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Pourquoi et comment Netflix va piocher en priorité dans les budgets télé

Qui ?
Adrien Vincent, Dg d'Ermes (spécialiste de la data et l'achat programmatique), et Nicolas Jaimes, rédacteur en chef de Minted.

Quoi ?
La nouvelle offre Netflix , détaillée par Minted, et son analyse par le spécialiste de l'achat programmatique.

Comment ?

Adage, Digiday, Minted : la nouvelle politique publicitaire choisie par Netflix en juin, commercialisée par Microsoft via Xandr, la plate-forme d'achat programmatique qu'elle venait de racheter, fuit dans les médias. Nous avons donc synthétisé l'info disponible et demandé à Adrien Vincent de les commenter. Face à la stagnation de son nombre d’abonnés, à la concurrence  de Disney et Amazon, et à la hausse de ses investissements dans les programmes, Netflix perd sa religion et introduit la publicité sur sa plateforme, dans un mois, donc,  dans 12 pays, dont la France.

Aux USA, la pub est vendue 65 euros du CPM, mais 49 euros  pour 30 secondes. Plus du double du tarif  MyTF1 et 6play  Netflix impose aux annonceurs un investissement annuel minimum. Un ticket minimum estimé par Minted à  30 000 euros par campagne et plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Un vrai arbitrage pour les autres (et ils sont nombreux) dont le budget est plutôt situé entre 1 et 10 millions d’euros dans la mesure où Netflix représenterait au moins 10 % de leur plan TV.

Un produit rare et cher

Non seulement le produit est cher, mais il est exigeant : la régie envisage de sélectionner ses annonceurs en fonction de la qualité de leur création (format : entre 15 et 30"). Et monitore la répétition : une seule pub du même annonceur par session, trois maximum par jour. Partant d'un produit dont l'absence de pub faisait partie de la promesse, Netflix la traite comme une cerise sur son gâteau : des pauses de 75 secondes, 4 minutes de pub par heure. Trois fois moins que les acteurs de la télé. En France, Xandr envisage de délivrer 13 M d'impressions pub le premier mois, et 30 M le second, pour atteindre 1 Md d'impressions par mois en 2024.  Une montée progressive qui ferait entrer l'offre dans le top 5 TV vidéo, selon Minted.
L’inventaire publicitaire sera commercialisé en programmatique via la technologie de Xandr et en gré à gré. Dans un premier temps, le ciblage se fait par genre  : fiction, documentaire…"C'est logique, dans la mesure ou la communication ciblée dégrade le ticket d'entrée. Il faut attendre le plein régime pour la réaliser" explique Adrien Vincent, le Dg d'Ermes, que nous avons interrogé.  Ennui 2023, Netflix prévoit de permettre à une marque de sponsoriser la nouvelle saison d’une série, par exemple. Et bien sûr d’activer des options de ciblage aujourd’hui incontournables : socio-démo, géographie, consommation de contenu.
 

“Netflix fait, ici encore, les choses très progressivement et c’est une bonne chose, observe un acheteur. Mais la plateforme devra très vite muscler ses fonctionnalités. Très peu de mes clients seront susceptibles de signer un chèque de plusieurs centaines de milliers d’euros sans avoir l’assurance que les outils de ciblage et de reporting sont au niveau.” Pas de mesure d’audience de prévu via Médiamétrie. Du moins pas avant un petit moment. “On n’aura pas de notion d’apport de couverture incrémentale par rapport à un plan TV, déplore un  acheteur. Netflix sera vendu, dans un premier temps, comme une offre 100% digitale.” L’intégration des outils de mesure de la qualité d’exposition publicitaire (Moat ou IAS), est, elle, attendue pour 2023.

Dans un premier temps, seul le DSP de Xandr permettra d’accéder à l’inventaire de Netflix. Il n’est néanmoins pas exclu que la plateforme s’ouvre à d’autres DSP comme The Trade Desk. Difficile, en revanche, d’imaginer DV 360( Google) d' y accéder.
Des tarifs luxueux dans une offre low cost

Pour Adrien Vincent, l'offre publicitaire devrait se concentrer sur un abonnement au prix dégradé. "C'est d'ailleurs une forme de paradoxe, puisque ces nouveaux abonnés débourseront moins, que les autres, pour une publicité achetée au prix fort. "Cet acteur vend du luxe dans une offre low cost de son produit" Ce sera un sacré  challenge pour les commerciaux, une fois la hype du lancement passée. Car dans un premier temps, les annonceurs seront au rendez-vous, pour bénéficier des RP aux premiers entrants. Payer 50 € le CPM en temps de crise n'est pas forcément un réflexe pour des acheteurs média sous pression économique". Mais Netflix va devoir résoudre un autre problème : "les annonceurs ne verront pas la publicité qu'ils achètent, puisqu'elle visera les moins de 40 ans qui voudront économiser 3 € par mois"
Le dg d'Ermes imagine un lancement en fanfare, puis une décrue, y compris des tarifs,  puis une remontée de cette nouvelle offre. "Cela redeviendra très intéressant quand l'offre combinera la qualité, le ciblage, et pourquoi pas, les enchères. Mais le risque des enchères, c'est que les tarifs s'écroulent".

Pourquoi Netflix se passe-t-il de Médiamétrie ? "Parceque cet acteur ne communique pas ses chiffres d'abonnés pays par pays. Et puis, il est plus facile d'avoir une offre hors marché quand on n'a pas de mesure, c'est même l'expression même du luxe".
Comment réagissent les clients ? "Ils sont tous intéressés, mais pas tous éligibles."
Qui sont les acheteurs ? Quand TF1 et M6 ont commercialisé leur catch up, les équipes digitales étaient les seules à comprendre. Mais elles étaient en balance avec Youtube et n'arrivaient pas à vendre cette offre. Du coup, ce sont les équipes télé qui ont pris le relais. Nous avons fait un sondage auprès d'une cinquantaine  de clients et amis en vue de l"arrivée de Netflix : En tant qu'annonceur et à budget égal, quel investissement média diminueriez-vous pour tester la pub sur Netflix :

Mes dépenses en pub TV (TF1, M6, FranceTV...) : 48,4%

Mes dépenses en vidéo online (YouTube, Facebook, Instagram and co) : 31,2%

J'investirai en augmentant mon budget de communication : 7,8

Je n'investirai pas en pub sur Netflix : 12,5%
Donc, si on se concentre uniquement sur ceux qui veulent acheter de la pub sur Netflix mais qui le feront au détriment d'un autre média,  ils sont 61% à envisager de diminuer leurs investissements en TV pour y faire rentrer Netflix."Cela montre qu'ils ont envie d'y aller et d'investir, mais ne savent pas comment.Ils ont envie, parce qu'ils sont prêts à prendre dans leur budget télé. Mais ils ne savent pas comment. Quand on prend dans la poche digitale, c'est qu'on fait un test".

L'arrivée de Netflix en publicité, c'est aussi, en sens inverse, l'arrivée du programmatique en télévision : "Cela existe depuis un an, les chaines traditionnelles y ont déjà mis un pied. mais là, avec Netflix, ca va vraiment démarrer. La concurrence entre chaines traditionnelles et nouveaux acteurs devient frontale.  il y aura un avant et un après." Car le 12 décembre, Disney + lance son offre. Et Amazon, quand il a retransmis le match Nadal Djocowic  en clair, en mai 2022, a  testé l'appétence des abonnés d'Amazon Prime pour une offre gratuite ouverte à la publicité.

Ironie suprême :  c'est la période où l'Autorité de la concurrence condamne le rapprochement de TF1 et de M6...

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