, Facebook a utilisé sa data pour suivre la croissance d’Instagram et d’autres applications. En avril 2012, Javier Olivan écrit un mail à Zuck et à Chris Cox, CPO, pour améliorer la recherche sur la concurrence :"La société a fait de grands progrès dans l’utilisation des données d’audience de Comscore, mais avec un investissement important, Facebook pourrait construire sa propre recherche". En août 2018, Apple retire Onavo de son appstore après avoir appris que suit grâce à Onavo les utilisateurs des autres applications. Un porte-parole d'Apple déclare :"les applications ne devraient pas collecter d’informations sur quelles autres applications sont installées sur les téléphones des gens à des fins publicitaires. Elles doivent établir quelles datas elles collectent et pour quel usage."
En janvier 2019, à nouveau, Apple retire de son store le successeur d’Onavo , Facebook research application, après un article de Tech Crunch selon lequel Facebook payait des adolescents et des adultes pour télécharger l’appli research et leur donner accès au trafic de l'appstore , en violation des règles d’apple.
En mai 2020, Facebook acquiert Giphy, une plateforme de GIF , pour 400 M$, Cette acquisition donne au groupe des insights sur les autres applications de messagerie. Commentaire d'une personne interrogée par le Comité : « Vous pouvez facilement bloquer les trackers comme Facebook ad pixel, et même détruire votre compte Facebook . Mais la plupart d’entre nous ne peuvent imaginer que son comportement en ligne est suivi quand il envoie des vidéos marrantes à ses amis ».
Acquérir, copier ou tuer des concurrents
Dans un mail envoyé en mars 2012, Zuck note que de cloner des applications peut aider à bouger plus rapidement (« move fast » est à l'époque sur les cartes postales à disposition des visiteurs de Facebook, NDLR).
Sam Lessin le product management director écrit : "J’aimerais être encore plus agressif dans la copie des concurrents. Copions Pinterest !"
Un autre répond : «Je me demande pourquoi nous n’avons pas bougé plus vite sur Roger et Snap. Je suis inquiet, quand je vois des start up siphonner notre graph et créer des expériences formidables plus vite que nous».
En 2013, Snapchat a refusé d’être racheté par Facebook pour 3 Mds$. Juste après, Instagram a introduit Instagram Stories Feature, identique aux stories de Snapchat. Un an plus tard, Instagram stories a 200 M d’utilisateurs ett Snapchat, 161 M . Et en 2018, Instagram a doublé ses utilisateurs de Stories. Pour Kevin Weil : « C’est la facon dont l’industrie de la tech fonctionne ».
Idem pour House party,"le salon d'Internet" qui a refusé le rachat. Juste après, Messenger devient « un salon virtuel ». Résultat : la base d’utilisateurs actifs de house party a chuté de moitié entre 2017 et 2018. Pour le juge Hank Johnson « il y a eu des pas de franchis pour abuser de la data pour faire du mal aux concurrents et pour abriter Facebook de la concurrence » Facebook a-t-il utilisé Onavo pour racheter Whatsapp ? Réponse de Zuck au sous-comité : « Je pense que toutes les sociétés font de la recherche pour comprendre ce qui plaît à leurs consommateurs et améliorer leurs produits. Ça nous a permis de faire de meilleurs produits . Onavo a été l’un des signaux sur la trajectoire de Whatsapp, mais nous n’en avions pas besoin. C’était évident que Whatsapp était un super produit. »
L'accès à la plateforme comme arme
Avec le social Graph, Facebook a changé les règles de fonctionnement de sa plateforme pour s'adapter aux menaces concurrentielles. Dans une interview de 2007, Zuck décrit la plateforme comme « un operating system qui permet de faire tourner de nombreuses applications ».
En 2008, il ajoute qu'elle est la clé du succès à long terme. Dans un e-mail, Zuck déclare alors : « Il y aura beaucoup d’applis sociales et de manière de communiquer et de partager l’information. Et nous ne pourrons pas les développer toutes. La société qui va développer la plateforme sociale sera en position d’offrir les meilleures façons de communiquer et aura un succès de long terme ».
L’accès au social graph de Facebook a permis à bien des sociétés de se développer rapidement. En échange, Facebook héberge des contenus qui font s’engager les utilisateurs sur le social graph, et monétise cette relation, avec le partage des revenus ou la publicité.
Le tournant de 2012
En 2012, des ingénieurs se rendent compte que les applications pouvaient développer avec le graph des produits qui concurrencerait Facebook et siphonnerait ses utilisateurs. Mike Vernal VP product explique « Quand nous étions petits, la plateforme nous a rendus essentiels dans la fabrication d’Internet. Nous sommes maintenant le plus gros service au monde. Quand nous étions petits, les applications nous permettaient l’ubiquité. Maintenant que nous sommes grands, beaucoup veulent siphonner nos utilisateurs pour des services concurrents. Nous devons mieux réfléchir à quelles intégrations nous permettons et nous assurer que nous avons des échanges de long terme durables ». Ces problèmes ont été soulevés avec Zuck en octobre 2012.Conclusion de Zuck : "Nous ne devrions pas aider nos concurrents. La bonne solution est de renforcer nos règles et d’identifier nos potentiels concurrents".
Un article de NBC, cité dans le rapport, décrit la manière dont FB a identifié ces concurrents potentiels et leur a coupé l’accès à FB social graph.
Vine copie le Newsfeed ? 3 ans plus tard, il est mort.
En 2013, Facebook s’est plaint que Vine, acquis par Twitter en 2012 « copiait la fonction de Facebook News feed. » Facebook a donc bouté Vine hors des API Facebook. Et dégradé l’expérience Vine et réduit sa menace concurrentielle. Trois ans plus tard, Twitter fermait son appli vidéo.
