Qui ?
Matthieu de Lesseux, co-président de l'agence DDB.
Quoi ?
Une tribune sur le thème de la Facebook dépendance.
Comment ?
Facebook est un acteur majeur et incontournable pour les marques, en particulier par l’audience qu’il concentre. 99% des 15-24 ans en France sont sur Facebook et y passent beaucoup de temps : 15% du temps passé sur Internet en France toutes catégories confondues. Un utilisateur de facebook peut au travers de la même plateforme suivre l’actualité, dialoguer avec ses "amis", partager des photos et vidéos, s’amuser… Il s’agit pour les marques d’être là où les gens sont, là où ils passent du temps, se divertissent, échangent des points de vue, se renseignent… Attention danger : cet endroit où tout se passe met aussi en place une véritable dépendance, que l'on peut détailler en six différents types de seringue.
1. La seringue technologique : Facebook change à sa guise les règles du jeu, le fonctionnement de sa plateforme, les possibilités qu’elle offre… et ne se prive pas de la faire fréquemment. Sans se soucier des effets de bord pour les consommateurs et surtout pour les marques. Une instabilité qui rend le sujet difficile à suivre et qui coûte aux marques et aux agences, en temps et en énergie.
2. La seringue financière pour tous ceux qui utilisent les Facebook Credits et proposent de l’achat de bien virtuels (entre 20 et 50 % reversés à Facebook) et les acteurs de l’industrie du social gaming. Zynga, qui représente 15% du CA de Facebook, soit 445 M$ en 2011, vient de créer sa propre plateforme sociale pour s’émanciper et lance 6 social games à l’extérieur du système Facebook. 2012, année de lutte entre Facebook et les grands acteurs du social gaming.
3. La seringue publicitaire : avec la Timeline, tout à changé. Les marques doivent désormais investir en community management et en contenus de qualité ET s’acheter une visibilité sur Facebook (Facebook ads etc.). Le ticket d’entrée augmente, écartant les "petites marques", celles qui ont moins de 500 000 fans, qui n’auront pas les moyens. Elles ont déjà investi sur Facebook et contribué à son succès. Tant pis pour elles. L’hégémonie de Facebook est telle que l’entreprise peut changer les règles de façon unilatérales sans que personne ne puisse, pour le moment, réagir.
4. La seringue data : les data si précieuses récoltées auprès des utilisateurs (goûts, comportements, degré d’affinité aux marques etc. etc.) appartiennent à Facebook. La présence et l’activité des marques contribuent à développer le trésor de guerre de la plateforme, qui n'est pas partageuse.
5. La seringue communautaire : la communauté que l’on crée autour de sa marque a de la valeur, mais cette valeur est fragile... puisqu’elle est chez Facebook. Les marques ne possèdent pas la base relationnelle de leur communauté. Et il n’y a pas d’assurance contre la perte de fans sur Facebook.
6. La seringue du F-Commerce. Soit la page Facebook sert de pourvoyeur de trafic sur un site marchand… mais alors cette source de commerce est aussi attractive que fragile puisque la marque n’a pas la main dessus (quid par exemple du nouveau layout imposé par la timeline en terme d’efficacité commerciale ?). Soit la page Facebook est une vraie F-boutique… et là encore il faut considérer que la gestion de cette boutique est partagée entre la marque et Facebook, qui peut imposer à tout moment une "nouvelle organisation ou présentation des linéaires" et de nouvelles règles commerciales. Enfin, toutes les datas générées par Facebook Connect, particulièrement valorisables quand elles sont liées à un achat, sont partagées avec Facebook qui peut s’en servir à sa guise… y compris pour vendre une présence ciblée auprès de concurrents (accès au social graph).
Malgré la magie Facebook, sa puissance, sa capacité à faire parler des marques et a les mettre en relation avec leurs cibles, il faut garder du recul. Connaître la plateforme à fond, savoir jouer avec l’Edgerank ou le Reach Generator, échanger avec les ingénieurs de Facebook et ne jamais oublier que nous faisons un métier de conseil. Conseiller, c’est aussi savoir aller à contre sens.
Matthieu de Lesseux