Qui ?
Séverin Marcombes, fondateur de la start-up Lima, l'un des lauréats de la première édition du Grand Prix de l'Innovation Digitale, en 2014.
Quoi ?
Une interview, alors que l'idée de Lima - la plus grosse levée de fonds sur Kickstarter pour une start-up française - a germé il y a 5 ans... comme Petit Web.
Comment ?
- Quelle est l'ambition de Lima ?
Nous avons construit l'entreprise avec le rêve de rendre les appareils des gens plus faciles à utiliser ensemble. Avec Lima et notre technologie, nous pensons que l'on peut changer la façon de fonctionner de l'ordinateur. Notre premier produit est un cloud à la maison, qui permet de transformer n'importe quel disque USB en cloud personnel. A la différence du cloud classique, Lima permet de ne pas envoyer ses données dans le serveur d'une société, mais de tout stocker chez soi, sans avoir à payer un abonnement mensuel.
- Lima est née en 2011 : que s'est-il passé en 5 ans ?
J'ai commencé à travailler à temps plein sur mon projet en 2011, alors que j'étais encore à l'ESCP, en commençant par un premier outil qui permettait simplement d'envoyer des fichiers. En quelques mois, il a rassemblé 30 000 utilisateurs. Les gens trouvaient mon idée de cloud personnel difficile à réaliser, personne ne croyait que l'on pouvait faire mieux que Dropbox : le logiciel a permis de le prouver. J'ai trouvé un associé et en septembre 2013, nous avons lancé une campagne Kickstarter pour Lima. Avec 1,2 millions de dollars levés, c'était la plus importante campagne européenne dans le domaine du hardware. Les 13 000 pré-acheteurs nous ont apporté les fonds qui nous ont permis de monter l'entreprise, puis nous avons levé 2,5 millions de dollars auprès de Partech en janvier 2014. En deux ans, nous sommes passés à trente salariés.
- Vous avez connu quelques difficultés à tenir vos promesses...
La livraison des "backers" a eu lieu en janvier 2015, avec un an de retard... et encore, c'était vraiment du beta test. La V1 du produit est sortie en novembre dernier. Pendant toute la phase de développement, on a essayé tant qu'on a pu d'informer les gens, mais ce n'est pas un exercice facile. Nous avons reçu beaucoup de feedbacks de la communauté pendant les deux ans de R&D.
- Vous venez d'ouvrir un bureau aux Etats-Unis, c'est une étape importante pour votre développement ?
Ce n'est pas une grosse actualité pour nous. 92% des Lima sont exportés et 50% de nos ventes se font aux Etats-Unis. Nous nous y installons donc grâce au programme Ubi IO, ce qui va nous permettre d'y constituer notre réseau. La R&D va rester en France et le marketing sera aux Etats-Unis, car notre marché est là-bas. L'avenir pour Lima, c'est de créer d'autres produits à partir de notre technologie très innovante. Nous allons donc poursuivre notre roadmap, pour essayer de faire toujours mieux.
- En cinq ans, entreprendre est devenu plus facile : vrai ou faux ?
C'est toujours difficile de créer une boite, c'est un marathon. Bizarrement, c'est difficile de faire financer des innovations technologiques aujourd'hui : cela a été mon principal obstacle. J'ai passé 2-3 ans à convaincre les gens que je pouvais réaliser la vision de Lima. Pour arriver à cette idée très ambitieuse, il a fallu vendre des idées intermédiaires. Nous avons besoin de davantage de modèles comme Elon Musk ou Apple, plutôt qu'Instagram ou Whatsapp : l'humanité se porterait mieux s'il y avait autant de financement pour des innovations de rupture qui vont changer la planète que d'investissement dans les jeux et les réseaux sociaux.
- Une initiative comme celle de la French Tech change-t-elle la donne ?
De plus en plus de gens sont intéressés par l'entrepreneuriat, donc c'est très positif. Cela devient de plus en plus facile de dire "je me lance", on a du soutien. La French Tech change pas mal de choses pour l'ecosystème. Elle permet surtout d'avoir de la visibilité médiatique pour les start-up, de montrer qu'il y a de l'innovation. Mais il manque encore une éducation à l'école sur ce qu'est une entreprise, comment ça fonctionne et en quoi elle peut avoir un impact positif. On envisage encore beaucoup les entreprises comme le grand méchant qui prend l'argent aux salariés. Si on arrive à changer cette mentalité, on pourra être aussi bons que les Etats-Unis.
Propos recueillis par Benoit Zante