Quand la Chine dicte l’avenir du commerce mondial…

Qui ?
Pascal Boniface fondateur de l'institut des relations internationales et stratégiques, Elisabeth Cunin Pdg de Kiabi et Franck Lebouchard, Dg de Devialet.

Quoi ?
La journée Retail project de Diamart s'est penchée sur la géopolitique.

Comment ?
Diamart accompagne les distributeurs et les marques dans la transformation digitale. Nous étions à leur journée annuelle. Cedric Ducrocq a choisi une perspective de géopolitique, pour sortir le nez des acteurs du commerce de leur guidon : "Il y a quinze ans missions prospectives, mais depuis 5 ans, ce sont surtout des missions de réglage business. Il y a 15 mois, la France a dû abandonner 15 milliards d'activités en  Russie, en quelques mois. La géopolitique concerne aussi les acteurs du commerce, elle n'est plus une affaire de spécialistes". Pascale Boniface, pape de la géopolitique a donc inauguré la journée. "La Russie est coupée de l'Occident et s'est jetée vers l'Asie, alors qu'elle se définissait comme une nation européenne." Va-t-on assister à une reconquête des territoires, à un cesser le feu, ou à l'effondrement ? Une chose est sûre, la Russie est affaiblie par la guerre et la fuite des cerveaux, notamment les spécialistes de l'IT et de l'IA.
L'Ukraine a acquis un statut de candidat à l'Europe alors que son niveau économique et la corruption ne le lui permettait pas. L'Europe subit le coût économique de la guerre et paiera la reconstruction de l'Ukraine. Le modèle allemand construit sur le gaz bon marché, est cassé. La France est aussi perdante, notamment dans ses liens avec la Russie. Les USA ont augmenté leurs exportations. Mais "ils souhaitent que la guerre se termine vite, sinon c'est la Chine qui va gagner". La phase de domination des occidentaux , qui dure depuis 5 siècles, est révolue. Pour les occidentaux, l'Ukraine doit récupérer ses territoires, mais les pays du sud veulent une paix immédiate. La réconciliation entre l'Iran et l'Arabie Saoudite est un succès immense pour la Chine.

La Chine, l'empire au milieu du monde
Depuis la guerre du Péloponnèse, à chaque conflit, les puissances en jeu perdent leur statut. La Chine d'aujourd'hui représente 75 % du PIB américain, c'était 10 % en 2001. "La Chine va doubler les USA."   Dans ce nouveau monde, le seul bloc est l'occident. Les alliances se composent et se décomposent en permanence. Les pays du sud ne veulent plus qu'on leur dicte leur conduite. Et les frontières réapparaissent fortement. L'Allemagne fait davantage de commerce avec la Chine qu'avec les USA. "Peu d'entreprises sont prêtes à faire une croix sur la Chine. Il faut changer nos habitudes, nous ne pouvons plus nous comporter comme avant."
Dans cette ère de l'incertitude, sans pôles clairs qui s'opposent, mais avec des alliances de circonstance, et la résurgence des frontières, les distributeurs alimentaires ont davantage fermé de pas qu'ils n'en ont ouvert.

Bienvenue dans un monde multipolaire et incertain
Passons aux travaux pratiques, avec les marques : Elisabeth Cunin, Pdg de Kiabi résume : "Il y a du protectionisme partout. Le sourcing évolue beaucoup, le Vietnam a remplacé la Chine comme source d'approvisionnement pour le textile. Il varie à échéance de 6 mois, il faut avoir en tête le court terme le moyen terme et le long terme." La façon de construire les budgets a du évoluer, les variations ne sont plus d'une année sur l 'autre de quelques pourcents, mais peuvent aller jusqu'à 20 % . Il y a l'inflation, mais il faut aussi allier écologie et économie".

Franck Lebouchard, Dg de Devialet, a 50 magasins dans le monde, et 2 000 points de vente. Le spécialiste du son haut de gamme qui fabrique les Phantom, réalise 40 % de son chiffre d'affaires en Asie et 20 % en Chine. Et ne dit jamais ce qu'il pense de la situation en Chine : "Je ne réponds jamais aux questions sur Taiwan ou les Ouigours." Devialet a signé un partenariat avec Waiwei, "le jour même, j'ai reçu un appel de l'Elysée. Mais ce partenariat nous avait fait gagner en crédibilité en Chine".

La Chine peut inspirer l'occident par la radicalité de ses process business. Build your dream (BYD) s'est donné pour objectif de faire baisser la température de la planète d'un degré. "Ils sont en train de le faire et ont sorti 80 modèles de voiture électrique en deux ans". L'agilité chinoise est aussi le reflet d'un rythme de travail effréné (un seul samedi par mois est férié). L'accord Devialet BYD, pour sonoriser ses véhicules,  s'est décidé un jeudi. Le samedi, nous avions un premier jet et le lundi nous avons signé. En Europe, cela nous aurait pris, au mieux, trois mois.  Mais le contrat est rediscuté dès le lendemain ! Quand on parle de long terme, il s'agit d'une période de trois ans..."
Autre exemple de l'évolution radicale du continent : "l'argent liquide n'existe plus. On ne peut plus prendre un taxi sans Alipay. Et l'on paie avec la reconnaissance faciale chez McDo."

Les magasins chinois évoluent tous les six mois. Le coréen Gentle Monster, qui vend des lunettes, a choisi de faire de ses magasins le média : la boutique change tous les trois mois. Les clients e prennent en selfie et la communication est instantanée. En France, les magasins  s'offrent un rafraîchissement tous les deux à quatre ans". Du coup, chez Devialet, Paris et Londres suivent la Chine, y compris dans le rythme des nouveaux produits : tous les ans, un Phantom spécial sort pour le nouvel an chinois".

Côté approvisionnement, la majorité des 1 400 composants des Phantom vient de Taiwan. Ce qui représente une grande menace : "S'il y avait une guerre dans ce pays, nos fabricants de voiture seraient à l'arrêt". Or ce secteur pèse 10 % de l'emploi en France.

Enfin, dans la géo-politique, il y a géo, la terre. L'activité internationale pèse 30 % du CA de Kiabi. "Mais faut-il continuer dans la croissance à tout va ? Privilégier le volume ? Comment faire pour la planète ?" Du coup chez Kiabi, on se demande à quoi on sert et cela modifie le rapport avec nos clients. On se demande aussi quoi lui vendre."