Qui ?
Romain Roulleau, Directeur marketing digital et client, Kingfisher France (Castorama et Brico-Dépôt).
Quoi ?
Comment le magasin a organisé son drive, et revu tous ses process d'organisation.
Comment ?
Comment se sont passées les deux dernières semaines ?
Au début, les directives données par le gouvernement aux magasins sur le non-essentiel et l'essentiel n'étaient pas très claires. Samedi soir, nous avons donc décidé de fermer les quelques magasins en dérogation ouverts le dimanche, en respectant les consignes de sécurité. Comme tous les retailers, nous avons créé une cellule de crise, nous nous sommes mis en ordre de bataille pour savoir si on pouvait avoir un service qui respecte la sécurité, nos salariés, nos clients.
Qu'avez vous mis en place ?
Nous n'avions pas d'exemple satisfaisant venant de Chine ou d'Italie. En Italie, les tests n'ont pas été concluants : les clients et les salariés ne se sentaient pas en sécurité. Nous avons dû fermer.
Une zone de retrait n'est pas sans contact.Nous nous sommes rendus compte qu'en chargeant la marchandise dans le coffre, nous créions un contact potentiel. Le livreur dépose la marchandise devant le coffre et le client, avec qui on a convenu de l'heure de son rendez-vous, descend de la voiture à son départ pour la charger. Sur le parking, plusieurs mètres ont été marqués entre chaque véhicule. Sauf à Grenelle, qui va être ré-ouvert en mode piéton, mais avec les mêmes précautions. Nous avons donc imaginé un service de retrait sans contact que nous avons ouvert progressivement, point de vente par point de vente, depuis lundi dernier. Et nous avons informé le public via nos réseaux sociaux et l'e-mail.
Toutes les décisions sont prises en fonction de la donnée, et de ce que nous sommes en capacité de faire sur le site. Ainsi, les magasins sont régulièrement rouverts ou fermés, pour maintenir la préparation des produits à flot. C'est un pilotage au jour le jour. Les vendeurs en magasin qui restent sur le site (sur les 20 000 salariés, la majorité est en chômage partiel) ont vu leur rôle changer : la relation client se fait en ligne, où nous avons beaucoup poussé les tutoriels. Le site 18 h 39 dédié à comment bien vivre dans la maison, qui existait avant la crise, est aussi en pleine activité.
Comment définissez-vous la liste des produits essentiels ?
La plomberie, l'électricité, les sanitaires, sont de première nécessité. Après, on fait preuve de pragmatisme. On enlève les produits de déco. Mais tous les jours, on enlève et on pilote en fonction de la donnée. Nous prenons en compte les recherches sur Google et sur nos sites Web.
Qu'est ce que cela a changé dans l'organisation ?
Entre le fait de dire le digital est important et le vivre tous les jours, c'est devenu le seul moyen de commercer ce n'est pas pareil. Cette acculturation forcée au digital des organisations va avoir un impact sur la com et la commercialisation des enseignes. Et puis, le process de mode de décision et l'organisation. Le digital est devenu central pour maintenir l'activité de la société, et la donnée est au centre. Nous avons démontré qu'elle peut servir de base à la prise de décision. Par exemple, pour décider de fermer certains sites le dimanche pour désengorger, et de laisser ouverts d'autres, c'est la donnée qui a été analysée, et rien qu'elle.
Plus fondamental, avant, comme n'importe quelle grande entreprise, nous avions un process de prise de décision lourd (business plan, plusieurs niveaux pour décider, et mise en œuvre par palier). Aujourd'hui, tout a été accéléré par 10 ou 20. Les décisions sont implémentées en 48 h. Les décisions sont prises vite, avec la considération éthique au premier niveau. Une vitesse qui était jusque-là l'apanage des boites de tech.