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11/12/23

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La mesure, le talon d’Achille des « jardins clos »

Qui ?
Patrick Buffard, Directeur Général Adjoint Marketing, Commercial, Digital, Opérations chez ‎La Française des Jeux, Thibaut Portal, Global Media Hub Leader de Pernod Ricard, Florence Trouche, directrice commerciale de Facebook France, Sophie Poncin, directrice d’Orange Advertising et Présidente du SRI, Philipp Schmidt, directeur exécutif de Prisma Média Solutions, Valérie Morrisson, présidente du CESP, Philippe Balladur, Directeur Media France chez Coca-Cola, Guillaume Charles, DGA de M6 Publicité, Sylvia Tassan-Toffola, Directrice générale déléguée aux opérations commerciales de TF1 Publicité.

Quoi ?
L'un des sujets au coeur de la conférence Grand Format organisée par Petit Web le 28 février 2017 chez Unibail-Rodamco, avec le soutien d'AOL, FranceTV Publicité, FreeWheel, M6 Publicité, Prisma Média Solutions, le SRI et TF1 Publicité.

Comment ?

"La mesure va être mon challenge des années à venir" : c'est la conviction de Thibaut Portal, de Pernod Ricard, un annonceur qui consacre 70% de ses investissements digitaux mondiaux (30 à 35% du budget média global) à Google et Facebook, tout en misant aussi sur des accords en direct avec des éditeurs locaux. "Les standards de mesure sont différents sur chaque plateforme, pour le moment on fait avec... Mais cela va devenir un sujet pour nous. Dans les pays, les équipes sont arrivées à maturité et se posent la question de la mesure" constate-t-il.

La mesure, une question cruciale et très polémique... Avec la masse de données à leur disposition, les plateformes web ont pourtant fait de la mesure de la performance l'un de leurs points forts. C'est aussi l'une de leur faiblesse : comment un même acteur peut-il à la fois vendre de la publicité et mesurer son efficacité ? En octobre 2016, Google a perdu son accréditation MRC au Etats-Unis pour deux de ses indicateurs de mesure. Quant à Facebook, il a reconnu pas moins de 6 erreurs fin 2016 sur des indicateurs transmis au marché. Pire : en Australie, à la suite d'un audit, le nombre de vues mesurées sur la plateforme a été réduit de 94% et le DG a démissionné.

FacebookFrance&Metrics-February2017

Facebook s'explique...

Sous le feu des projecteurs sur ce sujet sensible, Florence Trouche s'explique : "en 2016, il y a eu 6 erreurs identifiées sur les 2 800 indicateurs que nous donnons aux annonceurs et aux agences. On les a annoncées peut-être de façon maladroite, mais on ne peut pas nous critiquer pour avoir été transparents. Oui, nous nous sommes trompés, nous le disons et nous essayons de rectifier le plus vite possible." A l'écouter, l'erreur la plus commentée - sur la durée de complétion des vidéos - concernait une mesure "que personne n'utilisait", car Facebook préfère concentrer ses efforts à mesurer "ce qui compte vraiment" : l'impact sur les ventes ou l'évolution des items de marques des annonceurs. Et d'expliquer : "la visibilité  n'est pas un indicateur pour nous : ce n'est pas forcément la durée d'exposition qui permet de générer de l'impact, mais plutôt le bon ciblage et la bonne création."

Un parti pris qui étonne Sophie Poncin, du SRI : "Pourquoi les annonceurs qui achètent auprès des régies membres du SRI mettent-ils la visibilité en tête de leurs critères, et l'oublieraient lorsqu'ils achètent sur Facebook ? C'est une notion tellement importante pour les annonceurs qu'elle est souvent une clause de sortie du plan média". Ce à quoi Philippe Balladur, de Coca-Cola, répond en affirmant que Facebook pose moins de question de visibilité que d'autres environnements.

... et riposte

Florence Trouche explique que depuis les annonces successives d'erreurs de Facebook, "la mesure est au centre de toutes les préoccupations de l'entreprise". La plateforme a ainsi pris quatre engagements :
- clarifier les définitions des indicateurs utilisés et les méthodes employés
- poursuivre sa collaboration avec l'écosystème
- renforcer la vérification par des tierces parties
- collaborer avec l'écosystème pour améliorer ses solutions.

