Qui ?
Jennifer Baert, directrice de l’information et de l’analyse crédit du groupe Euler Hermes (Allianz).
Quoi ?
La façon dont, entre data Hunters et open data, le leader de l'assurance crédit traite le nouveau paysage de la donnée.
Comment ?
Euler Hermes assure les échanges commerciaux entre ses 50 000 clients et 83 millions d'entreprises dans 160 pays. " Nous collectons de l'information et analysons la santé financière des clients de nos clients. Nous conseillons nos clients sur la gestion de leur poste clients, et nous sommes les seuls consultants à payer si nous nous trompons, puisqu’avec une police d’assurance-crédit, si une facture demeure impayée malgré nos actions de recouvrement, nous indemnisons nos clients. Avant l'ouverture et l’explosion des données disponibles sur les entreprises, nos données étaient essentiellement propriétaires. C'était une barrière à l'entrée pour l'assurance-crédit. Cette barrière est tombée" explique Jennifer Baert, directrice de l'information et de l'analyse crédit chez Euler Hermes. Mais l'ouverture des données apporte aussi de nouvelles datas prédictives d’un potentiel défaut et donc pertinentes pour l'activité de l’assureur crédit. "Le premier constat accentue le besoin d'aller chercher ces nouvelles sources de données, pour renforcer notre expertise et conserver notre leadership mondial. Avant, quand on analysait la solvabilité d'un restaurant par exemple, on s'appuyait au mieux sur les comptes publiés un ou deux ans auparavant. Pour analyser la solvabilité d'un restaurant aujourd’hui, les avis Trip Advisor ou l'open data des inspections sanitaires donnent des données bien plus fraiches". Un autre exemple ? "Demain, on pourra analyser le taux d'occupation des parking, avec les images aériennes, pour évaluer la santé financière des chaînes de supermarchés. Ça se fait déjà aux Etats-Unis".
Ainsi est apparu un nouveau métier, celui de chasseur de données, pris en charge par les analystes crédit du groupe. 650 analystes crédit se forment et se spécialisent dans la recherche de données. Le métier d'analyste crédit comprend maintenant un pan entier de chasse de données, davantage en open data ou en partage de données que sur les réseaux sociaux.
"Les données des réseaux sociaux n'ont pas encore démontré de valeur tangible. Quand on a 83 millions de sociétés à évaluer, avec des modèles d’intelligence artificielle, on a besoin de données structurées. Et chercher des données sur les réseaux sociaux revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. C'est pour cela que nous avons beaucoup investi en open data et en partage de données". Le groupe Euler Hermes a commencé à donner l'exemple en publiant ses propres données, suivant la maxime "nous avons plus à gagner collectivement à ouvrir nos données qu’à les garder pour nous". Le mouvement de l'open data s'est accéléré avec l'élection d'Obama. "Mais il y a tellement de données qui ne servent à rien. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec des chercheurs d'HEC, en leur demandant quelles données sur le commerce international (950 milliards d’euros de flux commerciaux) seraient utiles pour leur recherche". Les chercheurs ont donc pu travailler sur des scénarios économiques à partir de données réelles, puisqu'Euler Hermes a ouvert ses données relatives aux flux commerciaux qu’elle capte et aux incidents de paiements relatifs à ces flux par pays et par secteur d'activité, sur 3 ans. "Tout comme nous allons chercher des nouvelles données publiées par d’autres pour notre analyse crédit, nous sommes ouverts à ouvrir nos propres données si des gens sont susceptibles d'être intéressés et nous en font la demande.
Le nouveau chantier de Jennifer en 2020 ? "Le data sharing ou data pooling. Nous n'aurons jamais la taille des GAFA, mais nous pouvons mettre en commun nos données avec d'autres acteurs". Toutes les données ne se prêtent pas à être ouvertes à tous, mais elles peuvent l’être à un certain nombre de contributeurs. La mise en commun peut concerner aussi la maison mère d'Euler Hermes, Allianz, car "les données qui servent pour l'assurance-crédit peuvent servir à d’autres lignes d'assurance et vice-versa. Il y a plein de cas d’usage des nouvelles données à imaginer, par exemple dans l'assurance habitation en comparant les superficies déclarées dans les ventes notariales désormais ouvertes avec les superficie déclarées par les assurés."