Qui ?
Guillaume Tollet, Executive Director chez fifty-five
Quoi ?
Le point sur les « cookie-walls » installés au 31 mars dernier, et l’avenir du ciblage publicitaire, qui sera protéiforme.
Comment ?
Que se passe-t-il sur le front des cookie-walls depuis l'entrée en vigueur des directives de la CNIL ?
Les grands sites de presse ont mis en route leurs cookie-walls, avec des premiers bad buzz, en particulier concernant des acteurs comme AlloCiné.
https://twitter.com/Ghost51365175/status/1382590792506703873
Il faut restituer le contexte : en juillet 2019 la CNIL avait durci le ton sur les cookies, en publiant ses nouvelles lignes directrices. Dans cette première version, elle estimait que les cookie-walls étaient interdits. Par la suite, neuf associations professionnelles ont déposé un recours devant le Conseil d'État. Et le 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a estimé que la CNIL était allée trop loin dans ses prérogatives sur les cookies-walls. Cette dernière a ensuite décidé que « le recours à un cookie-wall doit être apprécié au cas par cas ». Une phrase volontairement floue, laissant à la CNIL toute latitude pour apprécier les situations à sa guise. La plupart des éditeurs ont alors mis en place ce que nous pourrions appeler des des « cookies alternatives walls » : soit vous acceptez les cookies, soit vous vous abonnez au service proposé. Par exemple, 2€, pour AlloCiné, qui est un site originellement gratuit. Un message qui n’est pas bien passé auprès des internautes, qui n’ont pas saisi la pertinence du « alternative wall » … Pour réussir à améliorer son taux d’acceptation, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la légalité du message (je respecte les dernières recommandations de la CNIL), l’aspect pédagogique (j’arrive à expliquer à l’internaute quelle est la valeur des cookies) et une expérience utilisateur (je rends mon message compréhensible et attrayant) qui soit la plus intégrée possible. Ce pari n’a pas encore été remporté par AlloCiné.
D’autre , comme L'Obs ou l'Internaute, qui ont adopté une toute autre démarche. Ils proposent d'accepter ou de refuser les cookies, mais de rattraper l'utilisateur plus tard s'il les a refusés, en affichant un bandeau explicatif et pédagogique afin de rappeler l’importance de la publicité ciblée dans la génération des revenus des médias.
La stratégie de groupe a-t-elle fait oublier l'expérience utilisateur ?
En effet, les groupes de presse ont adopté une seule posture globale, alors qu'ils auraient sans doute dû adapter les messages et les stratégies par marque (et donc par cible). Dans les prochains mois, il y a fort à parier que les éditeurs adapteront leur stratégie de manière plus granulaire, en analysant les taux de conversion, ainsi que les revenus générés et perdus par la mise en place de ces « cookie alternatives walls ». En effet, tous les acteurs n’ont pas géré la période d’adaptation de la CNIL de la même manière. Il y a eu les « early adopters », qui ont anticipé les conséquences depuis quasiment un an, et pu tester différentes approches, et les pragmatiques, qui ont attendu la dernière version des lignes directrices la CNIL, en octobre 2020. Enfin les retardataires, qui se sont penchés sur le sujet seulement en janvier 2021 et ont dû rapidement rattraper le retard en priorisant leurs actions, avec des prestataires de CMP souvent débordés.
Le légal n'a pas non plus favorisé la qualité des messages...
La potentielle crainte d’une forte amende et du « name shaming » expliquent sans doute la frilosité des messages et le peu d’originalité actuel des bannières de cookies. En effet, la CNIL a imposé une injonction paradoxale : que les messages soient à la fois très précis sur les finalités, mais aussi facilement compréhensibles par un internaute lambda. Aujourd’hui, au sein des entreprises, c’est bien entendu le juridique qui a le dernier mot et qui ne souhaite prendre aucun risque sur la réglementation des cookies. Face à ce chantier d’optimisation du langage et à cette double contrainte, pas facile de trouver l’équilibre. Le comportement de l'utilisateur final aurait dû être au centre de la stratégie, mais il a été très souvent oublié. Mais ce n’est que partie remise, et beaucoup de choses risquent de changer dans les semaines à venir.
Combien le marché a-t-il perdu en termes d'identification des visiteurs ?
Le taux de refus moyen des cookies pour un bandeau optimisé est de l'ordre de 30 à 35 %. Mais attention, il y a un risque que ce taux de refus augmente, car les internautes pourraient s’habituer dans les prochains mois au format du bandeau « continuer sans accepter » !
De nouveaux acteurs, comme Gum Gum ou Seedtag, entrent dans le champ du ciblage contextuel...
Aujourd'hui, le marché publicitaire est à un véritable tournant. Le monde des cookies va continuer à perdurer, mais va être de moins en moins performant, et les innovations comme le ciblage par cohorte, chez Google (FLoC), ou les nouvelles APIs de Facebook, ne sont pas encore opérationnelles ou totalement adoptées par les marques. A l'avenir, trois ciblages vont donc se combiner : le ciblage individuel, qui va continuer et sera certainement associé à un second type de ciblage moins intrusif, dit de cohorte (groupe d’utilisateurs similaires), mais nous verrons aussi ressusciter le ciblage contextuel, modernisé avec l’apparition de nouveaux acteurs.