Qui ?
Geert Chielens, Application Manager CoE Digital & eCommerce IT CoE Retail, Marketing & Digital chez Ahold-Delhaize.
Quoi ?
Une interview pour avoir un tour d'horizon des enjeux multicanaux du groupe de distribution, issu de la fusion en 2016 entre le néerlandais Ahold et le belge Delhaize, à l'occasion de la Paris Retail Week, où Geert Chielens intervenait avec SAP Hybris.
Combien ?
- Dans le top 10 des distributeurs mondiaux
- 6 500 points de vente dans 11 pays
- 22 marques locales, dont Stop&Shop, Albert, FoodLion, Maxi, Ena, Albert Heijn, Gall&Gall, Giant, Tempo ou Bfresh
- 375 000 collaborateurs
- 50 millions de clients hebdomadaires
Comment ?
- Vous êtes en charge du e-commerce dans une partie de l'Europe : comment vous adaptez-vous au multicanal dans ces marchés ?
Nous utilisons différents modèles logistiques, avec la préparation des commandes soit en entrepôts, soit en magasins, par les employés, pendant les périodes creuses. Nous commençons toujours par un modèle de préparation en magasin et à partir du moment où un certain volume est atteint, nous basculons vers une préparation centralisée, qui permet d'avoir une expérience plus harmonisée. Mais le "picking" en magasin n'est pas pour autant une mauvaise solution : elle donne l'opportunité de conserver la relation avec les clients, lorsqu'il vient chercher sa commande sur place.
- Comment est réalisée la livraison ?
Nous avons recours à notre propre flotte de chauffeurs, toujours pour maintenir ce lien. Nous offrons aussi la possibilité de récupérer les commandes en drive ou en magasin, en fonction des pays. C'est très différent d'un marché à l'autre : en Belgique, nous proposons les trois modèles de livraison [drive, retrait en magasin, à domicile], alors qu'en Grèce, il est surtout question de livraison à domicile.
- Tous ces nouveaux services, c'est votre réponse à Amazon ?
Nous avons un avantage dans notre région, qui regroupe la Belgique, la Grèce, la Roumanie, la Serbie, la République Tchèque et le Luxembourg : nous savons qu'Amazon va débarquer, mais nous n'avons pas encore cette concurrence. Cela nous donne le temps de nous préparer, afin de créer une expérience client satisfaisante. Evidemment, aux Etats-Unis [ou le groupe est aussi présent, avec 7 marques], c'est un autre sujet.
- Comment gérez-vous les relations avec les filiales dans vos différents marchés ?
Notre rôle est de créer une roadmap pour l'ensemble, faire remonter les retours d'expérience et encourager les partages entre chacun des pays. Nous donnons aussi des outils pour mesurer et avoir des benchmarks communs. En plus d'une solution technique commune avec Hybris pour nos 6 marchés, nous avons mis en place une représentation business au niveau du siège, qui écoute les besoins des pays, rajoute une dimension stratégique groupe et travaille ensuite localement. Nous utilisons certains pays pour mener des projets pilotes ou faire du prototypage. La Roumanie, par exemple, un marché relativement nouveau et assez jeune, nous permet d'accélérer sur certains sujets.
- Quels sont les leviers pour inciter vos franchisés de prendre le virage du e-commerce ?
Selon les pays et les formats, nous avons des modèles différents : en Belgique, 50% des magasins sont détenus en propre et 50% sont des affiliés, alors qu'en Grèce et en Roumanie, nous n'avons que des magasins en propre. En Serbie et en République Tchèque, le modèle est mixte. Nous avons donné aux franchisés la possibilité de prendre une marge sur les ventes réalisées en ligne dans leur zone de chalandise. Il y a un réel retour pour eux, mais aussi la possibilité d'une extension de gamme. Généralement, les magasins affiliés sont de taille petite ou moyenne : avec l'e-commerce, ils disposent d'un assortiment beaucoup plus large, qui leur permet de servir leurs clients d'une autre façon, sans perdre de marge, tout en touchant en plus une commission sur ces ventes.
- Avec quels indicateurs mesurez-vous l'impact de vos actions ?
Nous utilisons principalement le Net Promoter Score (NPS). Evidemment, nous avons des objectifs en termes de chiffre d'affaires, mais nous jouons surtout la carte de la satisfaction client. Nous privilégions le NPS : les objectifs quantitatifs sont atteints grâce à des clients satisfaits. Online et offline sont mesurés ensemble.
- Quelle stratégie avez-vous mise en place pour mieux connaître vos clients ?
Comprendre comment les différents clients se comportent et quels sont leurs besoins nous a pris pas mal de temps… Après des études qualitatives et quantitatives, nous avons déterminé trois types d'utilisateurs différents :
- Celui qui parcourt le site comme dans un magasin, avec les différents rayons
- Celui qui fait sa liste d'achat sur papier et essaye de retrouver les produits en ligne, avec le moteur de recherche
- Celui qui fréquente régulièrement le site, utilise les différentes fonctionnalités et se créé des paniers sur la base de ses achats précédents.
Nous testons des choses quasiment en permanence : ça aussi, ce n'était pas évident à mettre en place. Le consommateur évolue de jour en jour. Depuis deux ans, nous avons mis en place une méthodologie agile : aujourd'hui, il n'est plus possible de faire une roadmap en début d'année. Il faut se donner la possibilité d'évoluer au fur et à mesure.
- Où en êtes-vous sur le mobile ?
Nous avons deux offres, et en toute honnêteté, c'est encore en chantier. Nous avons mis en place un site responsive en début d'année, alors qu'à l'origine, l'application était le canal privilégié pour l'e-commerce. Nous sommes en train de repositionner l'application autour de la fidélisation, pour les clients récurrents. Sur le sujet de la fidélisation, d'ailleurs, nous sommes aussi en transition : le but est d'avoir un profil client unique, avec une approche qui débute sur le digital et qui se disperse sur les autres canaux. Sur les marchés où il n'y a pas encore de programme de fidélité, c'est la priorité.
- Finalement, quelle est la tâche qui vous semble la plus compliquée dans cette transformation ?
Ce n'est pas du tout la partie technologique, à partir du moment où vous avez fait un choix intelligent de partenaires capables de délivrer. Le défi est avant tout de comprendre le consommateur. Comme plein d'autres, on pensait connaître le client et ses habitudes, en nous appuyant sur ce qu'on observe en magasin. Mais en ligne, les comportements sont totalement différents. Nous avons mis beaucoup de temps à mesurer et comprendre nos clients.
Propos recueillis par Benoit Zante