Qui ?
Matthieu Pellet, Chief Digital Officer d'Intersport.
Quoi ?
Le point sur la transformation en cours chez Intersport, destinée à rendre "omnicanale" cette enseigne coopérative de 652 magasins.
Comment ?
5% en e-commerce d'ici à 2020
Fin 2017, la direction d'Intersport s'est fixée comme objectif de générer d'ici à 2020 5% de ses ventes grâce à son site e-commerce... Un virage significatif, alors que le "click&collect" n'a été mis en place qu'en 2017 sur le site Intersport.fr, pour un nombre encore limité de produits. Son concurrent direct, Decathlon, réalise déjà 4,5% de ses ventes en ligne (soit en 2017 environ 150 millions d'euros de chiffre d'affaires) et affiche un taux de 90% de l'inventaire magasin disponible sur le site Decathlon.fr...
Pour atteindre son objectif, Intersport met donc les bouchées doubles, non seulement en matière d'e-commerce, mais surtout dans le développement de l'omnicanalité. "Quand on a la chance d'avoir plus de 650 points de vente sur tout le territoire, il faut s'appuyer sur cette force" explique Matthieu Pellet. "Demain, nous voulons être capables de proposer l'ensemble des modes d'achat et de livraison possibles à nos clients, pour tous nos produits, avec une expérience sans couture." Commande en ligne et livraison à domicile, click-and-collect, commande en magasin et livraison à domicile... les opportunités sont nombreuses, mais imposent de repenser toute l'organisation de l'entreprise, qui est en fait une coopérative regroupant des sociétaires propriétaires de leurs magasins.
Première étape : poser les bases de l'omnicanalité
Depuis deux ans, les équipes de Matthieu Pellet s'activent en coulisse pour rendre techniquement possible cette vision de l'omnicanal : "nous nous organisons pour construire toute la couche technique invisible pour les clients, tout l'écosystème technologique" résume le Chief Digital Officer du groupe. L'enseigne s'appuie notamment sur les technologies de SAP pour faire le pont entre online et offline : Hybris pour l'e-commerce et SAP pour le pilotage des stocks, des prix et de la supply chain. La plateforme Hybris est déployée depuis 2016 : "nous avons commencé avec la e-réservation, puis nous avons déployé le click-and-collect en mars 2017. La livraison à domicile a été ouverte fin 2017, sur des gammes comme les vélos."
Récemment, l'ouverture d'un second entrepôt dédié au e-commerce a permis d'élargir la gamme des articles disponibles en "pur" e-commerce. A partir de 2019, l'objectif est de proposer aussi la livraison à domicile depuis les magasins, pour davantage de flexibilité et de réactivité. "Nous sommes actuellement en train de déployer de plus en plus de produits en ligne. Pour que nos clients aient vraiment une expérience sans couture, il faut qu'ils puissent retrouver les mêmes produits sur internet qu'en magasins" précise Matthieu Pellet.
Le programme de fidélité, avec ses 6 millions de contacts, qui génèrent 70% des ventes de l'enseigne, sera une pièce maîtresse du dispositif. En 2017, il a déjà connu une croissance de ses membres de 27%. "Le lien entre les différents canaux est facilité par ce programme. La transformation digitale et omnicanale de l'enseigne s'appuie sur le renforcement de la connaissance client." Pour autant, la mise en place d'une DMP (Data Management Platform) n'est pas à l'agenda : "avec cette bonne base de données, bien connectée à nos différents outils en ligne et en magasins, avec du CRM onboarding et les bonnes segmentations, il y a déjà beaucoup de choses à faire avant de s'embarquer dans l'implémentation d'une DMP."
La transversalité, une condition de succès
Cet ambitieux projet de transformation touche tous les acteurs de l'entreprise, et pas uniquement la branche "digitale" ou "e-commerce" : la logistique, les magasins, les services informatiques, les RH et le CRM sont aux premières loges... "Si l'on veut vraiment déployer un tel projet, il faut que toutes les directions portent le sujet. Lors de la création de la division 'digitale', on avait tendance à avancer dans notre coin, en mode agile et rapide, mais on s'est vite rendu compte qu'on n'y arriverait pas ainsi. On n'était pas intégré dans les différents systèmes techniques de l'entreprise, on n'avait pas l'appui du réseau... Très vite, on s'est tous remis autour de la table pour passer du digital à l'omnicanal."
Au quotidien, le projet est porté par la direction digitale, mais avec un fort appui de la direction générale, et l'implication de la DSI, de la supply chain et la direction du réseau. "Je me déplace aussi très souvent dans les magasins et les directeurs viennent souvent au siège. La transformation passe par beaucoup d'explication et de pédagogie, notamment sur le partage de la valeur : on démontre qu'elle ne va pas être gardée par la centrale, mais redistribuée à tous" explique Matthieu Pellet.
Mais la collaboration et le dialogue ne suffisent pas toujours à éviter les couacs... Pour les équipes d'Intersport, le "Black Friday" de 2017 a bien porté son nom : le site de l'enseigne est resté inaccessible plusieurs jours, faute d'hébergement suffisamment robuste pour tenir la charge des visites. "La promotion que nous avions faite pour l'occasion a trop bien fonctionné... on ne s'attendait tout simplement pas à un tel volume de visites, c'était des chiffres qu'on anticipait plutôt pour 2019. Mais finalement cet épisode nous a bien servi en interne : il a permis à beaucoup de prendre conscience de la puissance du digital et des opportunités que ce canal pouvait nous apporter. Depuis, nous avons appris de nos erreurs pour mieux anticiper."
Benoit Zante