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Pourquoi les pure players misent sur la pub télé

Qui ?
David Larramendy, directeur général de M6 Publicité (en photo), Guillaume Charles, directeur général adjoint de M6 Publicité, Hamid Benamara, directeur général de Lesfurets.com, Anthony Ravau, président de MyMedia, Antoine Huvé, fondateur de Cherchemonnid,  Michelle Lamberti-Ceaux, directrice marketing d'Uber France, Yann Carron, directeur marketing et commercial de Boxtal, Jean-Claude Ghinozzi, directeur commercial et marketing de Qwant, Elodie Gaussares, directrice marketing et e-commerce de MonAlbumPhoto.fr.

Quoi ?
Le compte-rendu du Grand Format "TV to Web, quand la télévision convertit", organisé par Petit Web et M6 Publicité.

Comment ?

Alors que les propos déclinistes se multiplient pour expliquer que la publicité "télé" perd de son influence à l'heure du digital, les acteurs du numérique la réhabilitent au contraire avec ferveur. "Il n'y a qu'un média au monde qui permet de devenir numéro 1 sur un marché, c'est la TV" estime ainsi Anthony Ravau, le Président de l'agence MyMedia. Et de citer l'exemple de Booking.com, l'un des tous premiers clients de Google. "En créant une vraie plateforme de marque et en investissant en TV, Booking.com a pu sortir de sa Google-dépendance. Uber a fait la même chose."

Un moyen d'installer des marques, rapidement

Le 1er janvier 2007, le jour où les distributeurs ont enfin eu l'autorisation de faire de la publicité à la télévision en France, MisterGoodDeal était parmi les premiers annonceurs. Et ses investissements n'ont pas faibli. Pour cause : avant de le revendre à Darty, M6 avait acheté le site e-commerce en 2006. "Nous sommes passé de 70 millions de CA en 2006 à 140 millions en 2017" raconte David Larramendy, l'un des co-fondateurs du site, désormais à la tête de M6 Publicité. Même histoire pour MonAlbumphoto.fr : après son acquisition par M6, son chiffre d'affaires est passé de 3,5 millions d'euros en 2010 à 25 millions d'euros. "Un CA multiplié par 8 en 3 ans, alors que la start-up avait la même équipe de management et vente. La seule différence c'est l'impact de la TV."

Antoine Huvé, fondateur du site immobilier Cherchemonnid.com, a investi 70% de sa trésorerie dans la publicité TV. "Au-delà du trafic direct et du volume généré par la télévision, nous avons surtout 15% des visiteurs qui vont au bout de leur recherche et s'inscrivent". Dos au mur, la start-up a fait ce pari pour donner rapidement des preuves à ses investisseurs, et les inciter à mettre plus de fonds. "La télévision nous a permis de monter en volume pour montrer que les pros s'abonnaient."

De son côté, Hamid Benamara, DG du comparateur d'assurances Lesfurets.com s'est lancé en télé en 2012, s'inspirant de sa société sœur anglaise Comparethemarket, qui investit chaque année 100 millions de livres en télévision (en brut). "Ils sont devenus numéro un, car ils ont une vision de long terme" explique-t-il. "Aujourd'hui, chaque euro investi nous rapporte plus d'un euro. Nous avons 50% de notoriété spontanée et nous sommes leader sur le marché de la comparaison d'assurance avec 40% de part de marché."

Même en BtoB, la télévision installe la marque. "Avant, Boxtal s'appelait envoiemoinscher.com, on comprenait instantanément. Le format TV nous donne le temps de passer notre message et on assume le gros message promo sur le dernier écran du spot de 20 secondes, avec le -75% qui clignote. Il faut émerger rapidement." explique Yann Carron, le directeur marketing et commercial de Boxtal. La campagne visait les "petits pros", du libraire à la vendeuse de bijoux sur Etsy. Des cibles touchées en soirée et pendant les week-ends.

De nouveaux outils de mesure

Pour suivre les performances de la publicité télé, les modèles sont encore statistiques et n'ont pas la granularité des reportings de la publicité en ligne. Mais des solutions existent pour aller au-delà du GRP, l'indicateur traditionnel du secteur, comme celle d'Holimetrix. "C'est d'abord des maths, on comprend le comportement normal d'un site en termes d'audience, puis on détecte des anomalies qu'on corrèle à des événements, notamment aux spots publicitaires. Mais cela reste des probabilités : on parle de potentiels exposés TV, il n'existe pas de lien de tracking", explique Franck Farrugia.

