Qui ?
Mark Curtis co-fondateur de Fjord, le studio de design d’Accenture Interactive.
Quoi ?
Les tendances annuelles du cabinet de design d'Accenture, comment elles sont mitonnées, à quoi elles servent et ce qu'elles veulent dire. Petit conseil : lisez ce papier à partir de la fin, car la tendance la plus importante est la dernière...
Comment ?
Voila 12 ans que Fjord édite ses tendances. Au début, elles étaient surtout d'ordre technologique, autour du mobile, des tablettes. Mais depuis quelques années, elles s'attachent à décrire les mouvements sociaux que dessine le digital. Chaque automne, Fjord interroge 1 000 designers de ses 28 studios, sur les tendances à 1 ou 2 ans en design, innovation et digital. "Ils nous abreuvent de visuels et de mots. Cette masse d'information est ensuite traitée avec l'outil d'UX design DScout.
Chaque studio retravaille ensuite ses tendances de manière nationale, et nous sélectionnons les 2 ou 3 meilleures. Une réunion Skype permet ensuite de présenter cette sélection et de faire des liens entre tout ce qui est présenté. Nous recherchons alors des preuves qu'il s'agit d'une tendance lourde." La présentation de ces tendances permet ensuite aux studios de rencontrer les décideurs en entreprises, clients et prospects. "Cela nous donne des pistes de chantier de travail autour d'un thème pour eux. Mais nos clients l'utilisent aussi comme source d'inspiration, pour penser le monde et savoir comment y réagir". Enfin, ces tendances ont aussi une vertu en interne : "Elles donnent à nos équipes un langage commun partout dans le monde. C'est une sorte de grue interne pour une organisation dispersée".
1. Silence is gold
Le public veut se retirer progressivement de l'emprise des écrans. Les grands acteurs de l'IT, comme Google ou Apple, en sont conscients et donnent des outils pour mieux mesurer son temps d'écran. "C'est un défi important. Car jusque là, nos clients avaient l'habitude d'emprunter toutes les voies possibles pour communiquer avec les consommateurs".
2. The last straw
Slush a présenté la paille en matière recyclable et la Chine bannit les sacs plastiques. "Il ya bien sûr une remise en cause du plastique. Mais selon nous, cette prise en compte du changement climatique va affecter tous les produits physiques dans l'industrie et le design."
3. Data minimalism
GDPR + Cambridge Analytica + hack en série = grand frein sur la collecte des données. "Le problème c'est la asymétrie de la data, qui a une grande valeur quand elle est assemblée, mais une faible valeur individuelle. La réponse du public consistera probablement à minimiser la data qu'il donnera aux plateformes".
4. Ahead of the curb
"C'était spectaculaire lors de ma dernière visite à Paris en septembre dernier. La trottinette, le vélo, le scooter électrique ont pris le pouvoir. Bird est valorisée 1,2 Mds$. Son trajet moyen este 1,4 miles. Il y a un mouvement insatiable de demande de livraison de dernière minute. L'app Whim se présente ainsi comme le Netflix du transport...
5. Inclusivity paradox
"Les organisations travaillent sur des segments démographiques larges, qui ne correspondent plus à la façon dont les gens se considèrent eux-mêmes. La façon dont les personnes prennent des risques avec l'argent, par exemple, n'a rien à voir avec leur CSP. Il s'agit d'aborder l'état d'esprit du consommateur. C'est difficile à faire. L'IA devrait rendre cela possible dans les prochaines années." Et puis, après #Metoo, les marques doivent vraiment investiguer si elles sont inclusives.
6. Space odissey
Les boutiques ont beaucoup souffert ces dernières années. Mais, elles ont peu transformé le lieu de vente. Ça change, sous l'impulsion d'acteurs comme Hema, en Chine, ou Nike, à LA. Les centres commerciaux évaluent leurs revenus en prenant en compte le critère "eye balls". De la même manière que les annonceurs évaluent la publicité ! Il s'agit de faire de la publicité expérientielle, c'est beaucoup plus large que le commerce". Du côté des bureaux, "les entreprises ont désigné des hub d'innovation, mais leurs employés qui visent ces hubs disent à l'entreprise que c'est comme cela que tout le monde devrait travailler". Et c'est ainsi que WeWork a démarré cette année une activité de consulting, qui se fonde sur les datas de tous ses espaces...
7. Synthetic realities
"C'est la tendance la plus difficile à expliquer. Mais aussi la plus importante à mes yeux." le Generative Adversarial Network (GAN, de son petit nom) existe depuis 3 ans. Mais, ça accélère très fort depuis un an. Vous connaissez la fake vidéo d'Obama ? C'est du GAN. Cette techno peut créer le pire : un monde entièrement faux, un dark web. Et le meilleur. Imaginer des produits et services qui n'existent pas. "Ça va débouler très vite en publicité et marketing. On pourra créer des personnages sans recourir aux mannequins, et leur environnement, sans faire travailler de photographe. Et surtout, on pourra imaginer des idées sans aucune limite du monde réel". A l'heure qu'il est, on ne sait pas si ça nous fait envie ou si ca nous fait peur...