Qui ?
Frédéric Filloux, fondateur de DeepNews.ai.
Quoi ?
En avant première, le projet anti-fake news développé par l'ancien directeur du digital des Echos, après un passage de deux ans à Stanford.
Comment ?
Pendant deux ans, Frédéric Filloux est redevenu étudiant, dans des conditions privilégiées : titulaire d'une bourse de recherche dans le cadre du John S. Knight Journalism Fellowships de Stanford, il a pu choisir à sa guise les cours qui l'intéressaient, tout en développant son projet entrepreneurial. Privilégié, il l'a été aussi par l'actualité : son arrivée dans la Silicon Valley, en août 2016 coïncidait avec le pic de la campagne électorale américaine, dont il a pu observer tous les rebondissements, avec notamment l'émergence des "fake news".
"De ce séjour à Stanford, je suis revenu avec la conviction que la bataille des "fake news" est perdue d'avance, en premier lieu à cause de leur volumétrie : chaque jour, il y a 100 millions d'informations injectées dans le fil d'actualité de Facebook. Le seul moyen de faire le tri aujourd'hui, c'est le fact-checking manuel... Mais avec les moyens actuels, pas plus de 2 000 informations par mois peuvent être vraiment vérifiées" explique Frédéric Filloux.
Second constat : des moyens considérables sont consacrées à la production de ces "fake news", ce qui les rend extrêmement difficiles à contrer. "Les dépenses lors des campagnes présidentielles américaines sont de l'ordre de 2,4 milliards de dollars, soit environ 20$ par votant... Une partie de cet argent va alimenter les technologies utilisées pour la manipulation de l'information." En parallèle, des Etats comme la Russie et la Chine investissent massivement dans la production de "fake news", ce qui fait dire à Frédéric Filloux qu'il existe "des dizaines" de Cambridge Analytica à travers le monde.
"Si l'on veut s'en sortir, il faut que des systèmes traitent toutes ces informations en masse, en automatisant le fact checking, grâce à la technologie et à l'intelligence artificielle." Avec DeepNews, Frédéric Filloux et une équipe d'ingénieurs centraliens sont en train de construire un outil de scoring de contenus, pour remonter les informations à forte valeur ajoutée. L'outil repose sur le "deep learning" et les modèles de réseaux neuronaux : "simple dans son principe, mais extrêmement complexe dans sa mise en oeuvre". A l'heure actuelle, la technologie développée par la start-up affiche un score de pertinence de 91%. Un tel outil peut avoir de nombreuses applications, au-delà de la détection de fake news. Comme l'amélioration des moteurs de recommandation :"chez Netflix, les personnes affectées au système de recommandation sont aujourd'hui aussi nombreuses que les employés des Echos quand j'y travaillais..."
Enfin, une autre application de DeepNews se trouve peut-être dans le domaine publicitaire... "Aujourd'hui, il n'y a aucune corrélation entre la valeur éditoriale d'un contenu, le travail qu'il a demandé ou sa qualité, et la valeur de la publicité qui est autour. C'est un système absurde." DeepNews parie que les annonceurs seraient prêts à payer davantage pour apparaître dans un contexte qualitatif, si les acteurs de la chaînes publicitaire avaient à leur disposition un indicateur objectif de qualité éditoriale. "Si un article est bien noté, cela signifie qu'il va avoir plus d'engagement, des lecteurs plus intéressants et attentifs, bref, une audience qui a plus de valeur. Le marché publicitaire serait bien inspiré de payer plus cher pour cela." Plusieurs acteurs de l'écosystème - régies, agences médias ou solutions programmatiques - ont déjà montré des marques d'intérêt. "Parier sur la qualité est l'une des solutions pour assurer la pérennité de la publicité en ligne" estime Frédéric Filloux.
Envisage-il de commercialiser son système à Facebook ? "Jamais de la vie, pour moi, cette entreprise est la pire qui soit".
Benoit Zante