Pour suivre la performance, Hamid Benamara a mis en place chez LesFurets.com un modèle économétrique à 114 variables. "En 2 ans, la TV a amélioré et fiabilisé ses outils, mais il y a encore une marge de progression." La prochaine étape souhaitée par cet annonceur dans la mesure de la performance ? Un meilleur suivi dans le temps : "on peut regarder la génération de trafic entre 3 et 15 minutes après la diffusion du sport, mais chez LesFurets.com on observe aussi des pics de trafic le lundi et mardi, que l'on attribue aux spots du weekend."

Avec 19 millions d'inscrits sur M6 Replay, où le login est obligatoire, et une Data Management Platform couvrant l'intégralité des actifs numériques du groupe, M6 lie les données d'Holimetrix au reste du parcours. "Nous sommes capable de mesurer la valeur d'un client sur une période plus longue, en conciliant les données de l'annonceur et les données de 6Play" explique Franck Farrugia. Prochain objectif : s'affranchir du cookie, un identifiant de plus en plus remis en cause. Dans l'univers de la télévision classique, les téléviseurs connectés pourraient fournir de nouvelles informations, grâce à leurs adresses IP, et permettre ainsi de sortir des modèles probabilistes.

Donner du temps au temps

Pour Hamid Benamara, la publicité télé a un avantage sur le search, puisqu'elle construit l'image dans le temps. "Si on arrête du jour au lendemain nos investissements, le dispositif continue de délivrer du volume, car la marque est devenue un actif, elle est installée. Ce n'est pas le cas quand on base toute sa stratégie sur le search. Tout peut s'écrouler en un jour."

Jean-Claude Ghinozzi, directeur commercial et marketing du moteur de recherche Qwant, a aussi l'ambition de développer la notoriété de sa marque dans la durée. Le premier film, conçu par Hémisphère Droit et le réalisateur Alexandra Aja pour une diffusion internationale a coûté plusieurs centaines de milliers d'euros. Un second est en préparation pour toucher une cible plus féminine, qui ne s'est pas forcément reconnue dans le premier. L'annonceur investit aussi en ligne, de manière complémentaire, avec des vidéos plus explicatives pour évangéliser. "Nous suivons les résultats grâce à Holimetrix et on peut modifier la planification à J+1."

L'impact de la télé sur la marque est plus difficile à mesurer. Arrivée en mai 2017 à la tête du marketing d'Uber France, Michelle Lamberti-Ceaux mesure en ce moment les retombées de la campagne TV et vidéo de la rentrée. "L'actualité d'Uber est souvent discutée dans les diners en ville, nous avons choisi de nous adresser à une cible large, avec pour objectif l'amélioration de la réputation de la marque." La mesure de la performance se déroule en trois étapes. La compréhension du message et le souvenir sont analysés à travers les conversations sociales et via l'application YouGov. Uber mesure aussi le développement du "brand love" avec un baromètre mensuel Ipsos, intégrant des indicateurs de préférabilité. "Enfin, on regarde aussi l'approche business notamment à travers l'intention d'achat, les barrières à l'achat et l'ouverture des comptes", indique Michelle Lamberti-Ceaux.

Les premiers résultats indiquent une meilleure performance du format 1 minute dans 70% des cas. Ce format a été privilégié en TV et au cinéma, mais aussi sur les plateformes de VOD et de vidéos en ligne, même s'il a aussi été adapté en 30 secondes. L'évolution du souvenir publicitaire a crû de 9 points en un mois sur YouGov.

Quel coût par visite ?

Pour la plupart des annonceurs, le coût d'un contact télévision est supérieur à celle du digital. "Mais il faut prendre en compte d'autres éléments : le reach plus massif et le prix de la rémanence", note Jean-Claude Ghinozzi. "D'ailleurs, attention, quand on annonce en télévision, il faut que vos sites et applications soient en béton pour absorber les pics de trafic qu'apporte la télévision", prévient Guillaume Charles.

