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Comment le RGPD a avantagé les plateformes, l’implacable démo

Qui ? 
Alain Steinmann, Directeur du Journal du Net.

Quoi ?
Une interview pétaradante sur la manière dont la CNIL a, sans le vouloir, favorisé les plateformes et balkanisé les autres acteurs.

Comment ?
Pourquoi avoir écrit cet édito aujourd'hui ?
C'était les cinq ans du RGPD. J'avais commencé à travailler sur les sociétés en Israël ou à Hong-Kong qui récupèrent la data des internautes européens et la raffinent. Certaines, sous couvert de protéger vos données personnelles, vous demandent un accès à votre compte GMail, Yahoo, Microsoft et regardent tous vos mails, expéditeurs, sujets ! Il existe une telle confusion et une telle paranoïa sur ces sujets, que certains médias français recommandent ces solutions. Mais expliquer ce genre de choses est complexe, car ces sociétés, en plus d'agir dans l'illégalité, sont aussi procédurières. Et je me suis rendu compte que le sujet était plus global : les règles du RGPD ont défavorisé les acteurs européens.

Un constat funeste ...
Ce règlement était censé remettre tout le monde sur le même pied d'égalité, mais ça a avantagé les grandes plateformes, qui se sont inscrites à la "CNIL" irlandaise qui est beaucoup moins-disante que la française. Une fois de plus, les petites et moyennes boites n'ont pas les moyens de se créer une filiale irlandaise, et les plateformes tirent parti de la réglementation et de sa mise en oeuvre Kafkaïenne. La CNIL française dit avoir envoyé des mises en demeure mais les acteurs européens qui appliquent les règles sont désavantagés depuis deux mois déjà. C'est à chaque fois pareil : on pénalise les acteurs européens avec des réglementations faillibles et on met dix ans pour rétablir l'équilibre, lorsque c'est trop tard.

En quoi la CNIL a-t-elle aggravé les choses ?
La CNIL est une autorité administrative qui est sortie de son cadre. Le Conseil d'Etat le lui a déjà fait remarquer à propos des paywalls. En édictant un doc de quatorze pages sur le recueil du consentement pour imposer des contraintes au-delà de celles du règlement, elle persévère. Regardez ce qu'il se passe dans les autres pays d'Europe, on n'observe pas cette débauche tatillonne, où une autorité administrative décide de la taille, de la couleur et de la position de boutons ! De leur côté, les plateformes recueillent 100 % de consentement en se mettant sous pavillon irlandais. Mais ce n'est pas le seul effet pervers. La CNIL a incité les sites à recourir à Xiti comme outil d'analytics pour les internautes refusant les cookies car Google Analytics n'est soit-disant pas conforme. Encore une spécificité française. Comme les éditeurs paient déjà Google Analytics et ne s'en passeront pas, ils souscrivent à présent à deux services pour la même chose ! Un surcoût qui les rend encore moins compétitifs. Sans parler de l'inventaire publicitaire programmatique sans consentement que des acteurs européens se sont mis à commercialiser pour exploiter les rogatons d'un marché, quand les grandes plateformes se taillent la part du lion, en exploitant les failles des réglementations.

Quelles réactions a suscité votre tribune ?
J'en ai eu des centaines ! Preuve que le sujet a suscité une énorme frustration. Certains d'entre eux me disent qu'ils réfléchissent à porter le problème devant le Président de la République, pour que la CNIL revienne aux fondements du RGPD : une protection de l'internaute  sans sur-règlementation. Depuis un an, les plateformes ont progressé de 50 %. Aux dépens de qui ? Et avec quelles règles ? Dans la même période, les acteurs qui ne sont pas des plateformes sont en grand danger.

 

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