Qui ?
Kenny Jacobs, Chief Marketing Officer de Ryanair.
Quoi ?
Le point sur la révolution opérée par Ryanair en seulement 18 mois, lors d'une présentation à l'Adobe Summit 2015.
Comment ?
En novembre 2013, Ryanair a initié une transformation de grande ampleur, "digitale", mais pas seulement. Son plan "Always Getting Better" : mettre le client au coeur de l'entreprise. Jusqu'alors, la compagnie se concentrait uniquement sur l'aspect low cost et la réduction des coûts, au détriment de l'expérience de voyage. Cette mutation a commencé par le vocabulaire : les "vols" sont devenus des "voyages", les "passagers", des "clients", l'"acquisition", la "rétention", les "transactions", des "relations", etc.
Kenny Jacobs est lucide : "Je ne pense pas qu'un jour les gens aimeront Ryanair et ce n'est pas mon but" explique-t-il, "mais nous ne voulons plus être perçus comme des 'bad guys' et revenir du côté des bons élèves." Comme lorsque la création de l'entreprise, en 1985, avait permis de démocratiser les vols intra-européens... Depuis 18 mois, la marque s'attelle donc à unifier sa communication sur tous les canaux à travers l'Europe, pour apparaître moins "cheap", moins désagréable et plus "cheerful". Ryanair a aussi réaménagé ses avions et s'apprête à changer les uniformes de son personnel. Surtout, la compagnie a lancé de nouveaux services, comme le second bagage gratuit ("alors que les compagnies aériennes traditionnelles vont dans le sens inverse"), les sièges alloués à l'avance ou des offres spécifiques pour les familles, jusqu'alors négligées.
Dans cette mutation, le digital occupe une place de choix : "nous sommes totalement obsédés par le numérique, nous avons décidé de mettre l'innovation digitale au cœur de notre activité" martèle Kenny Jacobs. Parmi les premières actions : refaire le site, lancer une application mobile et proposer la carte d'embarquement électronique. Le nouveau site, doté d'une version mobile, met désormais la réservation à 5 clics (au lieu de 17 !) et supprime les étapes fastidieuses, comme les captcha. Un site internet à destination des clients américains a même été lancé, alors que la compagnie n'est pas présente sur place. Dans les prochains mois, un comparateur de prix en temps réel permettra de savoir combien le fait de voler sur Ryanair a fait économiser. La roadmap inclue aussi la possibilité de poser une option sur un billet ou de réserver à l'avance son menu, le développement d'une stratégie de contenus, le lancement d'une nouvelle application "native", ainsi que la personnalisation du site internet. "Notre parti pris est d'apporter des solutions à ce qui est important pour nos clients. Ce n'est pas forcément ce que nos concurrents mettent en avant."
Autre révolution : la création de MyRyanair, un espace personnel sur le site, destiné à faciliter les réservations, mais aussi à collecter de précieuses données client. "Nous avons l'intention de battre nos concurrents sur le sujet de la fidélité, grâce à une meilleure compréhension de nos clients" explique Kenny Jacobs. C'est une vraie nouveauté : Ryanair a toujours cherché à attirer de nouveaux clients, jamais à les retenir. Grâce aux données, l'entreprise espère, en vrac, mieux cibler ses plans média et personnaliser ses messages, comprendre les attentes des voyageurs avant ses concurrents, améliorer ses taux de conversion et de rétention, optimiser son yield management et vendre davantage de services annexes.
Afin de "concevoir les meilleurs produits du secteur sur le web, le mobile et tout ce qui viendra ensuite" - pour reprendre les termes de son site internet - la compagnie s'appuie sur le Ryanair Labs, qui travaille en mode start-up à Dublin et dit s'inspirer des pure-player comme Tinder, Amazon ou Uber. Celui-ci entend réunir "la meilleure équipe digitale dans le secteur du tourisme au monde." Pour rassurer les candidats, Ryanair assure que low cost ne rime pas avec salaires au rabais... et met en avant les voyages gratuits à travers l'Europe.
En 18 mois, Ryanair et son Chief Marketing Officer ont beaucoup appris. Parmi les leçons : "ne pas chercher à tout faire en interne", "ne pas trop regarder ses concurrents, mais aller voir les autres secteurs", "faire les choses de la meilleure qualité possible, dès le début", "écouter ses clients plus tôt", "basculer tout de suite en 'mobile first'", "ne pas chercher à être aimé, la confiance et le capital sympathie suffisent", "la marque digitale va bien au-delà du site internet", "les programmes de fidélité ne créent pas de fidélité". Dans tout cela, un conseil sort du lot : "ne pas chercher à aller trop vite", alors même que la rapidité des changements opérés en quelques mois est frappante. Kenny Jacobs en est fier, mais il estime qu'il aurait dû aller "15% moins vite".
Benoit Zante