Qui ?
Albert (et sa dirigeante Jasmine Presson) et Zeta, deux acteurs très à la mode qui marient IA, publicité et CRM.
Quoi ?
Un point sur le modèle de ces technologies US qui intéressent de plus en plus les annonceurs européens et font peur, à tort à ou à raison, aux agences média.
Comment ?
Les promesses d’automatisation de la chaîne de l’engagement consommateur se multiplient, avec leurs corollaires d’enthousiasme et de craintes. Maîtriser en optimisant ce que l’on appelle la “life time consumer value” grâce à l'Intelligence Artificielle ? Mieux comprendre les performances des campagnes, accélérer le processus de décision marketing ? Le Saint Graal… Personnaliser des campagnes à l’individu, au contexte permet de suivre un process de décision consommateur rendu complexe, notamment du fait de la dissémination des interfaces et des canaux de distribution.
90% des dirigeants interrogés par l'EIU prédisent que l’IA va impacter la croissance de leurs marques et, pour 86%, leur productivité. Mais sans de bons outils d’IA, la collecte massive de données ne générera pas de résultats opérationnels. Le marché des outils d’I.A va passer de 5,4 Mds$ en 2017 à plus de 105 Mds$ à horizon 2025 (source : Tractica). Quand le nombre de marques et de retailer a explosé, que le consommateur est submergé par le choix et que les coûts d’acquisition augmentent, le nerf de la guerre, c'est la simplification. Les outils d’automation marketing, grâce à l’IA, veulent simplifier le "decision support".
Albert Technologies est une start-up Israélienne, créée en 2010 par Or Shani. Elle propose une plateforme “d’autonomous-a.i.” pour le marketing. L'objectif ? Automatiser de bout en bout les campagnes de communication des marques. Certes, mais qui le fait ? Selon l'étude de Forrester publiée début mai, 88% des marketers utilisent l’IA, mais seulement 26 % d’entre eux utilisent des outils automatisés dits “autonomous a.i.” qui autorisent des approches beaucoup plus simples, collaboratives et holistiques. Aux USA, 35% des directeurs Marketing ont internalisé une partie de leur Marketing Digital créatif et média mais ils rencontrent des soucis pour passer à l’échelle (24 % sont déjà dans le process de le faire et 42% des marketeurs envisagerait la démarche). 21% des marketeurs ont une agence digitale interne, mais ils ont du mal à recruter des talents.
En effet, parmi les problèmes des marques et de leurs directeurs marketing, la multitude d’outils et d’acteurs en IA, la difficulté à recruter des talents dans le domaine, des ressources limitées et l' “accélération technologique”. Ces difficultés pourraient être résolues en utilisant une plateforme autonome, non majoritairement gérée par des humains qui permette comme Ant Financial le fait déjà, de gérer 8 000 créations différentes par minute. Ou comme Alibaba le propose, de générer des milliers de vidéos produits à la demande.
Ces outils autonomes font des propositions, posent des questions et proposent des campagnes intégralement automatisées et optimisées dans leur orchestration, leur exécution, et ce sur une période évolutive. L’aide à la décision est soutenue par des insights quasi temps réel, ce qui permet de réaliser des actions marketing et d’analyser leurs résultats, avec une réflexivité instantanée. L’autonomisation des outils porte également la promesse de libérer les décideurs des tâches à faible valeur ajoutée. Elle leur permet ainsi de se consacrer, avec plus d’agilité et de façon plus productive, à construire une CRM durable propice à une “life time consumer value” évoquée plus haut.
En matière de CRM, justement, Zeta Global est une société à suivre de près. Et pas uniquement parce que John Sculley, l'ancien patron d'Apple, fait partie des membres fondateurs. Depuis douze ans, elle veut manager le “customer life cycle”, suivre le prospect partout, en l’engageant auprès de la marque dans une logique multicanal. La société a réalisé une importante somme d’acquisitions, dans les domaines de l’IA, du machine learning et des AdTechnologies. Dont Disqus, qui répond à la demande des marques de toucher de larges audiences sur des plateformes sociales, mais aussi des individus par centre d' intérêt, en fonctions des sites sur lesquels ils laissent des commentaires. Ou Temnos, société d’I.A. spécialisée dans les technologies sémantiques, qui analyse le langage et affine encore le ciblage, à la recherche de moments de vie comme un mariage ou un déménagement.
La société compte 26 bureaux, 1 400 salariés, dont 700 à Hyderabad en Inde. Évaluée à quelques $1,3B, la BDD Zeta est riche de 350 millions d’individus (350 millions, qui dit mieux ?) auxquels elle s'adresse en SMS, sur les media sociaux, en fonction de leurs interactions. La société ne vend pas de données à des tiers et a surligné son engagement éthique en recrutant Ben Hayes, l’ancien Chief Privacy Officer de Nielsen. Ses clients ? Des assurances, comme The Life Insurance Firm, qui développe des modèles de “interest segmentation” de façon à mieux déterminer les préférences de contenu des utilisateurs, basée sur leur activité online.
Aujourd'hui, les Albert ou Zeta collaborent avec les agences, mais pour combien de temps ? L’argent des Venture Capitalists coulant à flot, notamment dans le domaine de l’IA, des sociétés comme Zeta Global n’ont aucun mal à se capitaliser et de gagner en présence internationale. Le marché a fait la mue de la Data à l’Insight, le souhait de Jasmine Presson, sa SVP, qui vient de mediacom, est de passer de la Data à la Stratégie…
Oui mais, les agences médias elles aussi utilisent l'intelligence artificielle, font des mouvements audacieux comme Publicis avec le récent rachat d'Epsilon, pour 4,4 Mds $. Agences comme sociétés tech sont dans une course contre la montre : passer à l'IA automatisée suppose de changer les habitudes. Même si elles sont bien financées, les start-up de l'IA atteignent parfois leurs limites : une start-up comme Albert a brûlé beaucoup de cash : spin off d'Adgorithm, qui a levé 42 M$ à la Bourse de londrès, sur une simple vision. Après quatre ans d'activité, elle fait moins de 5M$ de revenus et a perdu 12 M$, son cours de bourse est 12 % de ce qu'il était à l'introduction.
Alors, entre agences médias et start-up IA de la pub automatisée, rira bien qui rira le dernier.
Clément Labréa