Qui ?
Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce (en photo), Damien de Blignières, Digital Business Director de Tape à l'œil et Grégoire Kaufman, directeur commercial et marketing de Carrefour Italie.
Quoi ?
3 exemples de distributeurs qui réinventent le (e)commerce, en France, en Italie et aux États-Unis.
Comment ?
1/ Tape à l'œil forme ses vendeurs à la relation avec les blogueurs
Lancée en 1993, la marque de mode pour enfants Tape à l'Oeil s'est développée principalement grâce au bouche à oreille. Depuis 2013, cette enseigne du groupe Mulliez a décidé de mettre davantage l'accent sur le communautaire et les réseaux sociaux. "Nous avons vocation à gérer le communautaire au niveau local, en magasin" explique Damien de Blignières, qui a rejoint le groupe il y a deux ans. S'il n'y a pas (encore) de page Facebook pour chaque magasin, les employés (ou "fashion advisors" dans le jargon de l'enseigne) sont progressivement formés... à la relation avec les blogueurs, depuis un an. Une demi-douzaine de blogueuses de la région sont ainsi invitées aux inaugurations des nouveaux magasins, à charge ensuite pour les responsables locaux de les animer sur le long terme, en leur proposant des opérations spéciales, telles que la privatisation des lieux pour des soirées shopping.
L'ambition de Tape à l'Oeil de "faire entrer le client au coeur de la marque" se traduit aussi par le lancement d'un "Family Lab" : une cinquantaine de clientes reçoivent tous les quinze jours des produits à tester et le panel change tous les trois mois. "Avec ces clientes, nous sommes dans une logique de co-création : elles ont accès à des informations en avant-première et leurs avis sont intégrés au réseaux social interne. Nous testons aussi auprès d'elles des objets de newsletters, des PLV, etc."
La page Facebook de l'enseigne fédère aussi plus de 570 000 fans, "avec des taux d'engagement parmi les plus importants de notre secteur" précise Damien de Blignières. "25% du SAV est géré là." La marque entretient aussi une présence sur Instagram, Pinterest et Twitter, mais réserve à Facebook l'achat média de contenus sponsorisés. "Sur Instagram, nous faisons des tests, mais pour l'instant, nous recrutons surtout des gens qui ne sont pas dans notre cible." La gestion des contenus et des interactions est entièrement centralisée dans l'outil Spinklr. Près de 15% des budgets digitaux de l'enseigne sont consacrés aux réseaux sociaux et six personnes gèrent ce sujet au siège, à Lille. "L'impact sur la notoriété se mesurera sur le long terme, mais on observe déjà de plus en plus de trafic sur le site ainsi que des taux d'engagement bien au-dessus de la moyenne du secteur. Nous croyons énormément à la recommandation, plus durable que la télévision."
2/ Carrefour Italie transforme ses magasins en lieux de convivialité... 24h/24, 365 jours par an.
Plus polémique, Carrefour a décidé de répondre à la concurrence du e-commerce et aux nouvelles habitudes de consommation en ouvrant sans discontinuer une partie de ses points de vente italiens, depuis le printemps 2015. Une centaine d'entre eux sont désormais ouverts 24h/24, majoritairement des supermarchés Carrefour Market, mais aussi des Hypers. Signe que l'idée fonctionne, l'enseigne déploie maintenant le même concept en Espagne. "Cela va de pair avec un changement total de l'expérience en magasin. Celui-ci devient un lieu de rencontre, d'échange et de convivialité, car c'est le seul endroit ouvert la nuit" expliquait Grégoire Kaufman lors des Sommets du Digital de La Clusaz. "Beaucoup de clients dînent tranquillement en famille et viennent ensuite faire leurs courses, en prenant leur temps, dans une ambiance conviviale". Pour animer le lieu, l'enseigne organise des concerts et des événements, tout en repensant les espaces. Carrefour offre aussi le café aux policiers et aux chauffeurs de taxi, car "ça ramène des gens qui rassurent". Aux caisses, pas de femmes, seulement des caissiers. En parallèle, une campagne sur les réseaux sociaux met en avant "la gente di Carrefour" : ses employés et ses fournisseurs, pour humaniser la marque. "En à peine dix-huit mois, Carrefour est devenu le premier distributeur en Italie sur le digital, avec une fanbase sur Facebook de 500 clients."
3/ Enjoy révolutionne l'expérience de la livraison
Imaginé par le fondateur des Apple Store et ex-PDG de JC Penney, Enjoy ambitionne de combiner les meilleurs aspects du e-commerce et du commerce physique, en transformant totalement l'expérience de livraison. "Si vous leur dites de vous livrer à 23h au Starbucks, vous êtes livré à 23h au Starbucks" résume Frank Rosenthal, lors des Sommets du Digital. Mieux : cette livraison en main propre est réalisée par des experts des produits vendus (principalement du high-tech, mais aussi des skateboards). Le but : créer du lien avec le client, tout en l'aidant dans la prise en main des drones, smartphones et autres "wearables" vendus par Enjoy. Les experts peuvent aussi être sollicités pour des cours à domicile. La start-up, qui a levé 80 millions de dollars, est pour l'instant uniquement disponible à New York et San Francisco, mais prévoit un développement rapide dans d'autres villes.
Benoit Zante