Qui ?
Cédric Deniaud, co-fondateur du cabinet conseil Internet The Persuaders.
Quoi ?
Une tribune sur Pinterest, le nouveau réseau social à la mode. Vraiment. N'est-ce pas Monoprix et Sosh ?
Comment ?
L'histoire d'Internet est jalonnée de services qui ont créé des attentes fortes, et qui se sont révélés rapidement des feux de paille. De là à dire que Pinterest rejoindra dans quelques mois cette longue liste, la tentation est forte... mais cela serait aller trop vite. Quand on regarde certains chiffres, il est évident que Pinterest semble révéler un intérêt fort : plus de 10 millions d'inscrits, des centaines et centaines de sites marchands qui ont vu leur trafic entrant croître fortement en provenance de Pinterest, un site valorisé à plus de 200 millions de dollars... pour seulement 16 employés.
Tout d'abord, si on devait définir Pinterest simplement on dirait que c'est un agrégateur de visuels que l'internaute découvre en fonction de sa navigation sur Internet, ou des boards partagés par d'autres utilisateurs sur le service. L'agrégation de contenus n'a rien de nouveau sur Internet : il y a vos favoris sur Internet, Del.icio.us, Pealtrees ou Scoop-it pour les articles que vous avez appréciés, Google Reader pour les blogs, et même les réseaux sociaux phare. En effet, par exemple, via son bouton +1, Google+ permet à tout à chacun de retrouver sur son profil les contenus que vous avez appréciés. Bref, finalement rien de vraiment nouveau en soi, puisque TumblR remplit déjà l'usage d'agrégation visuel auquel répond également Pinterest.
Non, ce qui semble faire la force de Pinterest, c'est la communauté derrière. On a coutume de dire sur Internet que le produit n'est pas le service mais la communauté. Rien ne sert d'avoir une bonne idée d'un service si personne ne l'utilise. Raison de plus pour comprendre la course effrénée aux utilisateurs que mènent la plupart des médias sociaux phares dès leur lancement (Foursquare, Twitter, Google+, ...). Pinterest se place donc dans cette logique avec l'adoption rapide d'un service par une cible mode et food, et extrêmement féminine. Clairement, si votre activité se place dans ces secteurs, Pinterest peut se révéler plus qu'intéressant. C'est pour cela que des marques comme Burberry ou Etsy n'ont pas tardé à développé leur présence sur Pinterest.
Là où le service me semble moins intéressant se situe dans trois points précis :
1. Le buzz médiatique et l'opportunisme de nombreux observateurs qui mettent tout de suite en avant les avantages pour les marques. Même si cet article rejoindra la liste des articles déjà écrits sur Pinterest, le buzz autour du service rappelle clairement les autres buzz digitaux dont la blogosphère et twittosphère a le secret. Après Quora ou Chatroulette, Pinterest semble victime du même phénomène d'emballement médiatique autour du service... alors que celui-ci existe depuis 2 ans. Il faut constater que cet emballement vient de la profession. La France fait alors exception sur Pinterest avec une population inscrite surtout masculine. Ce buzz médiatique, même s'il est bénéfice pour faire connaître le service à court terme, peut finalement se révéler nuisible en créant un engouement démesuré de certaines populations voulant se valoriser (dont les professionels d'Internet) et un afflux de curieux qui abandonneront aussi rapidement le service qu'ils s'y seront inscrits.
2. L'intérêt du service. S'il semble addictif dès les premiers "pins", se pose tout d'abord la question de droit de propriété des contenus mais surtout d'un énième service qui ne crée pas de contenus mais qui en agrège. Le fait de suivre des personnes ou marques référentes existe déjà sur d'autres supports. Quel intérêt de suivre une marque qui agrège ses photos sur Pinterest, mais aussi au sein d'albums sur Facebook ou sur une page FlickR, sans compter sur son propre site ? On me dira que c'est pour toucher une cible sur un nouveau support. Doit-on rappeler que, selon Comsore, le site en janvier dernier ne comptait que à peine plus de 50 000 visiteurs uniques en France ? La cible semble bien restreinte et bien d'autres services plus pertinents. Ainsi dans l'univers de la mode, TheFancy.com semble être plus pertinent pour de nombreuses marques de mode, et les liens marchands plus immédiats puisque le site rassemble de vraies wish lists, et non des suites de visuels qui servent d'abord à se positionner socialement. Si sur Facebook, le "like" ne fait pas le "buy", il pourrait en être de même sur Pinterest où le "pin" d'un produit ne signifie pas une volonté forte de l'acquérir à court terme.
3. Au delà de la question de l'agrégation de contenus, le site se révèle un incroyable fourre-tout de choses déjà vues sur Internet. L'internaute qui veut se valoriser retrouve un intérêt, l'internaute qui veut découvrir des contenus peut rapidement se dire que d'autres sites ou blogs mieux filtrés peuvent tout aussi bien répondre à son besoin. On a la même impression avec un site comme Paper.li,ceux qui ne produisent rien mais réexploitent du contenus y sont rois. La consultation de contenus au travers seulement de visuels est le point fort de Pinterest, mais ce énième réseau demandera encore un investissement en temps pour l'internaute afin de défricher parmi les contenus intéressants, les profils pertinents De la home, il faudra scroller, scroller, scroller pour trouver son... intérêt !