Qui ?
Sylvain Legoux, discret fondateur du site Oogarden.
Quoi ?
Un zoom sur la stratégie de ce discret n°1 français de la vente en ligne de l'habitat extérieur (mobilier de jardin, matériel de jardinage, de piscine, d'outdoor, barbecue, jeux, animalerie…), qui vient de s'implanter en Allemagne.
Comment ?
Créer un pure-player du e-commerce, rentable et capable de soutenir à la fois la concurrence de la grande distribution et celle d'Amazon ? C'est possible, et c'est ce que veut démontrer Sylvain Legoux, à la tête d'Oogarden, site e-commerce qu'il a créé en 2007. "A l'époque, tout le monde m'a pris pour un fou : personne ne faisait de gros volumes sur internet" se souvient l'entrepreneur, désormais à la tête d'une équipe de 150 employés, installés à Amberieu en Bugey, à 50 kilomètres de Lyon.
En 2016, l'entreprise créée par cet ancien ingénieur en micro-électronique a généré un chiffre d'affaires de 54 millions d’euros, pour un résultat net de 2 millions. Pour 2017, l'objectif est de dépasser les 70 millions d'euros, tout en restant rentable. Depuis trois ans, Oogarden enregistre ainsi une croissance de plus de 40% par an... Le tout avec une seule levée de fonds en 2012, de 4,1 millions d'euros, auprès de Sofimac Partner et d'Aquasourça (le fonds de la fille du fondateur des hypermarchés Carrefour). Une situation qui permet à Sylvain Legoux d'être toujours majoritaire au capital.
Des performances étonnantes dans un contexte difficile pour les acteurs du e-commerce français, qui s'expliquent par un modèle original, qui combine toutes les possibilités du multicanal. Les clients intéressés par les barbecues, abris de jardins ou tondeuses à gazon du site peuvent se faire livrer à domicile ou choisir de se rendre dans l'un des quatre entrepôts d'Oogarden (Lyon, Lille, Nantes et Aix-en-Provence, en attendant Meaux, très prochainement). Chaque entrepôt est doublé d'un showroom qui permet de bénéficier du conseil des vendeurs présents, tout en repartant les mains pleines, avec un panier moyen de 200€.
"Grâce au web, on arrive à faire venir du monde dans des zones d'activité, dont les loyers sont beaucoup plus faibles que les zones commerciales" explique le fondateur d'Oogarden, qui avoue aussi devoir beaucoup à Google et à ses mots clefs payants. "Quand je me suis lancé, je n'osais pas aller sur Google : je privilégiais les comparateurs de prix... c'était une erreur. Sans Google, jamais je n'aurais pas eu les moyens de monter une enseigne comme celle-là : on le critique beaucoup, mais c'est ce qui a permis à Oogarden de se développer." Les frais d'acquisition sont limités à 8% du chiffre d'affaires : ils combinent adwords, spots TV (pour construire la marque) et prospectus geo-ciblés.
Prochaines étapes : l'ouverture d'une douzaine de nouveaux entrepôts d'ici à 2020, pour mieux mailler le territoire, et l'internalisation progressive du transport. Sans oublier l'international, alors que le marché du jardin est évalué à 81 milliards d'euros en Europe. 10% du chiffre d'affaires est déjà réalisé hors de France, principalement en Belgique et en Allemagne. Les 3 millions d'euros de CA de l'autre côté du Rhin ont récemment convaincu l'entreprise d'ouvrir un entrepôt-showroom de 12 000 m2 à Dusseldorf. "Au début, j'ai cru qu'il serait possible de tout faire depuis la France, mais c'était utopique."
Comme si cela ne suffisait pas, Sylvain Legoux s'est fixé un défi supplémentaire : développer ses marques propres, pour augmenter ses marges et résister à la guerre des prix menée par Amazon et CDiscount. Il s'agit de créer des innovations de ruptures sur son marché, comme le fait Decathlon, tout en maintenant des prix abordables. "Grâce aux marques propres, on peut maîtriser nos coûts et notre SAV" justifie-t-il. Une stratégie de long terme : le bureau d'étude a été ouvert en 2016 et cherche encore sa tente Quechua.
Toute cette stratégie est déployée en auto-financement et selon une croissance "frugale". "Si je me met à perdre un peu d’argent, les assureurs crédit et les banques vont nous couper les vivres, on l'a déjà vécu. Alors on va peut-être un peu moins vite que les autres, mais on avance prudemment. Aujourd'hui, notre souci n'est pas l'argent, mais de trouver les bonnes personnes." Une quarantaine de postes sont actuellement ouverts. A bon entendeur... Une place n'est pas près de se libérer : Sylvain Legoux ne se voit pas partir en retraite avant d'avoir atteint le milliard d'euros de chiffre d'affaires.
Benoit Zante