Qui ?
Chine Labbe Managing Editor & Vice President Partnerships, Europe and Canada de NewsGuard.
Quoi ?
Une interview sur cet instrument de la lutte contre la désinformation. une société qui emploie une cinquantaine de journalistes, présent aux USA, en France, au Royaume Uni, au Canada, en Allemagne et en Italie, et bientôt en Australie et en Autriche. (Chine Labbe interviendra le 28 septembre à la matinée Jardins ouverts Jardins clos. Demandez votre place !)
Comment ?
Quelle est l'origine de Newsguard ?
Cette société a été créée en 2018 par deux journalistes fameux outre-Atlantique, Steven Brill et Gordon Crovitz. Après les présidentielles de 2016, ils ont fait le constat que le fact checking ne suffit pas dans la lutte contre la désinformation : l'info corrigée n'atteint pas toujours la cible "désinformée" et la fausse info est toujours plus virale que la vraie. Enfin, les gens qui ont cru une fausse info seront de plus en plus sceptiques face aux "grands médias". Newsguard propose depuis février 2019 une nouvelle méthodologie : au lieu d'évaluer l'information, on évalue sa source, et on informe le public en amont.
Comment se fait cette évaluation ?
Newsguard est un tiers de confiance, composé de journalistes. Dans les pays où nous sommes présents, nous couvrons les sites dont les contenus représentent 95 % de l'engagement en ligne, en utilisant pour ce faire les donnée de Newswhip. Nous ajoutons aussi des sites importants dans le paysage média, comme l'Huma, pour la France. Pendant le Covid, nous avons aussi analysé les sites santé. Et pour la guerre en Ukraine, nous ajoutons aussi des sites en permanence.
Il ne s'agit pas de distribuer des bons points sur le style ou le nombre de scoop. Nos critères sont apolitiques et se fondent sur la transparence et la distinction entre information et opinion. Les sites qui indiquent clairement qui sont leurs actionnaires gagnent des points. Ainsi, Le Monde et sa rubrique "le Monde et moi", inspirée du NYT, détaille sa fabrique de l'info. Newsguard prend aussi en compte la manière dont un site corrige ses erreurs et le fait de manière transparente. Prenons l'exemple de la revue de presse FdeSouche échoue sur le critère de distinction responsable entre information et opinion, car il n'indique pas son orientation idéologique au visiteur. Du coup, l'analyse jointe à la note explique : Fdesouche publie de nombreux articles sur des faits divers qui font avancer une rhétorique d'extrême droite anti-immigration en mettant en avant l’ethnicité, le pays d’origine ou la religion d’individus accusés d’avoir commis des crimes. FdeSouche indique sur sa page d’accueil être une “revue de presse”. Mais il ne fait pas état d’un parti pris nationaliste ou anti-immigration.
Comment marche le service ?
Notre principal produit est l'extension du navigateur, qui donne une couleur aux pages visitées (le site devient rouge s'il a un score de moins de 60 % et intègre le commentaire de l'éditeur). Un clic de souris permet d'accéder à un résumé du site et explique la notation, à la façon des étiquettes nutritionnelles de Yuka, dans l'alimentaire. Newsguard met à jour régulièrement ce travail, en ajoutant des exemples récents pour les sites jugés peu fiables.
Quel est votre modèle économique ?
Nous vendons des licences d'accès aux données, à des chercheurs des agences de publicité, des agences de relation presse, ou des marques. Notre système peut aider les marques à faire des listes d'exclusion, mais aussi à faire des listes d'inclusion, à soutenir du journalisme de qualité. Pour se protéger de contenus racistes ou homophobes, des marques peuvent exclure des mentions comme LGBT ou Trump. Mais cela peut nuire à des sites qui font des contenus de qualité sur ces sujets.Nous avons aussi des clients dans les agences gouvernementales.Nous installons gratuitement notre API sur les ordinateurs des bibliothèques publiques. Ainsi, nous avons équipé les bibliothèques de la ville de Milan.
Etes-vous présents chez Google, Tik Tok ou Facebook ?
Non. Mais Microsoft qui nous a a acheté une licence, pour son navigateur Edge. Le internautes ont donc ce service gratuitement s'ils utilisent ce navigateur. En revanche, ni Google ni Facebook ne sont nos clients. Sur les autre navigateurs, le service est payant. Mais nous sommes toujours à leur écoute : notre outil peut etre une très bonne aide pour les plateformes de social média pour lutter contre la désinformation.
Quels sont vos futurs projets ?
Nous développons une base de données des principales infox, dans un format lisible par les machines, pour donner un "fingerprint" de la désinformation et vendre à des agences gouvernementales cette donnée.Nous travaillons aussi, pour une agence de publicité, à l'évaluation de programmes TV. Ce qui permet d'affiner le médiaplanning en fonctionne la qualité d'information des émissions.Nous réfléchissons aussi à nous étendre au domaine du podcast.