Qui ?
Anne Le Hénaff, députée du Morbihan et Bertrand Leblanc-Barbedienne éditeur de Souveraineté tech et organisateur du sommet de la souveraineté numérique .
Quoi ?
Ses 10 recommandations pour renforcer la souveraineté numérique, formulées à la demande de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes (CSNP), une commission parlementaire mixte - le rapport intégral a été publié le 12 septembre ici. Critiquées par l'organisateur du sommet de la souveraineté numérique du vendredi 29 septembre prochain (renseignements et inscription ici).
Comment ?
Un groupe de travail a été mis en place et précise qu’il « s’est efforcé, tout au long des auditions qu’il a menées, d’identifier et de définir des mesures concrètes et réalistes ». Le rapport intégral est publié ici. Nous en faisons la synthèse ci-dessous#.
Pour Bertrand Leblanc-Barbedienne, qui organise le sommet de la souveraineté numérique vendredi 29 septembre, à Saint Malo (renseignements et inscriptions ici), c'est un rapport dilatoire, qui ne saisit pas l'urgence de la situation : "Tout ce qui alimente la réflexion et suscite l'action en matière de souveraineté numérique est bienvenu. L'acuité des dix points qui constituent ce rapport est certes incontestable. Mais que pèseront-t-ils effectivement dans le processus exécutif ? Il n'est pas taquin de rappeler que Madame Le Hénaff appartient à la majorité présidentielle, qui pourrait très bien porter un projet de loi sur le sujet. Nous devons nous préoccuper d'action immédiate. Il faut comprendre le degré d'urgence absolue dans laquelle se trouve notre pays. Cela me fait songer au poème de l'abbé de Lattaignant, Le Mot et la Chose. À la nuance près que nous ne parlons plus de ce mot de souveraineté, que parce que la chose a littéralement disparu ! Aussi, nolens volens, les auteurs de cet énième rapport jouent la carte du processus dilatoire. Le ministre Jean-Noël Barrot a employé des termes très clairs et très audacieux sur le sujet. Ce sont ces propos-là qui devraient commander l'action publique dès aujourd'hui. Il a dit textuellement, le 6 mars 2023 à l'occasion d'une conférence organisée par l'Institut IDFrights que dirige Jean-Marie Cavada : "Oui, la priorité doit être donnée aux entreprises françaises et européennes, mais les entreprises étrangères sont bienvenues si elle respectent nos principes." Donner la priorité aux entreprises françaises. Quel beau cap à suivre, n'est-ce pas ? Mais en attendant de voir cette politique à l'oeuvre, une chose est certaine : nous porterons le deuil de notre souveraineté numérique tant que les si précieuses données de santé des Français seront hébergées sur des serveurs américains de Microsoft Azure. Il semble même promis comme une scabreuse fatalité, que celles de tous les ressortissants de l'Union européenne finissent au même endroit, puisque c'est le Health Data Hub français qui conduit le projet du European Health Data Space. Nous ne pouvons décemment pas laisser le corps politique européen exposé au virus que constitue la loi extra-territoriale américaine. Ou alors nous devrons cesser d'invoquer les mânes de la souveraineté à tout jamais"
#Pour rappel, neuf personnes (neuf hommes, NDLR), ont été interrogés : Aymeric Bonnemaison, Commandant de la Cyber-défense au Ministère des Armées , Marc Darmon, Directeur général adjoint en charge des systèmes d’information et de communication sécurisés chez Thalès, Jean-Noël de Galzain, Président, Hexatrust (cloud), Michel Paulin, DG, OVH Cloud, Pr Kavé Salamatian, Professeur spécialisé sur les enjeux géopolitiques, Université de Savoie, Vincent Tejedor, Directeur général du numérique au Ministère des Armées, Olivier Vallet, Directeur général, Docaposte, Henri Verdier, Ambassadeur pour le numérique, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Mathieu Weill, Directeur du numérique au Ministère de l’Intérieur
Résultat des courses : dix recommandations.
Recommandation 1: Les données sensibles détenues et gérées par les administrations et établissements des collectivités territoriales, les établissements de santé et les universités, sont identifiées. Lorsque cette cartographie aura été réalisée, ces données pourraient se conformer aux exigences posées par la circulaire du 31 mai 2023 sur « le cloud au centre ».
Recommandation 2: L’extension du rôle des préfets afin qu’ils s’assurent que les données sensibles des collectivités territoriales et de leurs établissements soient bien hébergées dans un cloud souverain. Un volet numérique pourrait être intégré au plan communal de sauvegarde numérique (PCS numérique). Ces nouvelles attributions seraient accompagnées d’un renforcement de leurs moyens en cohérence avec la mise en œuvre des textes européens (Directive NIS2, Data Act), notamment en termes de calendrier.
Recommandation 3: L’accompagnement des plus petites collectivités, des établissements de santé et des universités qui ne disposent pas des moyens financiers et humains suffisants pour la mise en conformité avec la législation sur l’hébergement des données.
Recommandation 4 : Un code des marchés publics simplifié intègrerait davantage la nécessité de souscrire à des solutions numériques souveraines, pour ne pas dissuader les nouveaux acteurs du numérique de répondre à des appels d’offre jugés trop complexes.
Recommandation 5 : Le CSF Numérique de confiance formule des propositions concrètes afin de trouver des solutions souveraines intégrées qui permettraient de répondre aux attentes des acheteurs publics.
Recommandation 6 : Les autorités françaises portent avec force et vigueur, auprès de la Commission européenne et des autres Etats membres, l’adoption d’un « Buy European Tech Act » et d’un « Small Business Act » dans les meilleurs délais.
Recommandation 7 : Le chef de l’Etat et son Gouvernement présentent, en début de quinquennat, une feuille de route sur la stratégie politique garantissant la souveraineté industrielle et numérique de la France. Un suivi annuel devant les assemblées interviendrait à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances ou dans le cadre des débats annuels du Printemps de l’évaluation.
Recommandation 8 : Le Gouvernement s’engage à inscrire, dans chaque projet de loi de finances, une ligne budgétaire consacrée à la souveraineté numérique et à sa mise en œuvre ainsi qu’un document budgétaire retraçant l’effort de l’Etat en la matière (« jaune budgétaire »). Pour une meilleure lisibilité du financement au pilotage et au soutien apporté au numérique au niveau territorial .
Recommandation 9 : La création d’un Conseil de défense de la stratégie numérique, auprès du Président de la République.
Recommandation 10 : Les enjeux et dossiers relatifs à la souveraineté numérique sont directement rattachés aux attributions du Premier ministre et suivis par ses services.