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Elon Musk : back in the XIXth

Qui ? 
Jean-Sébastien Hongre, Pdg de Humanskills (Aravati, Team Inside, Elevate, Monsieur Guiz, La relève, The Good Will)
Quoi ? 
Les derniers épisodes de Musk dans sa gestion des ressources humaines de Twitter évoquent Zola au temps des robots. Démonstration.

Comment ?
Il y eut un temps ou la Silicon Valley faisait rêver. Les start-up offraient l’opportunité de construire le monde de demain. L’autonomie, la qualité de vie et l’épanouissement professionnel donnaient un gros coup de vieux à la dite « vieille économie ». Les patrons du nouvel eldorado digital lâchaient le costume cravate, se montraient accessibles, visionnaires, nouveaux explorateurs d’un monde en gestation. L’argent coulait à flot.
Mais ce qui était diversité et foisonnement donna naissance à  quelques monstres indétrônables comme Google ou Meta. Le monde du numérique se mit à rétrécir.  Des patrons à l'optimisme sans limite, sûrs d’eux, les nouveaux maîtres de nos destins furent célébrés.
La récente affaire Twitter en est l’illustration tragique. Après avoir renvoyé 50% des effectifs, Elon Musk a envoyé un mail à tous ses employés leur imposant un ultimatum : continuer à oeuvrer chez Twitter dans des conditions «extrêmement hardcore»  ou quitter l'entreprise. Des centaines d’employés ont refusé l’ultimatum et sont partis vers d’autres horizons.

Un dégraissage triomphant
Et voici donc qu’un plus haut responsable de la Silicon Valley se comporte comme un patron d’une mine de charbon du XIXème siècle. Germinal, mais à l'abri des écrans, qui permettent  à Elon Musk de ne pas annoncer ces décisions en présence des centaines de salariés (de leurs tomates pourries, de leurs coups de poing).

Pourquoi fait-il cela ?  Excès de confiance? Hubris débordant?  Ou manœuvre en trois bandes pour vider le capital humain le plus rapidement possible (et améliorer le P&L), tout en sortant du chapeau une IA qui remplacera tout le monde dans quelques semaines ? Est-ce l’avenir de la tech ? Un nouveau monde débarrassé de tous ces gens qui ont besoin de dormir, manger, élever une famille , de... vivre. ?

Dans les entreprises, les « dégraissages » ont toujours été affaire de discrétion honteuse, pour ne pas tuer la marque employeur et envisager l’avenir, une fois la crise passée. Le bruit court d’ailleurs que dans cette fameuse silicon Valley, entre 10 et 20% des postes seraient en cours de sortie “discrète” et négociée.

Avec Elon Musk, rien de tout cela. La brutalité est assumée, glorifiée, mise en résonance sur Twitter. On se demande alors, après ce déballage,  comment toutes ses autres entreprises parviendront désormais à recruter. 

Que pensent les syndicats allemands de Tesla de ces méthodes ?
En effet, la marque employeur Elon Musk est abimée. Y compris dans ses autres sociétés. On peut ainsi s’interroger sur la réaction des syndicats allemands présents dans les usines d’assemblage de la Tesla en Allemagne, près de Berlin. La culture du consensus social y est aux antipodes des méthodes d’Elon Musk.

Alors quoi ? Que va devenir Twitter ?
Comment vont réagir les annonceurs à l’heure où la Responsabilité Sociale des Entreprises gagne en puissance partout ? N’est-ce pas se rendre complice, pour une marque, d’investir un budget publicitaire dans une entreprise aux méthodes sociales dignes du XIXème siècle ? On songe en contre-exemple à bien des entreprises qui pendant le covid ont patienté et conservé au maximum leur forces vives. Les récents chiffres d’Air France montrent que cette stratégie lui a récemment permis de prendre de nombreuses parts de marché face à ceux qui, ayant dégraissé, n'avaient plus les ressources pour assurer les vols (un pilote doit s'entrainer six mois avant de reprendre le manche). On pense aussi à ce supplément d’âme gagné par Accor avec son fonds de solidarité…

Capital humain ou capital ? 
Dans beaucoup d’entreprises, au-delà des process et des outils, le facteur clé de succès désormais, c’est le capital humain. Il semblerait que chez les plateformes, ce soit l’inverse. Ainsi, chez Amazon, aux USA, la règle en termes de ressources humaines serait  de virer 10 % des effectifs tous les ans. Une obligation. Du coup, les assistantes, plus faciles à remplacer que les ingénieurs, servent de variables d’ajustement.  

Remplacer l’humain par les machines, s’en servir comme variable d’ajustement pour une efficacité mesurée au cordeau  est peut-être  un pas vers le transhumanisme, un monde parfait, de 0 et de 1, sans poésie ni émotion, froid comme la vitre d’un écran, raide comme un câble HDMI, silencieux comme le vide sidéral ; dans ce monde, la mort semble avoir été vaincue ;  en réalité, elle triomphe.
Est-ce cet avenir que nous voulons ?
Finalement, je préfère penser que le cas Twitter n’est qu’une conséquence de l’ “égo trip” surdimensionné de son nouveau patron. En somme un cas isolé qu’on oubliera vite. 

C’est bien plus rassurant…
 Jean-Sébastien Hongre 

https://twitter.com/sivavaid/status/1593556046148141058?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1593556046148141058%7Ctwgr%5E044bc0f018a2b56d25218c29535ecc303e22088b%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.petitweb.fr%2Fwp-admin%2Fpost.php%3Fpost%3D80814action%3Dedit

 

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