Qui ?
Blake Cahill, Global Head of Digital and Social Marketing de Philips, interrogé par Jeffrey K. Rohrs, VP Marketing Insights de Salesforce.
Quoi ?
Un point sur la stratégie de transformation digitale menée par Philips au niveau mondial, à SXSW 2015, dont la marque est partenaire.
Comment ?
"A mon niveau, je n'ai pas de budget : l'argent est dans les pays. Je dois donc convaincre tout le monde que le digital, c'est important" explique Blake Cahill, qui a rejoint Philips en 2013. Sa mission est double : il doit à la fois convertir l'entreprise au digital et au marketing. "Nous avons toujours été une entreprise technologique - nous avons notamment inventé le lecteur CD -, mais nous n'avons pas toujours été une entreprise orientée marketing. C'est donc une double évolution que nous devons mener : digitaliser nos produits et créer notre marketing digital."
Pour cela, la firme hollandaise a fait le choix de ne pas créer de nouveaux silos : elle a adopté une approche holistique, "pour apporter une approche digitale à tous nos employés. Tout le monde doit comprendre le social marketing, la distribution de contenus sur le web, l'e-commerce. Il ne doit pas y avoir les gens qui comprennent le digital d'un côté et les autres de l'autre. C'est notre approche, et elle semble fonctionner." Avant de se lancer, le groupe a mis en pause toutes les actions entreprises jusqu'alors. "Je ne me suis pas fait que des amis en interne, j'ai pris beaucoup de budgets à certains pour les centraliser dans un programme unique, plutôt que d'avoir 20 personnes qui font du e-commerce ou du social media dans leur coin."
"50% de ce que je fais n'est pas lié au digital : c'est de l'accompagnement du changement", ajoute-t-il. "Pour conduire ce changement, il faut les outils, les gens, les process. Tout ça en même temps." La transformation est aussi une question de définition des priorités : "pour commencer à faire des choses en digital, il faut arrêter de faire d'autres choses."
Le groupe a commencé par s'attacher à comprendre le parcours de ses utilisateurs, selon les pays et les types de produits. Objectif : faire en sorte que tous les "touchpoints" soient digitalisés. "Nous avons centralisé cette gestion du parcours utilisateurs. Certaines filiales n'ont pas aimé, mais c'est indispensable." A son arrivée il y a deux ans, il fallait souvent plus de 24 heures avant qu'un client reçoive une réponse sur Twitter... "Il est pourtant vital de comprendre où est le consommateur et comment il veut interagir avec nous. S'il veut acheter sur Amazon, il faut qu'on y soit aussi."
Sans budget propre, la principale tâche de Blake Cahill a donc été de convaincre ses interlocuteurs de changer leur façon de penser. Il a commencé par définir des objectifs que les différentes business units ont du respecter, sans négociation possible. Plus subtil : des objectifs "leaders" ont aussi été mis en place, pour créer une concurrence entre les pays. "Certains ont voulu montrer qu'ils étaient en avance et se sont battus pour dépasser les benchmarks."
Il a fallu ensuite unifier les indicateurs de performance utilisés à travers le monde. "Rien n'était comparable, tout le monde mesurait les choses différemment. C'était impossible de comparer les actions et de définir des best practices" se souvient-il. Désormais, un "Digital Analytics Dashboard" se concentre sur 20 KPIs de mesure de la performance digitale, pour comparer, par exemple, les résultats des campagnes de search menées en Australie et en Allemagne, et faire remonter des guidelines et best practices. En parallèle, une centaine d'indicateurs mesurent les performances business de chaque filiale.
Avec ses activités dans l'électronique grand public ou la santé, Philips se retrouve tout naturellement au centre de la tendance de l'Internet des Objets. "Demain, les consommateurs demanderont davantage de choses en échange de leurs données personnelles. L'une de leur exigence sera la sécurité et la protection de leur vie privée, surtout dans le domaine de la santé." Les directives du groupe sur ce sujet sont claires : ce sont les règles hollandaises qui s'appliquent. Elles sont bien plus contraignantes que celles qui prévalent aux Etats-Unis. "Et vous devriez me voir avec mes collègues asiatiques... mais c'est important que ces sujets soient au coeur de notre organisation."
Deux ans après son arrivée, Blake Cahill tire un bilan positif de ce "cheminement numérique" : "à mon arrivée, il y avait 18 à 24 mois de décalage entre les pays matures et les autres. Avec le programme, nous l'avons réduit à 12 mois. On devrait arriver à 6 mois bientôt. Il le faut, car les choses changent tellement vite : nous avons besoin d'une organisation qui avance plus vite."
Benoit Zante