Qui ?
Emily Weiss, fondatrice du blog Into The Gloss et créatrice de Glossier.
Quoi ?
La présentation de la marque américaine de cosmétiques Glossier, qui bouscule les codes du secteur, à l'occasion de la conférence The Next Web 2017 à Amsterdam.
Comment ?
"Glossier est la première marque lifestyle de l'univers des cosmétiques. Tout ce que nous faisons est destiné à créer des conversations" : voilà comment Emily Weiss décrit la marque qu'elle a créée en 2014, depuis New York. Avec la youtubeuse Michelle Phan, la jeune blogueuse est l'une des "influenceuses" beauté qui a le mieux tiré parti de sa notoriété pour en faire un business.
Son site "Into The Gloss", qu'elle anime depuis 2010, réunit 2 millions de visiteurs uniques chaque mois, dont 50% hors des Etats-Unis. Depuis 2015, elle monétise son audience uniquement via l'e-commerce et sa marque Glossier (actuellement livrée uniquement aux Etats-Unis), après avoir renoncé à ses revenus publicitaires.
"Nous avons eu des ambitions mondiales dès le début du site. En interrogeant les femmes influentes du monde entier sur leurs routines beauté pour le blog, on s'est rendu compte qu'elles sont toutes peu sûres de leurs connaissances en termes de cosmétiques. Pour les 'millenials', seules les célébrités et les experts détiennent la vérité sur la beauté." De ce constat est né Glossier, une marque mondiale, "direct-to-consumer" et "category-agnostic", qui démocratise la beauté par le partage des connaissances.
"Souvent, les marques me demandent comment elles peuvent donner le sentiment à leurs communautés d'être impliquées. La réponse est simple : impliquez-les ! Ne faites pas semblant. Autrement, c'est juste une posture marketing." Chez Glossier l'implication de la communauté est visible à toutes les étapes. Exemple avec la Crème hydratante "Priming Moisturizer Rich" : en amont, le blog a servi à identifier les attentes et les besoins des clientes potentielles, grâce à la récolte de centaines de commentaires. Une première formule du produit a été testée auprès de consommatrices, et la version finale a été envoyée en avant-première au millier de fans les plus actives (et influentes), permettant de générer des avis en ligne sur le produit avant même sa commercialisation.
Ecouter sa cible n'est pas toujours lui donner raison... "Pendant la phase de test, on s'est rendu compte que le packaging de la crème n'était pas très apprécié. Mais nous l'avons conservé, en expliquant qu'on ne pouvait pas garantir la qualité du produit autrement. Sur le site, nous avons été très clairs : on vous a écouté, mais on ne peut pas vous suivre, et voici pourquoi. Aujourd'hui, c'est l'un de nos best-sellers."
L'emballage des produits lui-même est conçu de façon à susciter des conversations. "Il y a un 'next step' pour la cliente dans chacun de nos produits, nos packaging racontent des histoires, ils sont faits pour donner envie de les prendre en photo et de les partager. Par exemple, pour notre masque, nous avons mis une illustration directement sur la boite, pour que les gens la partage sur les réseaux sociaux."
La conversation ne s'arrête pas aux réseaux sociaux et aux commentaires sur le blog : les clientes peuvent aussi organiser des "FaceTime" avec des conseillères de la marque, ou encore communiquer entre elles, au sein d'une chaîne Slack, qui dépasse régulièrement les 2 600 messages par semaine.
La marque innove aussi dans sa distribution : 17% de ses revenus proviennent de l'affiliation, avec des "représentantes" des produits sur les réseaux sociaux, qui touchent des commissions sur les ventes. "Prenez Christine, par exemple : ce n'est pas une très grande influenceuse sur Youtube, mais elle était à fond sur Glossier avant même qu'on lui propose de la commissionner. Elle produit maintenant du contenu pour nous et gagne pas mal d'argent ainsi."
Et ensuite ? "Nous avons commencé par les soins de la peau, avant d'ajouter le maquillage l'an dernier. Deux nouvelles catégories seront ajoutées cette année. Il s'agit d'avoir tous les essentiels d'une routine beauté" ajoute Emily Weiss, qui imagine les nouveaux produits comme des médias. "On en sort un tous les deux ou trois mois : ça crée de l'attente chez les gens, un peu comme pour la sortie d'un nouveau tome d'Harry Potter."
Pour son développement, la marque a annoncé une levée de fonds de 24 millions d'euros en novembre 2016. La gamme compte aujourd'hui une vingtaine de produits, contre quatre seulement au lancement. "Nous faisons très attention, nous ne voulons pas faire des choses dans tous les sens. L'ambition est de créer des formules qui seront encore là dans 20 ans."
Benoit Zante