Qui ?
Olivier Marcheteau, Directeur Général de Vestaire Collective, ex-CDiscount et Microsoft.
Quoi ?
Le point sur la stratégie de Vestiaire Collective, qui entend devenir la référence de la vente de produits de luxe d'occasion dans le monde, après une nouvelle levée de fonds de 58 millions d'euros.
Comment ?
Et si la France pouvait devenir le siège d'un futur grand du e-commerce mondial ? C'est le pari de Vestiaire-Collective, qui vient d'annoncer une nouvelle levée de fonds de 58 millions d'euros pour accélérer son expansion internationale, portant à 116 millions d'euros les fonds levés depuis la création du site en 2009. Désormais, la marketplace se rêve en leader mondial de l'achat-vente de produits de luxe de seconde main, un marché en croissance de 5% par an, selon Bain&Company.
Si le site repose sur un modèle classique de marketplace reliant entre eux des particuliers, comme Ebay, Le Bon Coin ou PriceMinister-Rakuten, Vestiaire-Collective s'est adapté aux contraintes du luxe, tout en livrant dans une cinquantaine de pays. "Notre modèle est unique et repose sur trois composantes : la sélection des produits, la vérification de l'authenticité et la communauté" explique Olivier Marcheteau. 30% des produits proposés à la vente sont ainsi refusés, car non conformes aux impératifs du site. Toutes les ventes transitent par les "ateliers" parisiens ou new-yorkais pour être expertisées et authentifiées par une équipe de 40 personnes.
70% des transactions sont déjà "cross-borders", réalisées entre des acheteurs et des vendeurs situés dans des pays différents, mais l'arrivée au capital de Vitruvian Partners va encore donner un coup d'accélérateur à l'internationalisation : le fonds a déjà une expertise dans le domaine des marketplaces, avec Farfetch (marketplace de luxe) et Just Eat (marketplace de restaurants). Dans les 18 prochains mois, Vestiaire-Collective prévoit 120 recrutements, notamment en France, avec l'inauguration d'un nouveau centre logistique, mais aussi en Asie.
Pour son internationalisation, la marketplace pourra aussi continuer de s'appuyer sur le groupe Condé Nast, l'un de ses actionnaires - qui n'a pas participé au dernier tour de table. "Nous ne sommes pas une filiale de Condé Nast, mais nous avons une relation privilégiée avec eux : nous bénéficions de leur expertise et ils nous accompagnent sur l'ajustement local de nos stratégies marketing et d'offre." Néanmoins, une intégration plus poussée entre e-commerce et média n'est pas à l'ordre du jour.
Amazon, Alibaba et Rakuten, qui ont tous une offre de marketplace "C2C", pourraient-ils un jour tirer parti de leurs forces de frappe pour investir ce terrain, aux marges confortables ? Le panier moyen, autour de 400 €, a de quoi susciter bien des jalousies... alors que le marché du luxe d'occasion est évalué à plus de 18 milliards d'euros par Bain&Company. "Il n'est pas exclu que notre modèle intéresse les gros acteurs classiques du e-commerce. Ce sont des entreprises qui ont des moyens très importants, mais depuis 8 ans, tous nos efforts sont concentrés à créer des barrières à l'entrée. Celles-ci ne sont pas insurmontables, mais il n'y a pas de raison qu'ils le fassent mieux que nous" estime Olivier Marcheteau.
A défaut d'avoir la puissance d'Amazon, Rakuten ou Alibaba, Vestiaire-Collective a établi des liens étroits avec les marques de luxe - certaines forment les experts du site à la détection des contrefaçons - et s'est déjà constitué une communauté de 6 millions de membres à travers le monde, y compris en Asie où le site n'a pas encore de présence physique. 30 000 nouveaux produits sont proposés chaque semaine et alimentent un catalogue de 600 000 accessoires, vêtements, montres et sacs. "Ces produits méritent un traitement différents des autres articles d'occasion. Reproduire cette proposition de valeur n'est pas impossible, mais demande des investissements conséquents."
Dans le luxe et la mode, Amazon s'est déjà cassé les dents à plusieurs reprises, mais de nouvelles tentatives dans le domaine ne sont pas exclues. Quant à Rakuten, il a développé, en France, avec PriceMinister, un service d'expertise anti-contrefaçon, pour les produits de plus de 300€ en vente sur le site dans les catégories prêt-à-porter, chaussures, montres, sacs et bagagerie. Enfin, l' offensive en France d'Alibaba (lire notre interview) vise notamment à se rapprocher des marques de luxe, échaudées par les contrefaçons disponibles sur Alibaba et TaoBao.
Fort de son expertise, le petit frenchie pourrait-il devenir une proie pour l'un des grands acteurs du e-commerce mondial ? "Nous pensons que nous pouvons construire une société autonome et c'est sur cette feuille de route que nous avons monté la dernière levée de fonds. Peu de sociétés européennes atteignent la taille que nous avons, avec 100 millions d'euros de volume d'affaires annuel." Une introduction en bourse n'est pas d'actualité, mais la start-up se met en ordre de marche dans cette direction : elle est déjà rentable en France et évalue entre 3 à 5 ans le temps nécessaire pour atteindre la profitabilité dans les nouveaux pays qu'elle investit.
Benoit Zante