Un "Global Measurement" Council a ainsi été constitué et une déclinaison française verra le jour. Un "Measurement Summit" sera organisé à Paris en avril pour communiquer sur le sujet. Et les outils pédagogiques pour expliquer les indicateurs utilisés ont été refondus. Facebook va poursuivre sa collaboration avec les instances interprofessionnelles - en France, l'IAB, la Mobile Marketing Association, Médiamétrie - et renforcer la vérification par des tierces parties. Enfin, la plateforme vient d'annoncer son adhésion au CESP, l'organisme qui audite et contrôle les études médias en France.

Valérie Morrisson, la présidente du CESP explique : "le digital mêle outils propriétaires et outils standards, alors que sur les autres médias, une mesure unique est acceptée par tous. Cela pose la question du contrôle des mesures : le CESP est là pour garantir la qualité des indicateurs utilisés par le marché. Google, par exemple, est adhérent depuis plusieurs années. Avec Facebook, nous sommes en train de définir les contours de l'audit." L'audit de Facebook par le CESP est un pas en avant pour rétablir confiance et transparence.

Jusqu'où iront les auditeurs ?

Philipp Schmidt, de Prisma Media Solutions, soulève un lièvre  : les auditeurs pourront-ils aller directement à la source des données (en posant un pixel de tracking) ou se borneront-ils à vérifier les données fournies par la plateforme ? Bonne question : dans les faits, personne ne rentre dans le jardin clos Facebook. Officiellement pour empêcher la fuite des données. Et pourtant Amazon, qui possède des données encore plus précieuses, permet le contrôle en son sein. "Nous ne cherchons pas à rentrer dans les secrets des algorithmes, mais nous pouvons comprendre les sources utilisées et la façon dont elles sont traitées" précise ainsi Valérie Morrisson.

Rien à voir avec les contraintes auxquels sont soumis d'autres médias, estime le directeur exécutif de Prisma Média Solutions : "dans la presse magazine, l'OJD vient vraiment chez vous pour vous auditer et regarder vos chiffres. Vous ne les invitez pas à venir chez vous, ils viennent d'eux-même."

Vers une mesure standardisée ?

Outre la question de la fiabilité de la mesure, se pose aussi celle de son uniformité. "Il est indispensable de pouvoir s'appuyer sur une mesure qui soit commune et partagée, ça crédibilise, ça rassure, et ça permet d'avoir à la fois la transparence et la confiance" estime Philippe Balladur, qui place en premier sur la liste la mesure de la couverture sur cible. "Les annonceurs sont de grands rêveurs, ils voudraient une mesure qui réunisse tout en un, mais nous sommes aussi pragmatiques : nous utilisons les outils à disposition. En discutant avec les acteurs, on peut mieux cerner les forces et les faiblesses de chacun."

"Avec les jardins clos, on se retrouve à comparer des choses qui ne sont pas comparables : il y a des choses à faire pour assainir le marché" explique Guillaume Charles de M6. Et d'expliquer qu'il est difficile de comparer les 90% de complétion d'une vidéo de 6 secondes sur les réseaux sociaux avec 90% d'un spot de 30 secondes diffusée avant une émission en Replay... Il regrette que dans le domaine de la vidéo, une définition commune existe - le GRP vidéo, mais elle n'est pas appliquée, car certains acteurs l'ont refusée... "Tout le monde y travaille, confirme Sylvia Tassan-Toffola, de TF1. On y met tous beaucoup d'énergie, mais c'est une frustration de se dire qu'en 2017, nous n'avons toujours pas un GRP vidéo normé..."

L'économétrie au secours de la mesure de la performance

Pour unifier ses mesures et ne pas être dépendant des dashboards fournis par les Facebook et Google (10% des investissements médias totaux du groupe), la Française des Jeux a fait le choix d'un outil économétrique qui analyse les investissements médias, quels que soient les canaux. L'outil, lancé fin 2016 intègre notamment la publicité, la promotion ou encore le montant des jackpots. Patrick Buffard détaille : "il nous permet de voir sur quelle marque il vaut mieux investir, où est le meilleur ROI, la contribution de chaque média à notre activité..." Et ce, avec deux critères : le chiffre d'affaires et le nombre de clients. Les premiers résultats donnent des orientations : "la complémentarité idéale est dans le bi-média, entre la télévision et le digital : c'est le mix vers lequel on évolue majoritairement."

Benoit Zante

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