Pour autant, fini le temps où la télé était forcément hors de prix pour les petits acteurs. MyMedia estime la performance ultime à 30 centimes la visite ! Solendro, le site de sous-vêtement masculin, a démarré avec 20 000 euros de budget TV, raconte Anthony Ravau. "Grâce à cette campagne, la start-up a réalisé 120 000 euros de chiffre d'affaires supplémentaires, puis en misant 200 000 euros, elle a généré un million."

Pour s'imposer très rapidement sur un marché, la télévision offre la possibilité de construire rapidement une marque. Zalando par exemple s'est lancé très rapidement, avec des coûts d'acquisition très maîtrisé. "La marque a réalisé 150 millions de chiffre d'affaires en deux ans, en optimisant au mieux le online et le offline. Le budget de test était de 200 000 euros et dès le premier spot, on a vu les premières commandes." Quel que soit le ticket d'entrée, la rémunération de l'agence reste fixe. "Le taggage et la préparation de la campagne est important, on ne fait pas de variable."

Si la plupart des pure players optent pour un accompagnement par une agence médias, certains travaillent en direct les chaines. Yann Carron de Boxtal collabore avec une agence lilloise complètement intégrée sur la partie créa et négocie en direct avec le groupe M6. Aucun "tarif start-up" comme il en existe dans l'univers musical, mais le groupe a construit tout un écosystème pour accompagner les jeunes annonceurs, avec notamment M6 Unlimited, une agence intégrée proposant les services de planneurs et de créatifs pour concevoir et médiatiser la création publicitaire.

De nouvelles techniques créatives

A la tête de M6 Unlimited, Ronan Dubois accompagne les jeunes start-up mais aussi les grands groupes comme Procter & Gamble. "Notre premier conseil d'efficacité publicitaire est de définir un objectif clair. Soit on travaille sur la notoriété, soit sur le drive-to-web. Il faut faire un choix, pas un compromis."

La nouvelle campagne de MonAlbumPhoto.fr a été réalisée par la structure, et elle est résolument orientée "drive-to-web". Le son du clic de l'appareil photo arrive dans les deux premières secondes et le logo est incrusté pendant toute la durée du spot. "Il faut que le téléspectateur comprenne directement de quoi on parle. Notre marque est une url et la voix off la répète deux fois en précisant bien le .fr," analyse Elodie Gaussares, directrice Marketing et e-commerce.

"Pour les pure players qui ne se matérialisent qu'à la télévision, le storytelling est important pour construire de la proximité." MonAlbumPhoto.fr a choisi le thème de la famille et des environnements féminins comme les émissions de télé-réalité sur W9 pour annoncer. "Les gens suivent ces émissions régulièrement et nous voient d'un épisode à l'autre sur différents spots, cela permet de raconter une histoire." Pour ralentir l'usure des spots, MonAlbumPhoto.com a une communication fil rouge et quelques originalités de formats. Le film d'une minute est découpé en spots de 10 secondes, dont les packshots évoluent en fonction des promos et des fêtes.

"En ce moment, nous montrons des bébés avec des bonnets, des calendriers pour les fêtes. On réalise un monitoring très précis, et on regarde aussi le contexte global de diffusion, par exemple la météo, car elle joue contre nous. Quand il fait beau, les gens ne font pas d'album photo." La nouvelle création génère 20% de trafic supplémentaire par rapport à l'ancienne. "Sur le trafic acquis, il y a 60% de nouveaux clients qui commandent contre 40% avant."

"La créa, c'est aussi faire preuve d'audace", rappelle Hamid Benamara. La marque LesFurets.com a fait rire dans un premier temps les concurrents, mais elle a permis l'émergence. "Une créa qui se démarque fait économiser de l'argent, si les gens la mémorisent immédiatement." Boxtal a même réussi à en tirer de la visibilité gratuite en faisant le choix d'une créa low cost, filmé avec de vrais clients. "Nous n'avons pas rémunéré les volontaires, les personnes étaient sincères et ont même fait rayonner la campagne dans leur entourage", raconte Yann Carron.

Prochaine frontière de la création, l'interactivité dans le spot TV ? "Il y a des mythes et des réalités. La télé est un média émotionnel d'immersion et l'outil d'interactivité, c'est le smartphone", conclut Guillaume Charles.

Monelle Barthélemy

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