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Comment le télétravail pourrait menacer la diversité

Qui ? 
Marie Canzano, fondatrice de Digital Jobs.

Quoi ? 
Une tribune en forme de point d'étape et de mode d'emploi du télétravail.

Comment ?
Après des mois de questionnement sur le sujet, la réponse est unanime,  y compris dans les grandes entreprises : le télétravail est désormais intégré de façon systématique dans l’organisation du travail.

Il semblerait que les entreprises aient lu, analysé et écouté les besoins exprimés par leurs collaborateurs : huit salariés sur dix veulent pouvoir pérenniser un mode hybride, où ils pourraient télétravailler un à trois jours par semaine (Etude Opinion Way pour le cabinet Empreinte Humain, mai  2021).

L’ANDRH (Association Nationale des DRH) s’est à son tour emparée de ce sujet et nous livre sous forme de synthèse ses 5 facteurs clefs de succès pour ce modèle hybride:

  • Oublier de façon définitive le » modèle d’avant »
  • Formaliser la nouvelle organisation du télétravail par écrit : quels métierssont  concernés par le télétravail, dans quelles conditions il s'effectue, à quelle fréquence, quels sont les outils offerts aux collaborateurs..
  • Veiller aux conditions de travail des collaborateurs
  • Accompagner le management à distance
  • Préserver la cohésion sociale: « L'un des grands défis que nous allons avoir à relever dans cette organisation hybride sera de cultiver le lien entre ceux qui pourront et ceux qui ne pourront pas télétravailler. L'enjeu étant d'éviter de recréer une fracture entre cols-bleus et cols blancs», explique Audrey Richard, présidente de l’ANDRH

Reste à savoir où mettre le curseur :

-Le full télétravail : une piste qui ne sera pas retenue (ou à la marge)
La solitude est le principal inconvénient du télétravail dans tous les pays étudiés. Si les employés souhaitent retourner au bureau, c’est avant tout pour renouer avec leurs collègues. Le sentiment d’appartenance est en effet le principal facteur de productivité et d’engagement à l’égard de l’organisation.
Comme le souligne Sandra Garcia, consultante chez Steelcase , « le lien social est source de confiance. La sérendipité et la collaboration impromptue enrichissent le travail créatif et accélèrent l’innovation ». L’espace de travail doit promouvoir les interactions et favoriser l’acceptation du changement, qui fait partie intégrante de la culture d’entreprise

-Le digital-nomadisme fait couler beaucoup d'encre, mais il ne concerne que les free lance. Pour des raisons fiscales (si votre contrat de travail est régi par le droit américain, vous ne pouvez pas  travailler depuis le Costa Rica) et sociales/sanitaires (vous êtes affiliés à la sécurité sociale du pays de votre contrat de travail) , même les poids lourds de la Tech (Google/ Facebook/ Microsoft) ne s’aventurent pas dans cette voie. Les visas de digital nomade qui ont été créés par une trentaine de pays dans le monde s’adressent bien aux free lances, pas encore aux salariés.

-Le modèle hybride : plébiscité à la fois par les collaborateurs et les entreprises
La combinaison 3 jours au bureau / 2 jours en télétravail est en train de remporter la mise, au moins dans les grands groupes et les entreprises de taille intermédiaire.

Bien sûr, les pure players du web –start up ou scale up- pourront proposer jusqu’à 3 jours de télétravail par semaine, mais ils ne semblent pas majoritaires. La question qui est posée de façon générale : doit-on imposer des jours fixes de télétravail ou en laisse t-on le choix au collaborateur  ?
Dans un article publié en juin dernier, la Harvard Business Review recommande d’imposer aux collaborateurs des jours fixes de présence au bureau.
En effet, quand lors d’une réunion d’équipe, certains sont derrière un écran en télétravail et d’autres dans une salle de réunion, ensemble, il y a nécessairement un moment ou la proximité physique créent des liens plus forts, où le « non-dit » est davantage perceptible en face à face physique. In fine, le risque est fort de voir naitre une certaine frustration auprès des membres de l’équipe en télétravail qui ne bénéficient pas du debrief « on the spot » à la machine a café ou autour d’une salade à déjeuner.
Parmi les diplômés de l'enseignement supérieur ayant de jeunes enfants, les femmes souhaitent travailler à domicile à plein temps dans une proportion de près de 50 % supérieure à celle des hommes.  Mais elles courent un risque important. Nicholas Bloom (Professeur d’économie à Stanford) a constaté que les collaborateurs qui travaillent à domicile ont un taux de promotion inférieur de 50 % après 21 mois par rapport à leurs collègues de bureau.
Une solution intéressante, selon nous, serait de demander à chaque manager de définir avec son équipe deux jours fixes dans la semaine parmi les 3 jours de présence au bureau. Charge au collaborateur de choisir lui-même le troisième jour ou il viendra.
A l'entreprise, la vision globale : pour éviter  que les managers de l’entreprise ne choisissent tous les lundi et jeudi en présentiel obligatoire ! Ce qui créerait des bureaux bondés, deux jours par semaine, et quasi vides le reste du temps.

-Le Flex Office, nouveau terrain d'affrontement 
Pour rappel, le « flex office » consiste à se débarrasser du concept des bureaux attitrés et de permettre à chaque salarié de choisir tous les jours le bureau où il souhaite travailler. Ce système s'avérait pratique avant la pandémie. Mais il n'est plus vraiment pertinent en cas de travail hybride.
Si 55% des entreprises (Sondage Deskeo en mars 21) envisagent de passer prochainement au Flex Office, seules 16% l’ont adopté.
Un rêve pour l’entreprise, qui peut imaginer économiser en surface de bureaux et en en avantages salariaux offerts dans les bureaux et qui n’ont pas de sens en télétravail. Une « galère » pour le collaborateur, pour qui la présence au bureau se justifie essentiellement par l’envie de nourrir des liens avec les équipes avec lesquelles il travaille. Se retrouver au bureau à partager le quotidien d’une journée avec des collaborateurs avec qui il n’échange pas sur ses projets en cours réduit les bénéfices de sa présence.
La plupart des entreprises s’organisent pour intégrer au mieux 2 à 3 jours de télétravail par semaine . La manière dont elles le mettent en oeuvre sera un grand levier d'attrait et de fidélisation des équipes. Notre conseil : penser "humain" d'abord, "immobilier" ensuite.

Marie Canzano 

 

 

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