Qui ?
Franck Gervais, Directeur Europe d'Accor
Quoi ?
La genèse de l'opération Covid la plus spectaculaire de la semaine : l'ouverture de certains hôtels du groupe au personnel hospitalier, aux personnes SDF, et bientôt aux femmes battues.
Comment ?
Comment est née cette opération ?
Toute l’année, même si ce n'était pas très connu, nous faisons du logement social dans les F1, Ibis et Budget. Nous sommes ainsi en lien avec le SAMU social et les préfectures. Depuis le début de la crise, nous avons pensé que les SDF, qui sont dans la rue ou dans des hébergements collectifs, étaient une population qui cumulait les risques. Nous nous sommes demandés comment créer plus de places dans nos hôtels, en en ouvrant pour accueillir des SDF. Mais pour cela, il nous fallait convaincre les propriétaires des hôtels (car Accorhotels ne possède plus les murs de ses établissements). Et les rassurer.
Comment avez-vous rassuré les propriétaires, alors ?
Nous les avons rassurés sur trois points. Les conditions d'exploitation, d'abord : deux tiers des hôtels ont été refaits. Si l'hôtel est dégradé, l'Etat s'est engagé à le réparer. Nous avons signé une charte d'exploitation et d'accueil. Les SDF ne peuvent aller dans nos hôtels avec leurs animaux.
La charte s'engage à limiter l'accueil pendant la période de confinement. Les directeurs opérationnels ont démystifié l'accueil de ce type de population pour les hôtels qui n'en avaient pas l'expérience.Enfin, il fallait uniformiser les pratiques en matière de prix. Nous avons établi une grille tarifaire unique qui prend en compte les frais d'exploitation (30 € pour les F1, 40 € pour les 1*, 50 € pour les 2*. Aucune marge n'est faite sur cette opération.Côté organisation, au début, nous devions centraliser les appels des préfets, du Samu social, du cabinet ministériel. Cela ne pouvait pas tenir dans le temps. Nous avons créé CEDA (Coronavirus Emergency Desk Accor), pour centraliser les besoins et proposer, en lien avec les propriétaires du Groupe Accor et les autorités concernées des solutions d’hébergement sur tout le territoire. Cette plateforme permet de traiter rapidement les besoins exprimés et les situations d’urgence, elle met en relation offre et demande.
Qui paie quoi ?
Pour les SDF, c'est la préfecture qui prend en charge. Pour les médecins, l'APHP. Avec une formule qui permet de ne pas faire de note de frais, il s'agit juste de réserver sa chambre. Idem pour le personnel militaire. Le personnel médical et les militaires sont logés d'un côté, les SDF, de l'autre.
Comment s'est monté l'opération dans le temps?
Il y a deux semaines nous avons entamé les discussions avec les propriétaires d'hôtel. Une cinquantaine d'hôtels se sont portés volontaires, soit 1 500 chambres. A ce jour, vendredi, 600 sont occupées. Cela a beaucoup mobilisé l'interne. Pour ce qui me concerne, cela m'a pris 40 % de mon temps.
Cette action est aussi une manière de marquer les esprits pour les dix prochaines années...
Effectivement, le public devrait s'en souvenir. Je suis persuadé que cette crise va s'accompagner d'une véritable mutation de la consommation. Le public va vouloir consommer local, redécouvrir l'intérêt des destinations proches. Les consommateurs vont devenir avant tout des citoyens qui achètent.