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Marier start-up et pachydermes : la leçon de Coca-Cola, Unilever et Pernod Ricard

Qui ?
Frédéric Colas et Charles Tonlorenzi, fondateurs de Fast Up-Partners, cabinet spécialisé dans la  digitalisation des entreprises.

Quoi ? 
Un focus sur la collaboration entre grandes entreprises et start-up, chez Coca et Unilever, exposée au Web Summit.

Comment ? 

Quand Jamie Jorge, co-fondateur de Codacy, monte sur la scène centrale du Web Summit de Dublin, il est très heureux. Sa start-up portugaise spécialisée dans le "quality check" et le nettoyage automatique de code informatique reçoit le prix du vainqueur de "Pitch", l’ultra-sélective compétition de start-up du Summit. Jamie est immédiatement félicité par le sponsor, Guy Wollaert, Chief Innovation Officer de Coca-Cola (tous deux en photo). La récompense ? 10 000 € et une semaine de sessions de mentoring et de stratégie avec les cadres de Coca-Cola à Atlanta. Cette rencontre, improbable tant les deux business n’ont apparemment rien à voir, est en fait le symbole d’un aspect essentiel du Web Summit : la rencontre entre deux mondes très différents, les grands groupes et les start-up. Parmi les 22 000 participants, beaucoup de grands groupes, et des centaines de start-up de toutes natures. Au Web Summit, ils se cherchent, se découvrent, se rencontrent, se parlent, et, parfois, se fascinent.

Car ils ont fondamentalement besoin les uns des autres. L’intérêt des start-up est évident : un seul contrat décroché avec un "grand" peut apporter revenus, crédibilité, validation du modèle, taille critique, voire une belle histoire pour les investisseurs... Bref, de quoi accélérer sa croissance voire changer de dimension et de destin. Mais les grandes entreprises ne sont pas en reste et elles n’ont pas le choix. Elles ont du mal à innover en interne car elles ne font plus rêver les talents qui ont des idées et qui préfèrent créer ou rejoindre des start-up. Saul Klein d'Index Ventures montrait que 6% de la population totale de Dublin et Tel Aviv sont intéressés par l’entrepreneuriat  (c'est 0,8% à Paris...). Ils délaissent le confort et les moyens des grands groupes pour la liberté, la vitesse et la souplesse offertes par le modèle "start-up". Ils sentent que c’est comme cela que leur talent s’épanouira et sera le mieux valorisé, vite.

Bien que ce modèle de croissance basé sur l’open innovation ne soit pas nouveau, son adoption se généralise, et dépasse la R&D "produits" pour atteindre le "go-to-market". Encore faut-il que ces deux mondes arrivent à travailler efficacement ensemble malgré leurs différences fondamentales de mode opératoire et de culture. C'était le sujet de deux conférences du Web Summit.

Unilever présentait "Comment combler le fossé d’innovation entre les marques et les start-up ?" tandis que Coca-Cola se focalisait plus sur "Win-Win : comment Coca-Cola collabore avec les start-up pour générer de la croissance ?"

Leur point commun?  Une approche structurée et mature de leur mode de travail avec les start-up. Cette approche combine des plateformes de collaboration - "The Foundry" pour Unilever [lire notre article ici] et "Coca-Cola Founders", du capital d’amorçage, du conseil via des experts du groupe, des challenges et briefs publics sur des sujets précis. Coca-Cola va plus loin en intégrant des accords préalables de transformation de leur "aide" initiale en capital, en créant un réseau de fondateurs de start-up avec qui le groupe crée de nouvelles start-up (10 à ce jour sur les 5 continents) et en faisant des partenariats très poussés avec des "grown-up" comme Spotify dans la musique ou Misfit dans les objets connectés.

Le résultat, ce sont des vrais réseaux d’open innovation qui leur permettent de travailler avec des start-up à haut potentiel, des changements culturels dans les organisations pour plus de vitesse et moins d’aversion au risque, et des projets-pilote agiles, comme des commandos, menés en dehors des process de l’organisation "mainstream".

On est donc loin de l’innovation-gadget et du "tech tourism", ces safaris de managers dans la Silicon Valley (et ailleurs), qui, selon Jeremy Besset d’Unilever, "génèrent tant d’enthousiasme et si peu de résultats". Pour Antonia McCahon, Global Head of Digital de Pernod-Ricard, présente à Dublin : "beaucoup affirment qu'il faut que nous agissions comme des start-up. Mais nous ne serons jamais une start-up. L'essentiel, c’est d’identifier les bonnes équipes, d’apprendre à travailler avec elles efficacement, en surmontant les profondes différences culturelles et opérationnelles pour que les projets concrets soient lancés rapidement."

En somme, il s’agit de combiner efficacement l’étincelle de génie des fondateurs, la vitesse inhérente aux start-up et la taille critique des grands groupes, dans un modèle de croissance qui profite à tous.

Frédéric Colas  et Charles Tonlorenzi

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