Qui ?
Fredéric Montagnon, Président d'Arianee la plateforme NFT pour le luxe et la mode.
Quoi ?
Une interview sur l'état de l'art du Non Fongible Token (The next fucking thing, cf notre article) , consacré cet été par la levée de fonds record de Sorare (voir revue de web).
Comment ?
Que s'est-il passé cet été dans le domaine des NFT ?
Ca a explosé, dans le domaine de l'art mais aussi du divertissement. Il y a eu beaucoup de ventes d'objets. Et surtout, Sorare, un jeu en ligne autour du football, dans lequel les joueurs achètent, vendent, échangent et gèrent une équipe virtuelle avec des cartes de joueur numériques (NDLR : aurait fait une levée de fonds record de 500 M€ sur une valorisation de 4 Mds€, voir notre revue de web). Ces cartes de jours de foot connaissent une croissance plus rapide que celle de Google à ses début. Au dessus des collections, on peut créer des services et des lieux de discussion. Dans un autre domaine, si vous êtes fan d'un marque, et que vous possédez beaucoup de produits, vous pouvez aussi créer une façon de représenter votre profil avec certitude sur vos assets. On peut se servir des ces assets pour filtrer l'information.
Quel est l'objet d'Arianee ?
Nous nous sommes créés en 2017. A l'époque, personne ne comprenait le mot NFT. On ne prononçait même pas le mot. Nous pensions déjà qu'il fallait aider les marques à rentrer de manière native dans le digital. Aujourd'hui, Arianee est un consortium qui réuni une cinquantaine de marques, comme le groupe Richemont, Breitling ou Hermès. Avant, elles interagissent en surface, au travers des grandes plateformes Google et Facebook, qui collectent l'info des marques pour les servir. Le GDPR n'a pas redonné au public le contrôle de sa data : il accepte les conditions sans savoir le détail de ce qui est fait derrière.Notre protocole leur permet de créer des passeports numériques qui leur permet d'avoir un lien direct avec leurs clients. La troisième version d'Internet, après le Web et le 2.0, c'est de posséder des actifs numériques, une version digitale des objets dans le monde réel et de recréer un social Graph décentralisé.
Comment le NFT peut-il aider à rétablir la souveraineté ?
J'ai la quasi-certitude, depuis longtemps, que la manière dont les plateformes ont été construites pose problème. Une plateforme comme Facebook a pur but ultime de collecter de la data et de la monétiser, mais pas d'avoir des partenaires et de prendre soin de ses membres. C'est normal que Facebook soit dans cette situation aujourd'hui. Ce n'est pas la faute des gens, mais de la manière dont le produit a été dessiné. L'avenir des plateformes est d'être de plus en plus réglées et de plus en plus en contradiction avec leur écosystème. En revanche, avec la blockchain et les NFT proposent un monde décentralisé, avec à la base, pas forcément des structures, mais du code. Et un modèle économique d'assemblage. Chaque couche de la blockchain a son modèle économique, matérialisé par une crypto monnaie. Et derrière, cela nourrit un écosystème de manière naturelle. Certains sont convaincus que pour reconquérir notre souveraineté, il faut recréer des plateformes en Europe et arrête de faire confiance à Google et Facebook. Mais c'est trop tard pour s'y mettre ! On a essayé, on a investi beaucoup d'argent, pour faire semblant d'exister. Même si l'Europe était unifiée, nous ne pourrions nous battre contre les Américains et les Chinois. Et cloisonner nos frontières, ne plus se servir d'Apple, Google ou Facebook nous ferait perdre notre compétitivité. Mais il y a une chance : ces plateformes se font concurrencer par des plateformes décentralisées. Des sénateurs américains essaient en ce moment d'empêcher le développement des actifs numériques en proposant un cadre réglementaire impossible à appliquer. L'Europe a au contraire intérêt à investir ce monde où les Etats influent peu. Quand les Chinois et les Américains fournissent l'infrastructure de notre vie numérique, nous avons intérêt à ce que personne n'ait la main dessus. La loi Pacte du 22 mai 2019 a introduit le framework PSAN, prestataire de service en actif numérique. Cela existe depuis un an et demi et c'est bien dessiné. Mais les Etats continuent à se battre contre les cryptomonnaies. Les banques centrales ont passé les dernières années à avertir sur la volatilité de ce marché. Ce faisant, elles ont privé le public de mettre de l'argent dans ce qui a eu la meilleure performance. La beauté de ce domaine, c'est que le code fait la loi. Ce n'est pas comme des Uber, qui opèrent brusquement un pivot...Ces blockchain sont régies par le code, il faut les auditer. Regarder la façon dont les systèmes sont fabriqués, plutôt que de faire confiance à des gens.