Qui ?
Sébastien Deurdilly, Dg d'Upside télévision.
Quoi ?
Le récit à Médias en seine, de quatre ans de collaboration sur le documentaire "Monsters Inside", un documentaire français classé dans le top 10 US.
Comment ?
Le producteur Sébastien Deurdilly, comme tous les fournisseurs de Netflix, a un contrat de confidentialité en béton. Il n'a pas le droit de revenir sur sa collaboration avec la plateforme, ce qu'il a fait pourtant à Médias en Seine, dans les grandes lignes. "Netflix n'est pas une entreprise de contenu, mais une entreprise éditoriale, tech, juridique, financière et marketing" explique ce dernier, qui a passé les quatre dernières années dans la machine de streaming américaine, pour produire le documentaire Monsters Inside sur Billy Milligham, un criminel qui avait en lui 24 personnalités différentes. Le producteur était tombé sur la vidéo de séances psychiatriques de l'Américain. La première relation avec cette machine de guerre ? Netflix manifeste son intérêt de cette façon : "Notre algorithme a retenu votre projet, ça va être un carton mondial". Très vite, le producteur se rend compte que Netflix analyse la donnée de tous les aspects du projet. "Bien sûr, le projet était amazing, mais le coeur du sujet, c'est le budget. Nous avons passé deux heures sur le projet éditorial, et huit mois sur le budget". Une nuit d'hôtel dans l'Ohio coute 57 $ et non pas 62$. "Nous avons dû nous former au logiciel comptable de Netflix, dans lequel nous avons rentré les données du budget. Celles-ci sont ensuite comparées aux milliers d'autres budgets financés par la plateforme. Ainsi, le coût de l'électricité est de 40 $ et non 55 $."
Le producteur se forme au logiciel comptable ...
Pour évaluer le montant global du budget alloué, Netflix jauge sa valeur sur 30 ans, et établit un budget à ne pas dépasser. La gestion n'est pas à l'économie pour tout, il faut que l'image resplendisse : "Nous avons pu louer des voitures anciennes, payer un shérif pour nos protéger quand nous tournions avec de fausses armes, louer une station service pour tourner une scène de nuit" (qui dure une minute dans la série) Netflix demande l'accès à tous les comptes bancaires d'Upside.
...et donne accès à tous ses comptes bancaires
Après la définition du budget, vient le contrat. "Netflix pouvait nous dégager en cours de route, virer le réalisateur, recevoir le PAD et faire un tout autre montage. Nous avons cédé tous les droits, pour tous usages, sur toutes les planètes, connues ou à découvrir." Pourquoi accepter de telles conditions, que le producteur refuserait partout ailleurs ? "Cela nous permettait d'avoir un financement hors norme, de racheter toutes les archives de cette histoire. Et cela nous assurait une diffusion mondiale avec les meilleurs professionnels du monde dans le domaine du documentaire." Et puis, les chaines de télé françaises avaient refusé le projet...
Vient ensuite le travail en commun: "Nous avions une réunion toutes les deux semaines, avec une précision d'horloge suisse : ils ont eu une fois un retard de 35 secondes sur l'un des rendez vous." Le montage est envoyé au fil de l'eau sur une plateforme sécurisée, "ils ont cinq jours pour modifier l'épisode. Leur premier retour faisait 17 pages. Il évoquait l'arc narratif, le personnage, le montage, la musique. Tout était argumenté et c'étaient de très bons arguments".
Dernière étape, le marketing. Netflix édite des dizaines de stickers numériques, petites affiches destinées à des micro cibles de la plateforme. Vient enfin la diffusion, dans 190 pays, ce mois-ci. "Nous n'avons pas eu notre mot à dire sur le titre français, "ces monstres en lui". Pas non plus d'infos sur le succès du film". Mais dans les principaux pays, des spectateurs guettent le top 10. Et le documentaire a été n°3 aux USA. "on est passés de amazing à so happy".
Le producteur a ainsi pu vérifier que l'algorithme qui avait prédit le succès quatre ans plus tôt ne s'était pas trompé dans son estimation !