Qui ?
Nicolas Dessaigne, co-fondateur et PDG de la start-up française Algolia, qui a levé 53 millions de dollars en juin 2017.
Quoi ?
A Slush 2017, le récit de la construction d'une culture d'entreprise, autour de 4 valeurs clé qui s'incarnent dans l'entreprise, du processus de recrutement à la messagerie interne.
Comment ?
Nicolas Dessaigne et Julien Lemoine ont créé Algolia en 2012, à Paris, avec une idée : permettre aux entreprises de disposer de moteurs de recherche efficaces au sein de leurs sites, applications ou logiciels. Au fil du temps, l'outil a convaincu plus de 3 000 clients à travers le monde, aussi variés que Birchbox, Quiksilver, ALittleMarket ou Stripe, pour n'en citer que quelques-uns. Au printemps 2017, la start-up a reçu un coup de boost supplémentaire, avec une levée de fonds de 53 millions de dollars menée, auprès notamment du fonds d'investissement américain Accel.
Algolia compte désormais des bureaux dans 6 villes en Europe et aux Etats-Unis, et son siège social a été déplacé à San Francisco en 2014. "Nous sommes maintenant 170, alors qu'à la fin de 2016, nous n'étions que 65" explique Nicolas Dessaigne. Une phase d'hyper-croissance particulièrement critique à gérer pour un entrepreneur qui a toujours mis l'accent sur l'humain et la culture. "Entretenir une culture d'entreprise n'est pas évident quand la moitié des gens de l'équipe n'était pas là il y a six mois... Mais en même temps, avoir une culture forte nous aide beaucoup dans notre croissance."
"Depuis le premier jour, on a commencé à travailler sur la culture de l'entreprise : avant même de parler du produit, on a passé une demi-journée entre co-fondateurs à discuter de l'entreprise que l'on voulait créer ensemble." Au cœur de cette culture se trouve le concept de "ownership", c'est à dire des équipes autonomes et responsabilisées, "qui se comportent comme des 'owners', prennent des initiatives, n'hésitent pas à sortir de leurs zones de confort." Une philosophie qui a fonctionné naturellement jusqu'au passage du cap des 10 employés. Là, la notion de "ownership" a du être mieux définie : "nous avons donc décidé d'écrire notre culture, en commençant par une page wiki où on expliquait ce qu'on entendait par 'ownership'."
Un second cap a été franchi avec la trentaine d'employés. "Tout le monde parlait de culture tout le temps, mais personne ne comprenait vraiment ce que ça voulait dire. C'est aussi le moment où nous avons introduit des managers, alors qu'avant, on avait une organisation plate." La solution a été de codifier très clairement les valeurs de l'entreprise et de les incarner au quotidien. Cette démarche a ensuite facilité les choses lors de la phase d'hyper-croissance et d'internationalisation.
Cinq valeurs ont été choisies, toutes reliées entre elles :
- "Grit" : "on veut des gens qui essayent encore et encore, pour qui les problèmes sont des opportunités d'apprendre et de grandir."
- "Trust" : "pour avoir des 'owners', il faut faire confiance aux gens, mais aussi être extraordinairement transparent. Par exemple, tout le monde dans l'entreprise sait combien on a d'argent en banque."
- "Care" : "c'est par exemple avoir les commerciaux et les développeurs qui travaillent ensemble, ils forment une seule équipe."
- "Candor" : "parler, dire les choses, c'est très important pour nous. C'est être totalement honnête, donner autant de retours que possible."
- "Humility" : "c'est ce qui nous aide à définir notre entreprise. Par exemple, vous devez être humble dans vos retours, car vous savez que vous pouvez aussi avoir tort."
L'incarnation de ces valeurs prend de nombreuses formes, que ce soit dans le processus de recrutement ou les façons de travailler. Par exemple, le gros des équipes est encore à Paris, mais depuis longtemps la langue de l'entreprise est l'Anglais. Un moyen de recruter des talents dans toute l'Europe, mais pas seulement : "cela correspond à la logique du 'care' : vous ne pouvez pas parler Français devant des gens qui ne parlent pas la langue." Plus anecdotique : sur Slack, l'outil utilisé par les équipes pour collaborer, des émojis ont été créés pour représenter chaque valeur. "Cela peut sembler un peu bête, mais ça a un très fort impact : les valeurs sont visibles au quotidien. Et une fois que les valeurs deviennent naturelles, vous n'avez plus besoin de les expliquer."
Le processus de recrutement est aussi utilisé pour illustrer et transmettre les valeurs de l'entreprise. "On commence par un échange téléphonique d'une demi-heure pour s'assurer que le candidat est compatible avec nos valeurs : si vous ne faites pas ça en premier, il est difficile de convaincre quelqu'un de passer du temps à réaliser des exercices de recrutement." Les exercices permettent de valider les compétences, mais le processus ne s'arrête pas là : il se poursuit par une session d'entretiens pendant une journée, dans les bureaux d'Algolia, pour valider définitivement le "culture fit". "Le processus est assez intense, mais ceux qui vont jusqu'au bout adorent, ils ont l'impression de faire déjà partie de l'entreprise. Quand ils nous rejoignent, il n'y a aucune surprise, ils ont appris à nous connaitre au fil du recrutement."
Pour s'assurer que la culture soit bien homogène entre les différents bureaux, les fondateurs voyagent beaucoup, et encouragent tous leurs collaborateurs à faire de même. "On incite tout les collaborateurs, quel que soit le poste, à voyager dans un autre bureau au moins une fois par an." Un dernier conseil ? "Investissez dans vous-même, en tant que manager : ne sous-estimez pas à quel point le fait d'être 5% meilleur peut aider tout le monde à être meilleur."
Benoit Zante