Qui ?
Stéphane Delbecque, Directeur des expertises digitales d'AXA.
Quoi ?
Le bilan du premier projet mené avec la méthode Lean Start-up mis en place par la Digital Agency d'AXA Groupe.
Comment ?
- Axa Drive est la première application à sortir de la Mobile Factory d'Axa Groupe. Que fait-elle ?
Axa Drive est l’ange gardien de la route. A la fin de chaque trajet, l’application donne au conducteur un score de conduite et un conseil, en fonction des données générées par le téléphone, l’heure, la date, le type de route, le climat. Toutes ces données permettent de délivrer un service personnalisé et contextualisé.
https://youtu.be/9UHVFIDEIgg
- A qui s'adresse-t-elle ?
Plusieurs utilisateurs-cibles (persona) ont été identifiés. Les gamers sont attirés par la mécanique de score de conduite et les éco-conducteurs apprécient les conseils pour réduire sa consommation d’essence. Axa Drive s’adresse aussi aux personnes qui souhaitent prouver leur capacité à bien conduire. On a réfléchi à plusieurs cas d'usage : une nounou qu’on embauche pour emmener des enfants à l’école par exemple, un chauffeur de VTC ou un conducteur sur une plateforme de covoiturage. Le programme de certification dure 3 mois avec un nombre de trajets à effectuer et un score minimum à atteindre pour être identifié comme bon ou très bon conducteur. Ce "badge de confiance" s'exportera bientôt sur les plateformes de covoiturage ou de location de voiture entre particuliers.
- Il y a un an, vous nous exposiez la théorie du développement en mode "lean start-up". Avez-vous suivi à la lettre la méthode ?
Oui. Une première version de l’application existait déjà sur les stores, mais sa proposition de valeur n'était pas adaptée. C’était un gadget. On a donc décidé d’arrêter les développements de cette version pour repartir de zéro en suivant la méthode lean start-up que j’avais synthétisée en un grand schéma (voir notre article à ce sujet).
- Quelle a été la première étape ?
Prendre un mandat auprès de la direction pour mettre le projet sous une cloche de verre. C’est le seul moyen de rester "focus". Cela a permis de repousser les fonctionnalités proposées par des équipes métiers qui n’avaient rien à voir avec notre positionnement. Ensuite, le projet a débuté par une phase de compréhension des besoins et des profils-types. C'était la première fois que ce travail était effectué, cela a pris trois mois.
- Il faut développer le produit dans son coin pour rester focus ?
Au contraire, les collaborations enrichissent le projet, mais seulement si elles partent des besoins. Ajouter des fonctionnalités développées par d'autres équipes métiers juste parce qu'on les a en stock, n'a pas de sens. Une fois que les scénarios d’usages (stories) ont été réalisés, nous nous sommes entourés. Les 700 conseils de la librairie viennent du groupe. Sur la partie tech, le Data Innovation Lab nous a aidés à concevoir le moteur de conseils et à réfléchir à la collecte et l'exploitation des données de conduite. Les entités pilotes (la France, le Luxembourg, les pays de l'Est) ont été associées au projet. Nous leur faisions une démo à chaque fin de sprint et elles pouvaient réagir.
- Comment l'application va-t-elle évoluer ?
On n'ajoute aucune fonctionnalité tant que le market fit n'est pas atteint. Nous avons sorti l'application en 6 mois pour la confronter à l'usage le plus rapidement possible. Nous mesurons l’engagement et l’usage de l’application pour l’améliorer en continu, c'est le Customer Feedback Learning Loop. On scrute les retours utilisateurs sur les stores, les réseaux sociaux et le formulaire de feedback in app. Les analytics comme les données de navigation dans l’application nous indiquent aussi les points qui posent problème. Par exemple, nous avons simplifié la page de création de compte en supprimant les boutons Twitter Connect et Google Connect, peu utilisés. Le taux de succès a augmenté de 25%.
- Quels indicateurs montreront que le "market fit" est atteint ?
Les téléchargements et les créations de compte permettent de suivre la conversion : ils représentent ceux qui trouvent la proposition de valeur de l’appli intéressante. Nous mesurons aussi la rétention de l'application avec le nombre d’utilisateurs actifs par mois (MAU) et le nombre de trajets par utilisateur actif par mois. Enfin nous suivons les interactions des gens avec les conseils délivrés, il y en a déjà plus de 10 000. Comme dans Tinder, on peut les « swiper » à droite ou à gauche pour indiquer son intérêt. L’analyse de ces gestes pointe les conseils les plus appréciés, cela nous guide pour raffiner la politique de contenus.
- Quel rôle joue le contenu dans l'application ?
Il est au cœur de la promesse : à chaque utilisation, on reçoit un conseil personnalisé. Pour nous, l’éditorial sur mobile est un nouveau métier. Les conseils des équipes métiers étaient très verbeux, ça ne rentrait pas dans les cases. Maintenant, on se demande s'il faut augmenter la part de blagues ou pas, diversifier les messages en intégrant ceux d’autres entreprises du monde du transport : équipementiers, constructeurs de voiture, acteurs du covoiturage.
- Quelle est votre stratégie marketing pour promouvoir l'application ?
Les campagnes de communication pour promouvoir Axa Drive 1 avaient généré des centaines de milliers de téléchargement. Il y avait même des spots TV. Le problème : les gens ne l’utilisaient pas. Aujourd'hui, sans aucune campagne, Axa Drive compte plus d’utilisateurs actifs que l'ancienne version, grâce à un peu de bouche-à-oreille et quelques retombées médias. Cela ne suffit pas, nous allons bientôt commencer à faire du growth hacking. On se forme. Il faut identifier les bons canaux, les partenariats et les communautés sur lesquelles s'appuyer : les écoles de conduite ou 40 millions d'automobilistes par exemple. Pour l'instant, nous sollicitons une communauté de beta testeurs via un store privé. Ils correspondent plus ou moins à nos "persona" (profils-types) et nous permettent de voir si on n'a pas "déliré" sur les besoins de nos cibles.
- Comment l'application est-elle perçue par le reste du groupe ?
Les entités géographiques sont ravies car le déploiement de l’application dans de nouvelles zones ne coûte rien. Le socle technique (middleware) est commun au groupe et il suffit d'avoir le fichier langue pour lancer l'appli dans un nouveau pays en un jour. Axa Drive est le premier étage de la fusée, aujourd'hui elle délivre des conseils, demain elle pourra potentiellement générer des leads ou fidéliser les clients existants.
- Le service va-t-il être associé aux offres d’assurance d'Axa ?
A terme, il est envisagé d'attacher une proposition commerciale de souscription à Axa Drive, mais chaque pays est libre d'utiliser cet asset groupe comme il le souhaite. Pour l'instant, nous travaillons d’abord sur la manière d'appairer l'application à la voiture, ou de l'intégrer dans un boitier pour s'assurer que la personne évaluée est la personne qui conduit. La voiture connectée et très bientôt la voiture autonome vont changer la donne de l’assurance. Des études estiment qu'en 2030 les accidents de la route baisseraient de 80% et les primes d'assurance de 50%. Pour l'instant, on entrevoit seulement le début de l'histoire. Nous sommes dans une phase de transition. Notre démarche est d'anticiper les impacts sur les conduites, les notions d'achat, de possession et de maintenance de son propre véhicule.
Propos recueillis par Monelle Barthélemy