Qui ?
Carl Gonnet, Senior E-retail Specialist chez Fabernovel, Mathilde Méchin (en photo), RP Google, Adrien Vincent, Dg d'Ermes.
Quoi ?
L’annonce de la gratuité du référencement des offres marchandes sur sa plateforme Google Shopping, mise en oeuvre cette semaine aux USA. Et à la fin de l'année dans les autres pays du monde. Et sa mise en perspective.
Comment ?
L'annonce de Bill Ready, président Commerce chez Google, est tombée mercredi dernier (voir son post ici). Mathilde Mechin, BtoB communication manager chez Google France, nous explique : "Ce sujet était dans les bacs depuis quelques mois. Mais la situation actuelle a accéléré sa sortie. Dès la semaine prochaine, les commerçants physiques US pourront bénéficier du dispositif. " (voir la nouvelle interface ci-dessous, qui réserve la majeure partie de la surface au gratuit). Et les commerçants des autres pays du monde ? Ils devront patienter jusqu'à cet hiver...
Pour Google Shopping, le gratuit est en fait un retour aux sources : Google product search était gratuit du temps de Froogle, puis entièrement payant, depuis 2012. Mais en huit ans, comme l'explique Search engineland dans cet article, deux choses ont changé, la qualité de la data et... Amazon.
En effet, au lancement du produit, Google a d'abord essuyé les plâtres dus à sa position d'intermédiaire. Les listings produits pointaient souvent sur des stock inexistants. Mais cette question est résolue, avec l'amélioration de la data.
Et puis, Amazon. La société de Jeff Bezos est la première menace de l'hégémonique Google, dans son activité principale, la publicité. Les recherches verticales (sur Amazon ou Booking) progressent vite, très vite, comme le montre ce tableau de EMarketer (voir ci dessous). En 2019, 50 % des recherches sont initiées sur Amazon. La situation du Covid amplifie le phénomène : le marchand a vu ses ventes progresser de 35 % aux US sur la période. La société de Jeff Bezos fait aussi le pont entre magasins physiques et online, comme en Inde, où il vient d'annoncer qu'il va permettre aux boutiques alimentaires de vendre en ligne.
Une révolution
Pour Carl Gonnet, Senior E-retail Specialist chez Fabernovel, cette décision est "une révolution, la majeure partie du chiffre d'affaires de Google provient de la publicité en ligne (85 %), dont 60 % du Search (Publicités Texte + Shopping)." Levier phare de Google, et pilier important de l'activité e-commerce de nombreux sites, Google Shopping permet de mettre en avant visuellement les produits de sites marchands adossés à la page des recherches lorsque l'internaute tape une requête orientée produit (par ex. "achat google chromecast"). Une vitrine jusqu’alors payante pour l'annonceur (pay per click).
Google s'assoit sur de gros revenus... dans un premier temps
Pendant la crise du Covid, plus souvent en ligne, les internautes français ont d'abord eu un comportement lèche-vitrine avec une hausse des clics sur Google Shopping au mois de mars, mais des ventes qui ne suivaient pas. "Ces comportements ont progressivement évolué, d'une flânerie coûteuse pour les annonceurs, à des taux de conversion qu'on observe habituellement plutôt lors des grands rendez-vous comme les soldes ou le black friday... Chez les annonceurs que nous accompagnons, nous observons des chiffres d’affaires e-commerce multipliés par 2 ou 3 par rapport à la période pré-confinement, et des rendements nettement supérieurs sur Google Shopping" explique Carl Gonnet, Senior E-retail Specialist chez Fabernovel. "Selon nos estimations sur un revenu global de 98 milliards de dollars, cette perte représenterait 5 à 10 % si on passait les clics sur l'onglet shopping en gratuit aujourd'hui dans le monde."
Rendre Google Shopping gratuit va aussi développer l' activité de marketplace, lancée en 2018. "50 % des recherches sont initiées sur Amazon en 2019" rappelle Carl Gonet. Amazon fait 17 milliards de revenus en publicité. Avec ce retour à la gratuité, Google se donne une chance de devenir référent sur la recherche produits. Et à terme, en ayant une base très forte de marchands de petite taille, Google devrait se refaire sur les enchères des mots clés.
Amazon titille sur le terrain de la publicité ? Google réplique sur celui du E-commerce.
Google pourrait s’inspirer des recettes d’Amazon en nourrissant un cercle vertueux entre offre et demande : attirer de nouveaux e-commerçants, proposer une sélection plus large de produits. La multiplication des offres de sites marchands ainsi que la baisse des investissements publicitaires, rendus gratuits sur Google Shopping, pourraient tirer les prix vers le bas - profitant ainsi aux consommateurs.
Autre conséquence de cette révolution, les E-commerçants devront redoubler d'effort sur la qualité des fiches produit (voir notre article sur le sujet) pour émerger naturellement dans les premières positions..
"La technique d'un dealer de crack à la porte de la Chapelle"
Les budgets économisés serviront-ils à financer une place dans l'encart publicitaire premium, dont les prix devraient augmenter ? Ou les économies réalisées seront-elle investies ailleurs, ou tout simplement économisées ?
Pour Adrien Vincent, Dg d'Ermes, une plateforme qui automatise le media et le CRM, et mesure ce qui se passe en digital et magasin :"On regarde cela avec délectation, on reprend du popocorn. Car le marché se nourrit de la concurrence. L'annonce se présente comme une aide aux commerçants fortement impacts par le Covid. Qui a bon dos. C'est vraiment la technique du dealer de crack à la porte de la Chapelle. En même temps, pour nous, c'est une bonne nouvelle, on va passer d'un monopole sur le search vertical, à un duopole. Cette création d'un canal à part pour Google Shopping pourrait évoluer vers un rebranding dédié, avec une marque propre. Tous les géants du net américains sont en train de faire ça, pour anticiper les démantèlements éventuels"
De fait, la même semaine de l'annonce de Google, Amazon, accusée d'avoir menti sur l'usage qu'elle fait de ses datas, faisait face à une pression accrue pour démanteler son empire. Et, en France, à la fermeture des entrepôts, véritable guerre de lobbying à quatre bandes (syndicats, employés, Justice, Etat). Le dernier épisode date de ce matin, il est signé Amazon...
Le jour même de cette annonce, nous étions avec Patrick Amiel, qui lance 321quartiers, pour sauver les petits commerçants français. Si l'objectif de Google est vraiment celui de sauver ces commerçants, .Patrick recherche un partenaire financier, des développeurs et des sales... Car les petits commerces, en-dehors des USA, mettent aussi la clé sous la porte. Maintenant. Et pas dans six mois...