Suite à un article erroné, Facebook fait presque disparaitre Stackla
Les actions de Facebook concernant Cambridge Analytica soulèvent des problèmes sur la régulation anticoncurrentielle au nom de la protection de la vie privée. En 2019, Facebook a privé Stackla de l’accès à son API prétextant du « data scrapping, contraire aux règles de Facebook ». Damien Mahoney, CEO de Stackla a contesté ces allégations : « Nous avions réalisé de très importants investissements les 12 mois précédents , levé 4M$ pour augmenter nos capacités de vente de 160 %. Et puis c’est arrivé.Cela a résulté d’un article erroné et Facebook n’a pas pris la peine de nous consulter avant de nous couper l’accès. Cela nous a presque obligés à fermer. Nous avions 75 employés et 35 % de croissance après 8 ans. Maintenant, nous sommes 26. Nos revenus ont chûté et nous continuons de supporter le contre coup de cette décision de Facebook. C’est révoltant et injuste. » (interview du 14 avril 2020 avec Damien Mahoney).
À cette époque, Facebook a eu dans le viseur Message Me qui utilisait le graph pour « retrouver ses amis ». Facebook lui a coupé l’accès à sa plateforme.
Un ancien employé de Facebook donne un exemple de torsion des règles pour se débarrasser d’un concurrent :"Dans un message mi- 2012, Zuck s’est alarmé d’une application qui s’appelle Ark. Cette application pouvait permettre de montrer du contenu à des personnes qui n’en avaient pas l’autorisation. Ark violait les conditions de Facebook sur l’utilisation de la data. Ark a été bannie de la plateforme pour 6 mois. C’était une punition très dure, des tonnes d’applications faisaient de même. La punition d’Ark a été la plus sévère parce que Zuck considérait Ark comme une menace pour Facebook, qui explorait la possibilité d’acquérir cette application à la même période"
À l'inverse, des « white list » traitent de manière préférentielle les sociétés amies. Ainsi, Facebook donne à Amazon un accès étendu à son API parce que la société dépensait de la publicité et des partenariats avec Facebook, pour lancer son téléphone Fire (un échec retentissant NDLR).Le directeur des investissements de Facebook demande : « Recevons -nous une commission sur les ventes réalisées ? » Réponse de l’employé : « Non, mais Amazon est un annonceur et travaille avec nous sur des intégrations profondes sur son téléphone ».
"Ne plus annoncer sur Facebook, c'est comme de se battre avec un seul bras"
70 Mds$ de revenus en 2019, 27 % de croissance d’une année sur l’autre. Facebook a le monopole de la publicité sur le social network. De nombreux participants à l’enquête présentent Facebook et Google comme le duopole du marché publicitaire.
David Heinemeier Hansson, le CTO et cofondateur de Basecamp un outil web de gestion de projet témoigne au Comité : «Chez Basecamp, nous avons décidé de nous passer de Facebook, qui viole la vie privée de ses utilisateurs. Mais se retirer, c’est la même chose que de se battre avec un bras caché dans son dos. Beaucoup sont obligés de faire de la publicité sur Facebook, même si cela viole leur éthique. Leurs concurrents le font, ils sont obligés d’y aller. Nous avons cédé de la croissance à nos concurrents parce que nous avons renoncé à faire de la publicité ciblée ».L’ARPU de Facebook est de 7,05$ dans le monde, et de 36, 49 $ aux USA et au Canada, en juillet 2020. En croissance de 26 % sur les cinq dernières années.Son premier concurrent, Snap, a un ARPU de 1,91$ et de 3,48 $ aux USA.Dans un doc pré IPO ,Facebook qualifie ses avantages en termes de reach, d’engagement et l’utilisation de l’identité réelle des gens. Facebook note que « Chaque jour sur Facebook, c’est comme le double de la finale d’American Idol »
Le CMA britannique (autorité de la concurrence) a estimé que Facebook et Instagram représentaient 50 % des revenus publicitaires en 2019 en Grande-Bretagne.Youtube ayant pour sa part entre 5 et 10 %. L’ACC en Australie estime aussi la part de Facebook sur le marché à plus de la moitié.
Atlas, l'outil quotidien et prioritaire des médiaplanners
Le 27 février 2013, Facebook a acquis Atlas, une plateforme pour les annonceurs qui mesure les performances publicitaires, pour 100 M$, à Microsoft. À cette époque, Atlas capturait la data pour suivre les conversions au travers des clics et des impressions. Amin Zoufonoun, VP corporate development de Facebook avait décrit à Sheryl Sandberg cette acquisition comme une façon «de donner à Facebook l’échelle pour retargetter, fournir des insights, faire du look alike,prouver l’efficacité de Facebook comme levier marketing et améliorer les audiences ciblées et les revenus associés ». Facebook Identity permet de cibler la personne au travers des navigateurs et des devices et d’activer de la data offline pour enrichir le marketing online. Le rachat d’Atlas permet de devenir un outil d’achat pour les mediaplanners, qu’ils allumeront en priorité chaque matin, et d’acquérir une base installée de pixels qui peuvent indiquer les conversions et attribuer ces conversions aux publicités.
navigateurs et des devices et d’activer de la data offline pour enrichir le marketing online. Le rachat d’Atlas permet de devenir un outil d’achat pour les mediaplanners, qu’ils allumeront en priorité chaque matin, et d’acquérir une base installée de pixels qui peuvent indiquer les conversions et attribuer ces conversions aux publicités.