Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

B. Gié : « Nous devrions percevoir 2 Mds € de Google et Facebook, nous en percevons 50 M ! »

Qui ?
Bertrand Gié, directer du pôle news et président du Geste.

Quoi ?
Sa réaction à l'étude publiée vendredi par Le Poynter Institute, qui estime ce que devraient payer les plateformes aux médias, n'eut été leur monopole et les négociations éparpillées.

Comment ?
Dans le monde entier, les éditeurs essaient d'estimer ce que Meta et Google leur doivent pour les infos qu'elles fournissent à leurs audiences. C'est une tâche compliquée : il n'y a pas beaucoup de données disponibles sur le comportement des publics. Et le manque de concurrence explique que le prix payé par les plateformes soit artificiellement bas. La nouvelle étude de Poynter, une école de journalisme et un organisme de recherche, basés en Floride, publiée ce vendredi, estime que Google et Meta doivent aux éditeurs américains entre 11,9 et 13,9 Mds$ par an (voir notre papier). Bertrand Gié, directeur du pôle news du Figaro et président du Geste, pôle de rassemblement de centaines d'éditeurs de contenus et de services, qui constitue le vecteur privilégié de sensibilisation des pouvoirs publics aux enjeux de régulation du numérique. Il nous livre son analyse :

1° constat : les plateformes paient un centième de ce qu'elles devraient.
"Cette étude montre que le problème du partage de valeur, qui était l'objectif de la loi sur les droits voisins, n'a pas été résolu. Pendant que Google fait 15 milliards de dollars de résultat chaque trimestre, des journaux continuent de fermer. L'étude Poynter estime à 12 milliards de dollars par an ce que Meta et Google devraient reverser aux éditeurs. Le marché français représente 1/6 du marché américain, en nombre d'habitants. Si l'on suit cette étude, Google et Facebook devraient donc nous reverser 2 milliards. Or, nous estimons que l'ensemble des plateformes nous reverse... 50 M€. Au travers de cette étude, on voit bien que la valeur de l'information est immense pour les moteurs de recherche. Et on ne parle pas de l'IA qui se nourrit de ce qui est créé par les sites de news. Le corollaire de cela, c'est le problème de la qualité de l'information et des problèmes immenses que la prolifération des fake news pose à nos sociétés.

2° constat : les plateformes s'éloignent de la collaboration avec les sites de news.
Elles mettent beaucoup moins en valeur les sites de news. Google limite la présente des sites d'information dans son search. On voit le trafic issu du search diminuer. Le moteur met en première position des extraits de plus en plus larges. L'objectif est d'avoir la réponse à sa question sans quitter Google. De son côté, Facebook ne permet plus de partager un lien vers un site d'actualité au Canada. Il s'apprête à arrêter Facebook News et sa rémunération afférente. La plateforme se dirige vers un flux de vidéos, qui imite Tik Tok. Twitter a aussi supprimé les liens vers les sites d'info. Il y a un éloignement tectonique des plateformes. C'est très inquiétant.

3° constat : la loi est insuffisante.
Les accords négociés par l'alliance digitale et le bureau des droits voisins sont de petits accords. Et il a fallu se battre pour cela, puisque nous avons dû assigner Google devant l'Autorité de la concurrence. Il faut renforcer l'arsenal législatif. Et notamment prévoir dans la loi ce qui se passe en cas de désaccord, envisager le recours à l'arbitrage, comme c'est le cas en Australie. Est-ce qu'il faut nommer un régulateur ? Tout cela prend du temps. Et le temps joue en faveur des plateformes."

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