Pourquoi ?
Ringarde la newsletter ? Has been l'e-mailing ? Pourtant, à l'heure des réseaux sociaux, des applications mobiles et de la vidéo en ligne, ce vestige du web 1.0 est loin d'avoir dit son dernier mot.
Comment ?
Plus simple à coder qu'une application, insensible aux ad-blockers, parfaitement mesurable, idéal pour le content marketing et le native advertising : la newsletter a de nombreux atouts qui expliquent sa subsistance, malgré - en vrac - le raz-de-marée des réseaux sociaux, le boom des push notifications sur mobile et l'infobésité. Business Insider, qui vient d'être acheté par Axel Springer pour 442 millions de dollars, compte pas moins de 37 newsletters, sans compter celles de ses sept éditions locales ! Quant au groupe CCM Benchmark, tout juste acquis par le Figaro, il affiche 12 millions d'abonnés. Ces abonnés et le lien direct avec eux font toute la valeur de ces aventures. La newsletter? la GAFA indépendance (presque) assurée - car il reste encore le filtre anti-spam de Gmail à vaincre.
Le New York Times, de son côté, a lancé 12 newsletters en un an, pour atteindre un total de 33, rapporte Digiday. Il ne s'agit pas là de simples déclinaisons de son site, mais bien de nouvelles thématiques, souvent incarnées par des éditorialistes stars, et réalisées par une équipe dédiée de 12 personnes. Certaines visent une audience large, quand d'autres se focalisent plutôt sur des niches - mais des niches non dénuées d'intérêt publicitaire. "Booming" s'adresse aux Baby-Boomers, "Bits" aux férus de nouvelles technologies, "Wheels" aux fans de voitures ou encore "Motherlode" aux mères de famille. Les newsletters hebdomadaires afficheraient des taux d'ouverture de 50 à 70%.
Même la génération Y, pourtant davantage accro au smartphone et aux réseaux sociaux qu'à l'e-mail, a sa newsletter : Lenny, lancée en fanfare en septembre 2015 par Lena Dunham, la star de la série Girls, avec une interview d'Hillary Clinton. Son créneau : "le féminisme, la mode, la santé, la politique, l'amitié", selon Fast Company. Elle emboîte ainsi le pas à Goop de l'actrice Gwyneth Paltrow (2008): entre la mise en avant de deux sacs hors de prix, cette dernière y a annoncé son divorce, s'assurant un record d'audience. L'actrice s'y consacre désormais à plein temps, sa carrière au cinéma étant sur pause.
En France, Time To Sign Off (lu par tout l'establishment, 80 000 abonnés, en forte croissance, et qui prépare un nouveau projet pour décembre), Merci Alfred (120 000 abonnés) ou Artips (un des lauréats du Grand Prix ID14, 100 000 abonnés), illustrent le dynamisme du secteur et son influence. L'expert des médias et du numérique, Frédéric Filloux a d'ailleurs quitté au printemps dernier le groupe Les Echos pour se consacrer au développement de sa Monday Note (11 000 abonnés).
Si la quasi totalité de ces newsletters reposent sur un modèle publicitaire, entre display et native advertising, elles cultivent souvent d'autres activités. L'un des pionniers du genre, Thrillist, vise les jeunes américains : il a rapidement évolué vers un modèle e-commerce (lire notre article sur le sujet), après s'être essayé à l'événementiel. En France, Gustave et Rosalie, une newsletter parisienne incarnée par un couple, s'est lancée depuis quelques mois dans l'e-commerce, avec "La Petite Attention". En ligne de mire : reproduire le succès de My Little Paris, désormais détenue par AuFéminin/Axel Springer (lire notre article sur le sujet), qui a évolué vers un modèle majoritairement e-commerce (My Little Box), tout en prenant le virage du mobile (My Little App), sans pour autant renoncer à son activité première de newsletter.
Alors que les internautes sont en recherche de contenus - articles ou produits - sur mesure, des technologies facilitent le travail des éditeurs, à l'image de Sailthru. Cette start-up New-Yorkaise, co-fondée par l'ancien directeur technique de Business Insider, conçoit des newsletters individualisées, en fonction des données de clic et de navigation. Elle compte parmi ses clients des médias (Vice, The Economist, The Huffington Post) et des e-commerçants. Mais cette poussée de la data dans les newsletters éditoriales ne saurait faire oublier l'importance du ton, du style et de l'incarnation, qui permettent à ces Saint Simon d'aujourd'hui de créer du lien et d'émerger dans l'obésité de l'information.
Benoit Zante